FYI.

This story is over 5 years old.

Music

Rassurez-vous : Meshuggah ne va pas se transformer en groupe emo

Les suédois ont tout un tas d'idées pour leur prochain album, mais faut pas déconner non plus.

La liste des raisons pour lesquelles un groupe se barre en couille fait la taille de mon bras, mais apparemment, si vous voulez rester au pouvoir, la recette est plutôt simple: il faut fournir un travail rigoureux et passionné. Les Suédois de Meshuggah, par exemple, ont passé un quart de siècle à créer l'équivalent d'un bélier audio. Les rythmiques impossibles de groupes comme Animals As Leaders doivent tout à Meshuggah - des types qui ont rencontré un succès sans précédent avec une approche pourtant complexe et sans compromis du metal.

Publicité

Leur musique tient en grande partie sur les parties de batterie de Tomas Haake. Son approche des percussions n'a rien à voir avec les démonstrations grandiloquentes ou le festival de blast beats auquel on peut généralement avoir droit dans le metal. L'influence de Neil Peart est évidente dans son jeu, dans son sens de l'équilibre et de l'espace. Avec lui, la batterie n'est pas seulement un beat derrière la musique : elle devient la musique elle-même. On s'est posés avec Haake pour qu'il nous parle de ses influences et du 25ème anniversaire du groupe. Noisey : Quand tu compares les débuts de Meshuggah en 1987 à ce que vous êtes devenus aujourd'hui, est-ce que tu vois un tournant décisif dans votre parcours ?
Tomas Haake : Il y en a eu plusieurs. Le premier, c'est la sortie de Destroy Erase Improve en 1995. C'est l'album qui nous a donné un peu de visibilité. Même si on avait déjà sorti des trucs avant, c'est là que ça a décollé. D'une certaine manière, c'était un coup de chance, j'imagine. Il y avait une résurgence du metal à l'époque : l'album Human de Death, Demanufacture de Fear Factory, Burn My Eyes de Machine Head. Il y a eu beaucoup de sorties cette année-là et on a eu la chance d'en faire partie, d'avoir le bon timing. C'est l'un des tournants les plus importants pour le groupe. Ça nous a aidé à devenir ce que nous sommes aujourd'hui. Ensuite, il y a eu Chaosphere, la tournée avec Slayer aux US qui nous a permis de percer là-bas, et le Ozzfest en 2002.

Publicité

Le rapport des gens à la musique heavy et extrême a pas mal changé en 25 ans. Ce n'est plus un tabou ou un truc de nerd. C'est à la mode. Meshuggah a vécu cette transition et a réussi à ne rien changer à sa ligne de conduite. Est-ce que c'est un truc que tu as personellement observé ?
Aujourd'hui, il y a tellement de groupes techniques - comme tu as dit, c'est la mode. Le black metal est presque devenu une musique de hipster. Si tu écoutes des groupes d'il y a 20 ans, tu te rends compte qu'ils ont un son complètement différent des groupes black metal d'aujourd'hui. Les gosses qui jouent ce genre de trucs ressemblent à des types lambda, tu les croises à Starbucks avec leur ordi en train de boire un latte et de discuter de Kafka. C'est un peu bizarre.

Avec l'âge, on a gagné en maturité, on a appris à composer des morceaux, pas juste des trucs pour montrer qu'on sait jouer vite. On était jeunes quand on a fait Contradictions Collapsed : on voulait juste faire plein de choses différentes, en mettre plein la vue. Quand tu jettes une oreille aux groupes techniques d'aujourd'hui, c'est difficile d'imaginer où ils seront dans dix ans. Le niveau a tellement explosé. Les kids de 18 ans nous mettent à l'amende, mais bon, on est vieux, on ne voit plus la musique de la même manière qu'à l'époque où on a commencé. Les groupes qu'on écoutait en grandissant, c'était Slayer, Metalchurch, Metallica, Black Sabbath, tu vois le genre. Mêmes des trucs de Saxon ou de Maiden. Les musiciens qui ont la vingtaine maintenant ont une palette d'influences complètement différente . Je pense que c'est dur d'attirer l'attention aujourd'hui. La capacité d'attention des gens s'est clairement amoindrie. Et la musique en fait les frais. Je suis content d'avoir commencé à l'époque où on a commencé. Aujourd'hui, si tu es jeune et que tu veux faire la même chose, il faut être extrêmement talentueux en tant que musicien et que compositeur, sinon tu passes à la trappe direct.

