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Music

Michael Tolle est le maître Zen aux commandes du Mello Music Group

Le label d'Apollo Brown, Oddisee et Ras Kass fait passer la culture hip-hop avant son compte en banque et révolutionne tranquillement le rapport entre fans et artistes.

Que serait Roc Nation sans Jay-Z, Stange Music sans Tech9, ou Mass Appeal sans Nas ? Pas grand-chose, car tous ces rappeurs ne se sont pas contentés de monter leurs labels, ils en ont aussi défini la ligne directrice. Alors que les majors sont toujours perçues comme des machines qui broient et limitent la créativité, en Arizona, Michael Tolle met depuis 2007 un nouveau mode de fonctionnement en avant avec son label Mello Music Group. Un travail basé sur l’accompagnement sur le long terme, l’échange, le partage et la transmission, qui a prouvé son efficacité avec déjà plus de 150 références à son catalogue, et pas des moindres. Nous sommes revenus ensemble sur ses dernières signatures du label (Ras Kass, Open Mike Eagle), les similitudes qui existent entre être prof et dirigeant de label et la manière inhabituelle dont sont rémunérés ses poulains.

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Noisey : Grâce à toi, des mecs comme Ras Kass, O.C ou encore Open Mike Eagle ont fait leur retour dans le game. Ils sont venus à toi ou c'est toi qui est allé les chercher ?
Michael Tolle : Chaque signature est différente. O.C et Ras Kass sont des mecs qu’Apollo Brown et moi respections énormément. On a réussi à les contacter et on leur a exposé notre projet. La plupart des artistes sont réceptifs si tu leur proposes un deal juste qui leur donnera l’opportunité de travailler avec de gros producteurs. Grâce à notre marketing de qualité et nos projets, on a une bonne réputation donc généralement les artistes savent qu’on va bien s’occuper d’eux.

En ce qui concerne Open Mike Eagle c’était différent car il a signé pour plusieurs albums. On pensait vraiment qu’il allait changer la donne dans le rap en apportant du neuf. On savait que ça prendrait du temps, donc c’est pour ça qu’on a fait ce deal sur le long terme avec lui, pour pouvoir le soutenir et l’accompagner dans ses projets. Grâce à différents potes, différents artistes, et surtout grâce à L’Orange, on l’a intégré à la team Mello Music Group. Au final, Apollo, Oddisee, L’Orange, Open Mike, yU, Red Pill c’était des potes, ou potes de potes. On s’est rencontrés comme tu rencontres des amis dans la vie de tous les jours. Tout est arrivé naturellement.

Avant d’être à la tête de MMG, tu étais prof. Tu retrouves des points communs entre ces deux jobs ?
Mon job de prof se rapprochait vraiment de ce que je fais aujourd'hui avec les rappeurs. C’est très important d’apprendre aux artistes mais aussi d’apprendre des artistes. On a beaucoup de chose à partager tant musicalement qu’en ce qui concerne le message à transmettre. J’avais aussi monté ma propre entreprise d’enseignement, donc cette expérience dans le business m’a aidé avant de me lancer dans la création du label. J’ai toujours eu ce côté entrepreneur. J’enseignais la littérature anglaise, donc les histoires et les langues c’était mon quotidien. J’étais déjà dans le hip-hop, le hip-hop raconte des histoires. C’est un moyen pour les artistes de raconter leurs vies et d'exposer leurs idées. C’est important de savoir ce qui fait une bonne histoire pour savoir comment faire un bon album.

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Le support physiquea l’air d’être un truc super important pour toi. Tu penses qu’aujourd’hui, on peut vivre dans la musique en mettant de côté le digital ?
Au sein du label on aime la musique sous tous les formats. Après, c’est vrai que personnellement, j’adore les vinyles et les CDs. C’est important pour moi de laisser une trace physique, d’avoir de la matière, quelque chose que tu peux toucher. J’essaye de sortir la crème de nos projets en vinyle pour ma collection perso. Les CDs c’est cool aussi car tu as beaucoup plus de morceaux et tu peux les emmener où tu veux. Aujourd’hui avec le digital, on met tous les artistes et tous les albums dans le même dossier, et au final, on est moins concentré sur ce qu’on écoute, tout finit par se mélanger et se ressembler.

