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Music

Peuple, réjouis-toi : Metronomy veut te faire danser à nouveau

Joseph Mount nous donne le mode d'emploi de « Summer 08 », le cinquième album du groupe, qui sort demain sur Because.

Y’a vraiment des gens qui cherchent à en coller un maximum dans leur panier avant de passer à la caisse. Joseph Mount est pire que ça. Avec lui, ça déborde à chaque fois. Incapable de lâcher la guitare pour l’ordi, crooner version épagneul dépressif ou DJ disco en fonction de ses humeurs, il veut que sa musique fasse rire et chialer, dormir et danser. Il la programme pour qu’elle tripote le futur et déterre le passé, qu’elle fasse la pluie et le beau temps. Et c’est ce crachin qui arrose les palmiers, cette joie souvent obligée de s’abriter sous un parapluie, qui botte depuis les débuts de Metronomy et son tout premier album autoproduit de 2005, Pip Paine (Pay the £5000 You Owe), titre inspiré du message inscrit sur une voiture par le patron d’une casse anglaise au fameux Pip Paine qui lui devait 5000 livres sterling. Depuis, Joseph n’a pas changé. Le genre de vegan qu’on imagine volontiers s’empiffrant d’une platée de merguez.

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Sa formation s’est étoffée, passant du trio initial apparu en pleine nu-rave – genre anglais de trois mois de durée de vie qui fut à la rave originale ce que Jeanne Cherhal est à Jeffrey Lee Pierce – à un quatuor west-coast processeur 64 bits qui ne doit pas pourtant éclipser la réalité de ce vrai-faux groupe : Joseph reste unique maître à bord du bateau Metronomy et en décide seul des changements de cap. Ce qui reste plus que jamais vrai en cet été 2016 où Metronomy publie son cinquième album anachroniquement intitulé

Summer 08

– quand on vous dit que le gars veut tout. 10 titres conçus à la maison comme au bon vieux temps des coffrets Chimie 2000, avec des sons eux aussi millésimés, une sorte d’ode aux boites à rythmes des parents et aux synthés légers comme une boite de cassoulet. Dix chansons disco avec la raie sur le côté, à peine effrayées par le souvenir des lascars du hip-hop (les scratches de Mix Master Mike des Beastie Boys sur

Old Skool

), signés d’un jeune père installé pour raisons familiales depuis cinq ans à Paris, fan de Prince, Bowie et Autechre, qui fait rimer comme personne songwriter avec producteur.

Noisey : La dernière fois que je t’ai vu, c’était il y a quelques semaines au festival We Love Green et tu mixais seul sur scène. Tu aimes bien l’exercice ?

Joseph Mount :

J’ai bien aimé même si j’étais plutôt nerveux parce que j’étais seul mais surtout, parce que je savais que des gens attendraient le groupe. J’ai donc bien répété pour être prêt.

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Tu fais plus de DJ sets ces temps-ci ?

J’en fais car c’est plutôt marrant et c’est un moyen simple de faire la promo du nouvel album. C’est un exercice plutôt intéressant, particulièrement dans ce type d’environnement, en festival, pour voir ce que les gens aiment. Du coup, tu comprends vite pourquoi l’EDM est devenue aussi énorme. Le public réagit directement aux beats. J’essaie de jouer des titres que j’ai ou que nous avons remixés avec Metronomy. Et d’anciens titres de Metronomy qu’on n’a plus l’habitude d’entendre. C’est drôle car j’ai écouté des remixes que j’avais réalisés en 2008 et je me suis rendu compte qu’ils ne sonnaient plus aussi bien. Je me suis donc replongé dedans pour les améliorer.

Wow, tu as donc fait du remix de remix ?

C’est un peu ça, oui. Je ne suis pas non plus devenu dingo au point de tout changer mais j’ai bien vu que certaines rythmiques n’allaient pas. Et c’est intéressant de se voir se transformer en DJ d’EDM !

Ça veut donc dire que le groupe ne jouera pas les morceaux du nouvel album en live ?

On le fera mais pas cette année, plutôt lors de la prochaine tournée qui se fera sûrement l’an prochain.

Souvent, les producteurs électro se projettent dans le futur. Toi, tu as l’air d’être retourné sur le passé : comment l’idée de ce nouvel album est venue ?

Le truc, c’est que je ne me sens pas producteur électro comme quelqu’un comme Flume par exemple. En dehors de contribuer à un genre, ce qui m’intéresse, c’est d’apprendre la musique : écrire, composer, enregistrer… Quoi qu’il en soit, le point de départ de l’album a été le milieu de l’enregistrement de

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Love Letters

. J’y ai suffisamment travaillé dans un studio analogique pour me rendre compte de ce qu’il y a de génial dans l’enregistrement numérique.

Love Letters

a été un album très exigeant mentalement. Il y avait tellement de contraintes à gérer au niveau de l’enregistrement qu’il a nécessité beaucoup de concentration sur le plan technique et mental. A ce moment-là, je me suis dit que le prochain serait plus simple, que je retrouverai cet esprit que j’avais plus jeune qui permettait d’aller vite.

Tu as donc plus d’autonomie en studio ?

