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Music

Contre toute attente, New York Melody n'est pas une merde infâme

New-York, industrie musicale, bons sentiments, Keira Knightley, Adam Levine et Cee-Lo Green. Et pourtant ça fonctionne à peu près.

Mercredi dernier est sorti

New York Melody

, un « feel-good movie » assez étrange, dont la classification foire d'ailleurs totalement en France où on le retrouve catalogué « drame, romance » sans oublier le terrifiant « comédie musicale ». Concrètement, aucun de ces genres n'est le bon et même en mélangeant les trois, ça ne correspond pas non plus. Alors on va pas se mentir, si vous allez voir ce film c'est surtout parce que vous êtes arrivés trop en retard pour

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La Planète Des Singes 2

. Mais tout n'est pas perdu.

En se basant sur l'affiche et le synopsis, on peut en effet craindre le pire. Un étalage de clichés de comédies romantiques au rabais, le tout sur fond de musique de merde, avec deux héros crétins que tout oppose mais qui vont finir par trouver l'amour dans les bras l'un de l'autre. Sauf que non. C'est (presque) pas du tout ça.

Déjà on évite dès le départ toute possibilité de romance entre Dan, producteur alcoolo interprété par Mark Ruffalo, et Gretta (Keira Knightley), chanteuse pure et cristalline. C'est une première bonne surprise, mais de toute façon ça aurait été un peu moyen vu la différence d'âge. Ça permet en tout cas de mettre tout de suite les points sur les i : ce long-métrage parle avant tout de musique. En réalité, il ne parle même que de ça.

Reprenons. Dan est un producteur, dans une industrie musicale en crise, et vu ses frasques de dépressif-alcoolique ingérable, il réussit l'exploit de se faire lourder du label qu'il a pourtant contribué à créer. C'est alors qu'il rencontre Gretta, en qui il voit un énorme potentiel. Avec notamment une séquence où en la découvrant sur scène il se met à imaginer tous les arrangements musicaux possibles qui transformeront une ballade tristounette en hit en puissance. « Ça m'arrive quand je suis bourré, c'est là que la magie opère », précise-t-il. Aucun jugement moral ou autre n'est porté sur cet aspect d'ailleurs, c'est juste sa manière de travailler. Et pour le coup le rapport entre ivresse/défonce et création est probablement le truc le plus réaliste du film même si ça reste un détail.

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De son côté, Gretta n'est pas du tout une aspirante pop star, c'est ce qui la rend moins niaise que la plupart des personnages féminins de ce type de script. C'est même tout le contraire puisque c'est une auteur-compositeur qui répugne un peu à se mettre en avant. C'est ce qui l'a en partie éloignée de son ex, Dave, qui lui a pris l'autoroute du star-system en formule 1 : concerts plein à craquer, deal en or avec une major, musique de film et adultère avec une assistante asiatique. Même si c'est le passage le moins intéressant il faut saluer un petit miracle : Dave est joué par Adam Levine. Enfin le miracle c'est pas ça, c'est surtout le fait que le chanteur joue plutôt bien la comédie, et ne gâche aucune de ses séquences. Je ne sais pas s'il était particulièrement bien dirigé ou si c'est la proximité du personnage avec sa propre vie de musicien à succès qui l'a aidé mais c'est assez inattendu pour être souligné.

De toute façon, comme pour tout le reste, c'est secondaire. Le personnage principal de

NY Melody

, c'est l'album de Gretta, plus précisément sa conception de A à Z, dans la ville de New York. En gros, le producteur et sa chanteuse décident d'innover en enregistrant une version live, dans des lieux improvisés, souvent en pleine rue. Pour les amoureux de la Grosse Pomme, c'est open-bar. La magie du cinéma c'est que ce qui donnerait inévitablement une bouillie inaudible dans la vraie vie engendre des morceaux novateurs proches de la perfection. Mais l'intérêt c'est que toutes les faiblesses de l'intrigue passent comme une lettre à la poste, vu qu'on se concentre sur cet album, que l'on devient presque aussi curieux d'écouter que les héros au fil de l'histoire. Tous les moments creux sont relégués au second plan et on a droit au minimum syndical : le mariage-divorce désastreux de Dan, ses rapports compliqués avec sa fille, la façon qu'a Gretta de tourner la page, absolument tout passe par la musique. Mais pas comme dans une comédie musicale où tout ce beau monde se mettrait à chanter ses sentiments, sans prévenir et de manière insupportable. Non, on reste sur un côté simple, sans forcer, où un riff de guitare et une mélodie chantonnée servent plus ou moins de catalyseur (on va pas non plus appeler ça une thérapie, faut pas pousser).

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Outre quelques bonnes surprises de casting comme Hailee Steinfeld métamorphosée en ado qui veut s'affirmer ou James Corden en pote loyal, on a un petit nouveau en la personne de Cee-Lo Green. Là, on n'est plus du tout dans le cas de Levine puisque si vous ne faites pas attention à certaines répliques, c'est impossible de savoir que le bonhomme ne joue pas son propre rôle. Affublé du pseudo de Troublegum (sic), il incarne un chanteur à succès qui fait clairement du Cee-Lo, ce qui lui permet de se livrer à un petit one-man show dès qu'il peut.

Même si on reste dans une dynamique de feel-good movie qui a quand même pour but ultime de vous faire ressortir de la salle de bonne humeur, le portrait de l'industrie musicale reste assez pragmatique. On a affaire entre autres à un constat à la fois lucide et amusé sur la mort programmée du disque, en passant par le côté à la fois obsolète et opportuniste des majors sans parler des défauts des labels plus modestes qui ne valent pas forcément mieux (ironiquement c'est le personnage incarné par un certain Mos Def qui illustre le mieux ce constat).

Détail amusant : dans pas mal d'autres pays, le titre du film (l'original étant

Begin Again

, assez sobre) est devenu

Can a Song Save Your Life ?

Alors a priori non, surtout si t'as une vie de merde ou si tu habites vers Gaza. Par contre si tu remplaces life par movie, ça marche pas mal.

Mais quand même, la prochaine fois, venez à l'heure pour

La Planète Des Singes,

ce sera plus simple pour tout le monde.

Yerim aime le cinéma, la musique et parfois les deux en même temps. Il est sur Twitter - @spleenter