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Music

Le dernier des Ramones

Dans son autobiographie Punk Rock Blitzkrieg, Marky Ramone rétablit la vérité sur le mythique groupe new-yorkais.

Tous les fans des Ramones savent que Joey, le chanteur, était ravagé par les tocs. Ils savent aussi que Johnny, le guitariste, était un fervent républicain. Ils savent également que le bassiste, Dee Dee, était toujours prêt à s'enfiler n’importe quelle drogue, juste pour le fun. Par contre, ce qu’ils ne savent peut-être pas c’est que Johnny était également membre d’un parti raciste, qu’il cognait sa meuf, qu’il passait son temps à emmerder Joey et qu’il a failli un jour en venir aux mains avec Al Lewis (l’acteur qui jouait Granpa dans la série Les Monstres) lors d’une session d’enregistrement chez Phil Spector. Les fans ne savent pas non plus que malgré tout ce qu’il a pu dire, Dee Dee n’a jamais combattu au Vietnam ou encore que l’hygiène personnelle de Joey laissait tellement à désirer qu’il a dû être hospitalisé plusieurs fois à cause de ça. C’est ce que Marky Ramone (alias Marc Bell) révèle dans son autobiographie, Punk Rock Blitzkrieg.

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Il y revient en détails sur son parcours, des bas-fonds de Brooklyn à ses débuts comme batteur dans le groupe de hard-rock Dust, avant son arrivée dans la scène punk new-yorkaise aux côtés de Wayne County, de Richard Hell et des Ramones. C’est en 1978 que Bell a pris la place du batteur original, Tommy Ramone —sur les suggestions de Tommy lui-même— au moment où le groupe s'apprêtait à enregistrer Road To Ruin. Marky n’était pas un enfant de choeur non plus. Il a notamment foncé dans un magasin de meuble avec sa voiture alors qu’il était totalement bourré et a un jour mis le Chihuahua d’un pote dans le congélateur. Son lourd combat contre l’alcool lui coûtera d’ailleurs sa place dans les Ramones.

Joey, Johnny, Dee Dee et Tommy sont aujourd’hui tous morts et Marky a voulu, avec Punk Rock Blitzkrieg, mettre le point final à leur histoire. « Tout est vrai » insiste-t-il. « Je me sentais obligé d’écrire ce livre car je voulais en finir avec toutes ces rumeurs et ces exagérations. » Voilà donc la vérité.

Noisey : Quelle est la plus grosse rumeur sur les Ramones que tu as voulu balayer avec Punk Rock Blitzkrieg ?
Marky Ramone : Celle qui dit que Phil Spector a pointé son flingue sur nous en studio. Il ne l’a jamais fait. Il avait un flingue sur lui, mais ne nous a jamais visé avec. Et aussi que nous n’étions pas de vrais frères [Rires]. Je voulais aussi que les gens connaissent ma vraie personnalité et celle des autres membres du groupe, ce à quoi ils ressemblaient vraiment. Je voulais aussi raconter ce qu'il s’était passé pendant le tournage de Rock N’Roll High School et plus tard au Rock N’ Roll Hall of Fame. Je ne vais pas critiquer les autres livres sur les Ramones, mais ils ne sont pas aussi détaillés que le mien.

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La plupart des choses que tu écris sont loin d’être élogieuses. Tu as fait en sorte d’attendre qu’ils soient morts pour balancer tout ça ?
Pas du tout. Il n’y a aucun lien. Je voulais simplement raconter mon histoire. Je me répète mais j’ai lu beaucoup d’autres livres sur nous et j’ai toujours trouvé qu’il y avait beaucoup d’exagérations. C’est ça qui m’a motivé.

Les derniers membres de Ramones comme Richie ou C.J. sont toujours parmi nous, mais il ne reste que toi de l’ère 70-80. Ça doit te faire bizarre.
C’est vrai, je suis le dernier membre du line-up original. Je prends toujours du plaisir à jouer notre musique, nos chansons sont trop bonnes pour être enterrées ! Avec le petit groupe que j’ai monté (Marky Ramone’s Blitzkrieg), c’est ce que nous faisons. Il y a Andrew W.K. au chant— c’est un bon interprète. Mais je ne veux aucun clone. Je veux que la musique sonne comme les Ramones, mais je ne cherche pas des sosies des Ramones.