C’est quoi la ligne artistique du label ?
Esthétiquement, je suis mes goûts personnels. Mes goûts évoluent tout le temps, au fur à mesure que je découvre ou que j'apprends de nouvelles choses. Je m’identifie vraiment au taoïsme et à toutes les philosophies asiatiques. Trouver ce qui est incroyable dans les choses de tous les jours, voilàt ce qui me motive. Le rap de flambeur ce n’est pas mon délire car je me fous d’être le meilleur et d’écraser tout le monde. Je préfère la musique et les formes d’art qui montrent les vraies choses de la vie, la vraie vie des gens et leur environnement.

Pour être éligible sur MMG, il faut quoi ?
Tout le monde peut faire partie de l’aventure, il suffit juste de bénéficier de deux choses essentielles : être un musicien passionné et avoir une histoire à raconter.

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Tu ne penses pas qu’aujourd’hui le marché musical est surchargé ?
Si, mais j’adore ça. Ça veut dire que beaucoup de gens font de la musique. J’ai grandi à l’époque où tout le monde disait qu'il faisait du rap et passait pour un mec cool. Ensuite tout le monde est devenu DJ, c’était le nouveau truc cool, puis tout le monde est devenu producteur. J’aime cette espèce de saturation du marché car d’un côté ça pousse la compétition et on se retrouve avec plus de choses à écouter et à découvrir. Quand tu fais gaffe, les plus grands morceaux viennent des villes où il y avait un tas d’artistes. Le fait qu’ils soient nombreux les poussent à faire toujours mieux que les autres.

Si j’ai bien compris le fonctionnement du label, les artistes doivent attendre la sortie de leur projet et ne sont payés qu’en fonction des chiffres de celui-ci, c’est bien ça ?
Pas tout à fait. Avec nos artistes confirmés, on a des contrats sur plusieurs albums et on les paye mensuellement pour leur apporter une certaine stabilité. Au lieu de leur faire un gros chèque, on les rémunère chaque mois pour qu’ils puissent payer leur loyer, leurs charges et tout le reste. Bien sûr, il y a encore certains artistes à qui on va faire une avance, mais en général, on essaye de faire des paiements réguliers. Ça permet aussi aux rappeurs de rester concentrer sur leur musique et de ne pas seulement penser à l’argent.

C’est une manière de les motiver et d’établir un autre type de relation que celle qu’ils pourraient trouver dans les plus gros labels
Si on préfère les payer mensuellement, c’est aussi pour construire une relation sur le long terme avec eux. En plus, ça nous permet de leur proposer des augmentations au fil du temps. Ça force aussi la loyauté car tu te dois de prendre soin des artistes, constamment. La stabilité est quelque chose d’important pour tous ceux qui sont investis dans le processus.

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En 2012, MTV Hive décrivait le label comme « authentique », avant d’ajouter qu'il parlait réellement aux gens, contrairement à beaucoup d’autres enseignes. Ce côté vrai, brut et original, c’est l’essence du label ?
Absolument. Pour être honnête, on ne fait pas ça par intérêt, on aime faire du son, pratiquer notre art, faire des vidéos et partager tout ça avec les gens. On est dans une économie de marché donc on est obligé d’inclure l’argent dans ce qu’on fait, mais plus on va faire d’argent, plus on va faire de musique. Le point central c’est la musique. On préfère se dire qu’on a 100 artistes qui gagnent 50 000 dollars par an, plutôt qu’un seul qui fait 5 000 000 dollars. On veut construire une industrie, une communauté d’artistes et de musiciens qui bossent ensemble. On ne veut pas forcement créer des stars.

Mais le but du label, c’est quand même de faire de l’argent et d’en vivre, non?
Non, le but c’est de faire et de partager de la bonne musique qui parle et qui peut faire évoluer notre culture. On veut aussi produire des albums qui racontent notre histoire, pour que les générations suivantes se souviennent de nous et de notre époque. L’argent vient après, quand tu commences à créer de la valeur et à travailler avec d’autres gens.

Tu penses que sur le long terme, ça pourrait être dangereux pour MMG de grossir et de rejoindre le bassin des gros poissons ?
Quand tu montes un business, ton but c’est de créer et de développer ton projet et ce qui t’intéresse. Je pense que quand tu sais où tu vas, la taille de ton business importe peu. Si tu commences à ne plus avoir une minute à toi à cause de choses qui ne t’intéressent pas, et à cause de la taille de l’entreprise, alors il faut faire machine arrière et revoir la construction de ton business. Au final, on va tous mourir donc à mes yeux il n’y a que deux choses importantes : entretenir mon corps et mon esprit pour être prêt à tout, et laisser une trace dans ce monde qui pourrait enrichir la culture et changer le train de vie de ma famille et de ma communauté. Salim Jawad est zen sur Twitter.