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Music

On est allés voir Nicki Minaj et Lydia Lunch. En même temps.

Deux salles, deux publics, deux ambiances.

Nicki Minaj, « meilleur rappeur du moment » dixit notre envoyé spéciale, enchaînait deux dates au Zénith de Paris mercredi et jeudi dernier, pendant que Lydia Lunch, prêtresse de la no-wave new-yorkaise, ouvrait le colloque punk de l'Université Paris 7 vendredi soir. Laquelle fut la plus punk ? Laquelle fut la plus féministe ? Vous trouverez peut-être la réponse à ces questions ci-dessous, grâce à notre double team de la semaine, composée de Christelle Oyiri (Nicki Minaj) et Diane Lebel (Lydia Lunch).

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Nicki Minaj : Sur le chemin du Zénith, je slalome entre des lycéennes qui ont l’air de s’entendre sur les horaires du dernier RER D. Des petites meufs à Jordan 11 qui portent des jeggings, un jeune couple hollandais recouvert de paillettes et de maquillage, deux-trois mecs style « je suis cadre chez HSBC » qui ont l’air paumés et heureux à la fois, des familles, des groupes de gays survoltés. Sans vouloir me la jouer sociologue de concert pop, je dirais que j’ai jamais vu une faune aussi variée et bon enfant. Nicki Minaj fédère et pas besoin de sortir de Centrale pour s’en rendre compte. Tantôt, je me retrouve à côté de cette fille métisse qui connaissait les paroles de TOUTES les chansons de Nicki Minaj et de Trey Songz PAR COEUR, la seconde d’après j’atterris au beau milieu d’un groupe de blancs inoffensifs qui désignent naïvement Meek Mill du doigt : « Eh tu sais qui c’est ce rappeur ? ». J’oscille entre enfer et paradis.

Lydia Lunch : Petite précision qui a son importance : ce concert était organisé en marge du colloque Disorder : Histoire des mouvements punk et post-punk organisé par l’Université Paris Diderot, et tous les participants étaient invités à passer de la théorie à la pratique au Petit Bain en soirée. Ils étaient d'ailleurs très faciles à identifier : c’étaient tous ceux qui allaient systématiquement déposer leur sacoche en bandouillère et leur écharpe aux vestiaires. La foule était partagée de manière assez équitable entre vieux nostalgiques grisonnants et apprentis punks. Tout le monde répondait plutôt bien à la question « Que faire à Paris quand on est pop / rock / folk ? » En revanche, très peu de féministes dans la salle. Chelou pour la chantre du mouvement.

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PREMIÈRE PARTIE

Nicki Minaj : La première partie est assurée par Trey Songz. Mi-ange, mi-homme, je résumerais sa prestation en deux mots : apparition divine. Trey Songz se déplace, virevolte, flirte avec l’auditoire en montrant ses abdos. Il re-montre ses abdos, les filles tombent en syncope, les mecs s’exaspèrent et cherchent désespérément Nicki du regard. Il chante en live, et pas une seule fausse note se fait entendre. Je reprendrais les mots d’une amie qui disait avec flegme : « Trey Songz, c’est Chris Brown sans la drogue en fait ». Le bellâtre s’en va et le doute se disperse.

Lydia Lunch : Pour la première fois de ma vie j’ai vu un concert commencer avant 20h (19h50 pour être précise), un vendredi soir à Paris, et c'est le plat de résistance, c’est à dire Lydia Lunch Retrovirus, qui ouvrait les festivités. Je ne regrette pas trop d'avoir zappé l’entrée, en l’occurrence Kas Product, que j’avais déjà eu du mal à digérer par le passé. Lydia s’installe avec ses trois musiciens assez rapidement. Mais pas assez pour elle qui leur lance un « bon, quand vous aurez fini de jouer avec vos zizis, on pourra enfin commencer ». Et bim !

(Photo Nicki Minaj : Christelle Oyiri / Photo Lydia Lunch : Robert Gil)

TENUES ET SPECTACLE

Nicki Minaj : Une pluie de strass, de drapés, de dentelles. Les tenues n’ont pas vraiment de point commun entre elles si ce n’est qu’elles mettent en valeur les courbes généreuses de Nicki. Ce serait le cas même en salopette de toute façon. Ses danseuses et danseurs me rappellent avec amusement ces longues heures passées devant MTV à matter le 'Wade Robson Project’ après le collège. Loin d’être une grande danseuse, Nicki est en revanche une très bonne actrice. Elle nargue, drague, mais surtout émeut son public : « Ne laissez jamais personne vous dire que vous n’êtes pas assez bien, ne laissez jamais personne dicter votre destin à votre place. ». Je pensais ne jamais succomber aux pop stars se prenant pour des coachs en développement personnel mais honnêtement, j’ai pleuré 4 fois.

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Lydia Lunch : Du noir et encore du noir, pour Lydia comme pour ses boys. Bien que la« quinqua » comme la décrirait un magazine féminin est sobre niveau frusques, elle n’en reste pas moins coquette : j’ai compté au moins deux, si ce n’est trois breaks maquillage. À savoir des interludes où les deux bougres de guitariste et bassiste nous offrent des solos plus ou moins inspirés, attendant docilement que Lydia se retire au fond de la scène pour se ré-appliquer une couche rouge à lèvres, rouge sang évidemment, et en prenant tout le temps nécessaire. Tranquille la meuf.