Publicité

L'ironie, c'est que les opportunités sont finalement moins nombreuses à cause des réseaux sociaux et d'Internet en général.
Exactement. Je ne pense pas qu'on puisse avoir un nouveau Metallica, parce que tu ne peux juste plus devenir aussi énorme. Quand ils sont apparus, ils ne ressemblaient à pas grand-chose d'autre, donc ils n'avaient pour ainsi dire personne en face d'eux. Aujourd'hui, c'est une autre histoire.

Quand tu étais gamin et que tu habitais en Suède, il y a eu un moment particulier où tu as décidé que tu ne voulais pas juste écouter de la musique, où tu t'es dit que tu voulais en faire aussi ?
J'ai eu mon premier kit de batterie à 7 ans. J'ai commencé à jouer avec Mårten quand j'ai eu 13 ou 14 ans, il habitait dans la même ville. On est potes depuis qu'on a 6 ans. Il a commencé à jouer de la guitare et on a essayé d'écrire des morceaux, même si on avait aucune idée de la marche à suivre. À cette époque, Metallica était encore le truc le plus cool que tu puisses écouter. En 1984, Ride The Lightning est sorti et on s'est dit qu'il fallait qu'on essaye absolument de faire quelque chose. S'il y a bien un album qui m'a donné envie de composer, c'est celui-là.

De toute évidence, le jazz a eu une influence sur votre musique. C'est quelque chose que tu as découvert en même temps que le metal ou au contraire, sur le tard ?
Je n'ai jamais vraiment écouté de jazz pur et dur, mais pendant un moment, on était tous à fond dans le jazz fusion - surtout les percus. J'ai juste écouté Allan Holdsworth. Ça m'a clairement influencé. Sinon, dans le heavy metal, Sabbath et Maiden. Il y a quand même une exception : Neil Peart de Rush. C'est un groupe que je réécoute toujours. Même si j'ai jamais essayé de jouer leur morceaux, ni de m'inspirer du jeu de Peart. J'ai jammé en écoutant pas mal d'autres groupes, mais pas eux. Ils m'ont influencé, mais pas au niveau du jeu : ils m'ont surtout ouvert les yeux. C'est le premier groupe que j'ai écouté dans lequel le batteur écrivait les paroles. Je me demandais: « Putain, comment c'est possible un truc pareil ? ». Neil Peart m'a poussé à écrire des paroles et à lire des livres, pour m'en inspirer ensuite.

Comment arrives-tu à te renouveler encore et encore ?
Avec chaque nouvel album, on cherche quelque chose de différent, quelque chose qu'on a pas déjà fait. On est l'opposé d'AC/DC, en gros. Ils font le même album depuis 40 ans - ils sont obligés, sinon leurs fans se chieraient dessus de rage. Nous, on doit se mettre en difficulté, trouver quelque chose de neuf. Que ça soit avec la rythmique, la tonalité, on veut que ça soit unique. Et quand tu repars de zéro à chaque fois, c'est vraiment dur.

Je suis curieux de savoir ce qui, selon toi, a permis au groupe de conserver sa créativité pendant ces 25 années ?
On est un peu fatigués mais on a commencé à écrire le nouvel album. On a déjà plus d'idées qu'il nous en faut. Ce qui nous motive, c'est de savoir qu'il nous reste tellement de trucs cools à faire. On est assez libres. La seule règle qu'on s'impose, c'est de rester un groupe de metal. C'est le plus important. On ne va pas faire de l'emo, hein. On reste dans un certain cadre, mais ce cadre est immense. On est curieux par nature, et on va continuer à faire de notre mieux pour trouver quelque chose qui sonne complètement nouveau et unique à nos oreilles. Ce qui nous motive aujourd'hui, c'est la même chose qui nous motivait il y a 25 ans : découvrir ce qui se cache au tournant. Quel genre de truc cool ou étrange on va y trouver, et dont on va pouvoir s'inspirer pour créer quelque chose de magique.

Jonathan Dick n'en peut plus d'attendre le prochain album de Meshuggah. Il est sur Twitter : @Jonathan_K_Dick