Oui clairement, même si je pourrais faire encore mieux. Le truc cool, c’est que je bosse avec Ash Workman, notre ingénieur du son depuis

The English Riviera

, et qu’il ouvre de nouvelles perspectives qui me sont bénéfiques. Je me rends compte aujourd’hui que j’avais déjà cette autonomie pour produire les deux premiers albums. J’avais tout en mains mais j’avais besoin d’apprendre. C’est la même chose en DJ set. En jouant le nouvel album et en collant des titres de

Nights Out

à côté, je me suis rendu compte de tout ce qui les sépare.

Summer 08

se présente avec deux faces distinctes, l’une groovy et l’autre plus downtempo. Une construction un peu à l’ancienne, non ?

L’album ressemble à ça parce que… On vit dans un monde de modernité où les gens téléchargent un max d’albums le plus rapidement possible, de façon instantanée. Mais quand tu te rappelles des albums organisés en deux faces, c’est plutôt chouette de s’en servir comme modèle avec lequel tu peux jouer. Tous les disques de Metronomy ont ce point médian, non pas où ils deviennent pire, mais où l’atmosphère change. D’ailleurs la seconde moitié de

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Love Letters

reste probablement ma seconde moitié préférée de tous les albums de Metronomy pour toutes ces raisons, aussi parce qu’elle vire un peu à l’étrange.

Est-ce que tu dirais que Summer 08 est le plus Joe Mount de tous les albums de Metronomy ?

C’est en tout cas le premier album depuis

Nights Out

qui sonne comme du Metronomy des débuts. La raison est simple : c’est parce que je l’ai réalisé de la même façon qu’à l’époque. Alors que ce n’était pas mon intention pour

The English Riviera

et surtout, pour

Love Letters

. Du coup,

Summer 08

sonne comme, je ne dirais pas, un retour en forme, mais un retour à ce que je peux produire de plus naturel.

Tu as donc repris de vieilles idées que tu avais laissé tomber ?

Quand je fais un album, et c’est valable pour tous, je traîne toujours un disque dur avec plein de trucs dessus, des archives dans lesquelles je puise des idées que j’avais abandonnées pour une raison ou une autre, ou que j’avais oubliées. Je suis donc parti de ça, en me disant que j’allais faire un album tout simplement.

Comment as-tu invité Robyn pour le featuring sur Hang Me Out To Dry ?

On se connait depuis plusieurs années et on avait déjà écrit ensemble. Là, je m’étais mis à chanter sur le titre avec ma fameuse voix en falsetto et je me suis dit qu’il méritait mieux. Il n’y a jamais eu de featurings sur les albums de Metronomy, je détestais cela pour une raison simple : ils rendent les disques un peu nébuleux. Qui fait quoi ? Si tu prends le dernier Jean-Michel Jarre, il y a des milliers d’invités dessus et tu te demandes où ça va. Mais pour le bien de la chanson, il fallait que je trouve la bonne personne. Pour moi, Robyn représente une voix pop idéale et reconnaissable. Je ne sais pas trop en France mais en Angleterre, sa voix est identifiée comme parfaitement pop et elle a influencé toute une série de jeunes chanteuses. J’aimais aussi l’idée de l’avoir pour représenter ce petit monde.

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Tu es père de deux jeunes enfants, ça a changé ta façon de produire de la musique ? Genre, tu travailles suivant des horaires de bureau ?

C’est marrant car je me demande souvent ce que les enfants ont pu changer sur des gens comme Kanye West. C’est une vraie décision quand tu décides d’avoir des enfants et que tu es un homme ou une femme avec une carrière à gérer. Quel type de parent vais-je être ? Est-ce que je vais déléguer à une nounou ? Est-ce que je vais beaucoup m’impliquer ? Avec ma copine qui a un super boulot qui marche bien, on a essayé de trouver un intermédiaire idéal. On dépose les enfants à la crèche à 9h, une baby-sitter va les chercher à 16h30, ça c’est pour les journées les plus classiques. Entre les deux, je peux faire tout ce que j’ai à faire : ça peut être la musique, ça peut aussi être des trucs super ennuyeux. Mais avoir des enfants reste quelque chose de séparé de ma créativité. Je ne me dis surtout pas : «

oh, il y a ces deux trucs sur lesquels il faut que j’écrive des chansons si j’ai le temps quand j’en aurai fini avec les enfants

». J’ai vraiment besoin de pouvoir me concentrer et l’album a été réalisé ainsi. Mais tu peux entendre qu’il sonne de façon fraiche et c’est clairement grâce aux enfants.

Ça, c’est pour le point de vue pratique. Mais sur le plan émotionnel, les enfants ont aussi changé quelque chose dans ta musique ?

Je ne pense pas avoir changé émotionnellement et que la paternité ait un impact sur ma créativité. Comme je le disais, ça me donne juste un objectif par rapport à mon temps de travail. Mais il y a quand même quelque chose de différent par rapport à mon anxiété, mes émotions… tous les trucs d’adulte deviennent un peu dérisoires. C’est un peu comme quand je joue de la musique à mes enfants, il s’en foutent ! Ça ne change donc pas grand-chose émotionnellement comme tu le demandais mais ça fait aller à l’essentiel.