SCÉNOGRAPHIE

Nicki Minaj : Entre les entractes sous forme mini-films sur l’estime de soi et la pluie de paillettes façon grand final à la fin mon coeur balance…

Lydia Lunch : Pas de chichis, pas d’effets, pas de surprises. Le bassiste et le guitariste qui l’encadrent se ressemblent étrangement (blonds à mèches, ultra baraqués, tout droit sortis d’un film de Gus Van Sant), et partagent la même attitude de brute soumise, ce qui pose déjà un truc assez fort visuellement. Et oui, Lydia dégage (encore) le genre de charisme qui rend inutile la majorité d’effets cache-misère auxquels ont recours d’autres musiciens.

AMBIANCE

Nicki Minaj : Le climax du spectacle a été atteint quand Meek Mill a rejoint Nicki sur scène. Parfaitement détendues, ils nous jouent le numéro du couple Huxtable du rap. Tous les gens qui comprennent ce qui est en train de se passer hurlent, et pour nous achever, Meek Mill s’adresse à sa belle : « Can I be the boss tonight ? » et enchaîne avec « I’m a boss » devant la foule survoltée du Zénith. Je ferme les yeux et je suis à Philly en espérant secrètement les entendre interpréter tous les deux « Dope dealer » mais là, j’en demande trop.

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Lydia Lunch : L’ambiance est quand même franchement moyenne. Et le fait que Lydia prenne à partie certains spectateurs en les houspillant pour des motifs plus ou moins justifiés ne détend pas vraiment tout le monde. J’en vois autour de moi qui flippent de se faire pointer du doigt et tentent de se cacher derrière leur bière. Une chose à retenir avec elle : mieux vaut éviter de beugler un titre de son répertoire en espérant que ça lui donne envie de le jouer : bashing verbal instantané.

POINT MUSIQUE

Nicki Minaj : Nicki a encore plus de hits que ce qu’on imaginait. Entre les producers signature tags de Metro Boomin (« Metro Boomin Want Some More Nigga !! » ) et Zaytoven qui résonnaient en plein Zénith, Nicki a enchaîné tout le monde avec « Want Some More » / « Lookin A$$ Nigga » / « Beez in the Trap ». Elle s'est amusée à fouetter nos émotions en interprétant la moitié de ses freestyles de l’année dernière : « Chi-Raq (remix) » et « No Flex Zone (remix) », entre autre. Cerise sur le ghetto, retour en 2009 avec « Itty Bitty Piggy » pour faire plaisir aux fans zélés de la première heure. Zéro déception.

Lydia Lunch : Lydia Lunch ayant sorti un paquet d’albums, on ne sait pas vraiment sur quel pied elle va nous faire danser. Avec ce dernier projet en date, elle reprend principalement son vieux répertoire, ce qui n’est pas pour me déplaire. De son mythique album solo Queen of Siam, on n’entendra que « Mechanical Flattery », mais c’est déjà un bon point. Quant à l’incroyable « Afraid of your Company », il a eu l’effet escompté envers n’importe qui de normalement constitué : des frissons, plein de frissons. Mission accomplie.

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(Photo Nicki Minaj : Christelle Oyiri / Photo Lydia Lunch : Robert Gil)

FINAL

Nicki Minaj : Les 10 dernières minutes du show sont les plus pénibles : entre « Va Va Voom » et « Pound the Alarm », j’attends patiemment la crise d’épilepsie ou l’AVC. On est en plein festoche EDM, et elle-même, a l'air de kiffer sans plus. On aurait pu s’en passer mais bon… Nicki c’est aussi ça : des perruques roses et des featurings style cadeaux empoisonnés avec David Guetta et Flo-rida. Des choses sombres recouvertes de strass pour mieux tromper l’ennui qui s’y cache. Le public épuisé trouve la force nécessaire pour danser jusqu’à la dernière note de « Starships ». Pluie de paillettes. Remerciements. Levée de rideau.

Lydia Lunch : Lydia a prévenu avant le dernier morceau : il n'y aura pas de rappel. Prenez-en de la graine, les jeunes. Pourtant, lorsque je me fraye un passage la dernière note finie, beaucoup restent statiques. Barrière du langage ou optimisme ? Mystère. Au bar, pas grand monde ne semble avoir été convaincu par la performance de Lydia et de ses Retrovirus. Une fille me dit qu’elle l’a vu plein de fois et l’a trouvé « très énervée » ce soir, sans que je sache vraiment si c’était un reproche ou pas. Ses morceaux ont en effets tous été ponctuées de diatribes parfois un peu faciles à mon goût (« vous êtes gouvernés par des cons », sans blague, « je vous aime mais vous m’aimez encore plus et j’adore ça », pour sûr) mais il y avait aussi d’autres remarques bien vues sur sa vie, le public français et tout un tas d’autres trucs. En ce qui me concerne, la sauce a prise : à aucun moment je l’ai trouvée à côté de la plaque ou trop Charlie, Lydia Lunch est une sacrée gonzesse qui fait ce qui lui plaît et dont le discours et la colère intacte ont plus que jamais leur place dans notre société molle et liquide. Christelle et Diane sont sur Twitter.