Pourquoi as-tu opté pour la batterie plutôt que la guitare ou la basse ?
Je n’aimais pas ce qui était électronique on va dire. Quand les Beatles sont passés à la télé, ma mère m’a dit de venir dans le salon et de regarder. Ce que je voulais, c’était être Ringo. C’est lui qui m’a donné envie de commencer la batterie.

Ton succès a été précoce. Avec Dust, tu as décroché ton premier contratà 18 ans.
On était l’un des premiers groupes heavy metal américain à cette époque. On jouait vite et fort, parce qu’on avait grandi et vécu à Brooklyn. On se connaissait tous et on aimait la même musique. Dust était le résultat de tout ça. Mon père voulait pouvoir accrocher mon diplôme au mur, alors j’ai passé mon bac et ensuite j’ai commencé à zoner dans New-York avec la scène punk.

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L’un des tes anciens collègues de Dust, Richie Wise, a ensuite produit les deux premiers albums de KISS. Toi et Joey vous étiez des fans de KISS, ce qui peut paraître un peu paradoxal par rapport à l’attitude que revendiquait les Ramones.
Ouais, j’ai vu KISS plusieurs fois à leurs débuts. Ils n’étaient pas très connus mais ils avaient déjà ce look. J’ai toujours trouvé que leur musique était vraiment bonne. Ils avaient de bons riffs, les morceaux n’étaient pas trop longs et leurs textes parlaient aux jeunes, exactement comme les Ramones. KISS a repris « Do You Remember Rock N’Roll Radio ? » et ils ont vraiment fait du bon boulot. C’étaient des précurseurs, comme les Ramones et les New-York Dolls.

T’as fait un essai dans les Dolls d’ailleurs. Il se serait passé quoi s’ils t’avaient gardé ? Tu n’aurais jamais fait parti des Ramones ?
Les Dolls ont arrêté trois ans après mon audition, suite à des histoires de drogues et d’autres trucs. Si j’avais été pris j’aurai été dans la merde. Mais c’est Jerry Nolan qui avait été choisi à ma place et il le méritait. Du coup j’ai continué à jouer avec d'autres groupes de New-York.

Comme Estus, qui a sorti un album avec le producteur et manager des Rolling Stones, Andrew Loog Oldham, qui a voulu partouzer avec toi et une autre meuf d’ailleurs
Andrew habite à Columbia maintenant, on se voit de temps en temps, mais on ne reparle jamais de la nuit à laquelle tu fais allusion. Je ne suis pas trop branché partouze. J’avais que 19 ou 20 ans au moment des faits, et c’était une situation assez inhabituelle pour moi, je trouvais ça vraiment bizarre. Mais on a mis ça de côté et on s’est concentrés sur l’album.

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Marky avec les Voidoids

Plus tard tu as rejoint le groupe de Richard Hell, les Voidoids, pour le mythique album Blank Generation. Dans ton livre, tu dis que le titre éponyme du disque fut le premier à te faire réfléchir. Aujourd’hui, le message te parle toujours ?
À cette époque New-York était plongée dans le chaos. Plus d’éboueurs, à cause de grèves, la police n’avait plus aucune autorité, des clochards plein les rues. Washington nous disait clairement d’aller nous faire foutre. Donc oui, on faisait partie d’une génération sans repères. Est ce que je pense toujours la même chose aujourd’hui ? Oui, les jeunes sont de nouveau dans cette position. Nous, on a réussi à s’en sortir. On est allés de l'avant et, par chance, on a réussi à s’éloigner de tout ça.

Richard Hell a été surpris que tu quittes le groupe ?
Je pense, oui, mais Bob Quinet, le guitariste, l’était encore plus car il adorait ma façon de jouer. Quand j’ai quitté les Voidoids, il a dit que ça ne serait plus jamais pareil. Mais le truc c’est que Richard n’aimait pas vraiment les tournées. Quand on est rentrés de notre tournée avec les Clash, il voulait juste se reposer. Moi je voulais continuer à faire des dates. Ensuite, il a eu un problème de drogue et en tournée, c’est dur d’avoir des connexions dans chaque ville pour satisfaire tes besoins. Je pense que c’est pour ça qu’il ne voulait plus partir sur la route. Et c’est durant cette période que Tommy à conseillé à Dee Dee de m'engager.

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Tu as rencontré Johnny, qui t’a exposé les bases du groupe avant même que tu commences quoi que ce soit. Johnny fixait beaucoup de règles, genre les 11 commandements des Ramones.
Même s’il aboyait, Johnny ne mordait pas. Est-ce qu’on a adhéré à ces règles ? Non. On était potes, mais on avait des avis politiques différents. Johnny était ce qu’il était, et je le décris très bien dans mon livre. Je décris qui je suis et qui étaient Dee Dee et Joey. Je ne pointe personne du doigt.