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Cette nostalgie qu’on sent toujours dans tes compositions reste très présente.

Je ne me sens pas du tout nostalgique de ma vie d’avant.

Ce n’est pas de ta vie d’avant à laquelle je pensais mais à cette mélancolie, cette nostalgie qui envahit toujours tes pop-songs depuis le début.
Ah oui ! C’est probablement une nostalgie de la musique, de ce qu’elle a été pour moi et pour d’autres. Quand je lis des interviews de gens qui parlent des années 70… J’en suis à un point où il m’arrive de penser que telle chanson que je viens de faire sonne comme du Peter Gabriel et ça ne me dérange pas car je sais que la musique est un grand cycle. Mais les glorieux temps de cette époque ne me manquent pas du tout. En revanche, j’assume cette part de nostalgie qui est sûrement liée à mon âge.

En tout cas, tu n’éprouves aucune nostalgie de l’Angleterre depuis que tu vis à Paris ?

Pas vraiment. Je sens bien que j’ai vécu suffisamment en France pour comprendre que l’Angleterre n’est pas parfaite. La France non plus, d’ailleurs. La campagne anglaise me manque, les paysages, bref, tout ce qui ne parle pas ! Et puis les pubs aussi.

A l’inverse, tes chansons semblent imperméables à la musique et à la culture française.
Vivre ici m’a au moins aidé à comprendre le rapport qu’ont les Français à la musique anglaise. Et cette sensibilité, cette écriture pop des Français, avec des groupes comme Phoenix que j’adore. Mais c’est vrai que je garde ma façon de travailler totalement instinctive. En revanche, je suis sûr que tu pourrais déceler une sorte de « frenchness » par-ci par-là mais j’imagine que ça ne doit pas être évident.

Et est-ce que ta vision de la scène musicale anglaise a changé vue d’ici ?
Déjà, le plus intéressant, où que tu sois, c’est d’écouter la radio. La moitié des chansons ne seront pas anglaises. Sinon, la scène anglaise est plutôt OK ces temps-ci, des trucs intéressants se passent du côté des musiques urbaines. Mais c’est triste que les groupes soient devenus un peu indésirables. Si tu prends The 1975, l’un des derniers gros groupes british, leur dernier album sonne comme One Direction sans que ce soit péjoratif. C’est devenu un « boys band de pop-music », ce qui est plutôt malin. Car être un groupe indie en Angleterre n’a vraiment rien de cool. D’ailleurs, je ne connais pas de bon groupe récent à guitares. Je sens aussi un manque d’inspiration. Si tu es jeune et que tu veux devenir musicien, la pop-music offre aujourd’hui une bien meilleure source d’inspiration. Ou le R’n’B, dans lequel tu trouveras bien plus d’excitation que dans un groupe. C’est en électro que l’Angleterre se défend plutôt bien.
Il y a tout un monde que je ne connais pas. Mais c’est clair que tout ce qui se passe autour de Jamie XX et Four Tet est super excitant même si on est très loin de la techno. Sinon, l’Angleterre reste spécialiste de la pop et tous ces mondes restent connectés via l’underground.

Tu mentionnais Peter Gabriel mais je pensais à Brian Eno : dans le temps on avait soit des songwriters, soit des producteurs mais ces deux-là étaient les deux, un peu comme toi aujourd’hui, non ?
Oui c’est sûr, même si je pourrais encore plus m’éloigner des guitares et des batteries pour devenir ce type de producteur. Si tu es excité par la musique et que tu aimes l’idée de devenir musicien, tu as deux possibilités : l’une est d’apprendre à jouer du piano ou de la guitare. L’autre est de se procurer GarageBand ou Ableton. Dès que tu commences à te servir d’un ordinateur pour la musique, tu deviens un producteur. Tous les nouveaux producteurs sont le fruit d’heureux accidents, ils ne pensent pas eux-mêmes être des producteurs ou des songwriters, ils font des beats, et c’est cool. Tu as grandi à Totnes, une ville du Devon un peu new-age, en avance en matière d’éco-responsable et d’énergie solaire. Ça t’a marqué ?
C’est probablement le premier endroit en Angleterre où s’est développé ce côté organique. C’est marrant car en grandissant dans un endroit comme ça, tu vas chercher l’opposé et vouloir vivre en ville et opter pour les poulets élevés en batterie. Mais ce qui est super, c’est cette reconnaissance de la créativité qui est plus présente que n’importe où ailleurs. C’est aussi un endroit où les enfants courent partout, rien ne semble pouvoir arriver. Ça a eu un impact énorme sur moi. Mais il m’a fallu partir. Et sinon, est-ce que Pip Paine a enfin payé les 5000 livres qu’il devait ?
Il y a eu une photo récemment sur Instagram avec une nouvelle voiture sur laquelle était indiqué que 500 livres avaient été remboursées au gars. Pip Paine lui doit donc encore 4.500 livres. Ce sont les dernières nouvelles.

Summer 08 sort demain, 1er juillet, sur Because. Pascal Bertin emprunterait bien 5.000 euros, il est sur Twitter.