Joey et Johnny se prenaient toujours la tête au point de ne plus se parler. J’ai eu l’impression que vous aviez plus de sympathie pour Joey car il avait beaucoup de mal à gérer ses problèmes, notamment physiques. Alors que les problèmes de Johnny étaient plus liés à sa personnalité.
C’est vrai, Joey était introverti et très timide. Il avait besoin de quelqu’un à qui parler dans le groupe. Il ne pouvait pas parler à John, et Dee Dee était toujours défoncé. On était de bons camarades. En plus, Joey avait toujours des problèmes de santé donc j’ai sympathisé naturellement avec lui. Mais en concert, la scène lui appartenait.

Quand tu as rejoint les Ramones, comment as-tu vécu le fait d’entendre Johnny sortir des saloperies racistes ou de le voir battre sa copine ?
Je n’aime pas les réacs et les hommes qui battent leur femme. Je déteste ça. Il était antisémite et répétait le mot « nègre » toutes les deux minutes. Mes parents m’avaient emmené à la première Marche sur Washinton, pour le travail et la liberté, en 1963. J’avais été élevé dans une famille tolérante où la couleur et la religion ne voulaient rien dire, tant que tu étais une bonne personne. Donc entendre Johnny balancer toutes ces conneries m’irritait franchement.

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Joey était juif, donc j’imagine qu’il n’était pas trop fan non plus…
Joey, ça le rendait fou. Johnny n’arrêtait pas de les taquiner, lui et notre manager, en les appelant « les rabbins », car ils étaient juifs. Quand Joey approchait du van et que John était à la place du conducteur, il criait « voilà le rabbin ! » Moi je disais à John de se calmer car s’en prendre tout le temps aux mêmes personnes, même sur le ton de l’humour, ça peut devenir dangereux. Ça peut dériver vers autre chose, une sorte de haine.

Est-ce que quelqu’un est intervenu quand Johnny et sa copine Roxy se disputaient ?
Une fois, j’ai vu Dee Dee et sa femme Vera se battre. Je lui ai dit de ne plus jamais recommencer. Mais Johnny et Roxy faisaient ça quand ils étaient seuls, à l’abri des regards.

Quand les Ramones ont enregistré End Of The Century chez Phil Spector, il y a eu une dispute sur un sujet politique entre Johnny et Al Lewis. Ça devait être une scène de malade.
Carrément. Johnny était républicain et n’aimait pas les immigrés, il n’aimait pas ci, il n’aimait pas ça et Al Lewis a tout de suite mis les choses au clair.

Beaucoup de gens pensent que Dee Dee a fait le Vietnam, alors que non. C’est lui qui a lancé cette rumeur ?
Oui, il s’était fait enlever l’appendicite et il avait une cicatrice. Il la montrait tout le temps et disait « je me suis fait ça au Vietnam » [Rires]. Parfois, il inventait un nouveau truc et disait qu’il s’était fait planté pendant une baston. Dee Dee était un grand gamin avec une imagination débordante. Et c’est ce qui faisait de lui un grand auteur.

Dans le livre, tu parles ouvertement du combat que tu as mené contre l’alcool. C’était difficile d’écrire sur cette période ?
Je devais le faire car ça fait partie de ma vie. Je ne voulais pas avoir l’air d'être l’ange gardien du groupe, et si ça peut aider les gens qui ont le même problème, alors j’en suis fier. Je n’ai aucun problème avec ça.

Quand tu étais alcoolique, tu as un jour mis un chihuahua dans un réfrigérateur, pendant dix minutes. Tu t’en veux aujourd'hui ?
Ce clebs me pourrissait la vie, il aboyait tout le temps et n’arrêtait pas de me mordre les chevilles à chaque fois qu'il me voyait. J’en avais assez. Je voulais le calmer un peu, alors je l’ai mis dans le réfrigérateur. Enfin, dans le freezer. Et quand il est sorti, il tremblait mais il n’aboyait plus. Au lieu de le frapper, je lui ai simplement imposé un petit changement climatique. Et ça a marché.

Je ne pense pas que tu vas te faire des amis à la PETA avec tout ça.
C’était avant que tout ne devienne politiquement correct.

J. Bennet a interviewé Johnny Ramone en 2003, un an avant sa mort. Il portait une chemise hawaiienne.