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Music

Quelques heures à Rungis avec Liars

On a interviewé Angus Andrew dans une accablante odeur de poisson, pour lui demander ce qui merdait avec l'indie-rock et pourquoi il refusait de lire la notice d'utilisation de ses synthés.

Photos - Melchior Tersen

Rencontrer les

Liars

à Rungis, ça pouvait sembler cool sur le papier (le groupe filmait une session video « dans un lieu atypique »), mais en réalité, ça a surtout consisté à aller au bout de la terre pour attendre des heures et des heures que des drones aient fini de shooter le groupe, le tout dans une accablante odeur de poisson. Heureusement, j'ai été pas mal distrait par les discussions que j'ai eu avec notre photographe Melchior sur les renards, les patchs Type O Negative et

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Rambo

. Au final, Liars, le plus instable des groupes sages ou le plus sympa des groupes instables, s'est présenté à moi en la personne d'Angus Andrew, le chanteur, totalement rincé par une journée de 8 heures passée en blouse blanche à jouer le même morceau et un jet lag de catégorie supérieure. Malgré la fatigue, le type reste 100 % confort et ne se sent pas obligé d'en faire des tonnes pour nous expliquer qu'il veut révolutionner la musique. Capital sympathie +30, direct.

Noisey : Mess, votre dernier album contient à la fois pas mal de sonorités indus et des gros clin d'oeils à la house et la techno, est-ce que vous cherchiez à pervertir la club music avec ce disque ?

Angus Andrew :

Pas vraiment. Quand on écrit un album on ne pense pas trop à ce que la musique devrait être, on expérimente plutôt avec des idées distinctes. On est très content que cette album évoque la dance music pour les gens mais je pense que ça vient surtout de la méthode qu'on utilisé pour l'enregistrer : travailler vite et essayer d'avoir autant de fun que possible.

« Pro Anti Anti » est un peu un condensé de tout ça, c'est vraiment Liars jouant dans un night club.

Cool [

sourire

]. Quand je l'ai produit je pensais faire un morceau classic rock 60's, en fait, donc tu vois…

Quand on regarde votre discographie dans son ensemble, on voit une espèce de lutte entre l'homme et la machine. Tu es d'accord avec ça ?

Oui, c'est vraiment une bataille avec l'idée d'expérimenter de nouveaux sons et trouver de nouvelles manières de faire de la musique. Les machines ont toujours fait partie de notre musique mais, depuis quelques temps, on leur a laissé prendre le contrôle. C'est une bataille entre elles et nous en quelque sorte, et elles ont gagné.

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Tu es fasciné par la technologie ou ça reste un moyen pour parvenir à tes fins ?

Je ne fais pas partie de ces musiciens électroniques qui connaissent tout de la technologie et idolâtrent les synthés par exemple. Je suis content de ne pas trop savoir comment les machines fonctionnent et de découvrir ce qui se passe quand tu les utilises mais sans non plus vraiment maîtriser le truc. Je suis comme un enfant avec un nouveau jouet qui ne veut pas lire la notice et c'est super excitant.

Tu te verrais enregistrer un album avec des moyens réduits à l'essentiel ? Piano-voix par exemple ? Ca t'irait pas mal je pense le côté crooner…

C'est drôle que tu dises ça car après des années à passer à travailler avec un ordinateur, ce qui me manque vraiment c'est juste le son d'un instrument dans une pièce. Juste l'acoustique en fait. Je peux vraiment nous imaginer faire quelque chose bientôt de très dépouillé et organique. En tous cas ce serait un énorme challenge.

Je vous ai vu à pas mal de reprises en concerts, et j'ai toujours trouvé que tes performances avaient un côté un peu soul, à la manière de Prince ou Sly Stone mais avec un côté weirdo. C'est une musique qui a eu une influence sur toi ?

J'adore cette musique, j'ai grandit en écoutant James Brown. Après tu projettes ce que tu veux dans notre musique car il y a énormément d'influences et ce n'est sûrement pas conscient.

Quand vous avez joué à la Route du Rock cet été, j'ai lu pas mal de commentaires de gens qui ne connaissaient pas votre groupe et étaient scandalisés. « Ce n'est pas de la musique », ce genre de choses….Tu es content du côté subversif, clivant, qui subsiste dans votre musique ?

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Les commentaires sur ma musique ne m'intéressent pas trop, l'important est que je fasse quelque chose qui me plaît à moi. En fait j'ai jamais vraiment espéré que les gens comprennent ce que je voulais faire. Je ne me suis jamais dit « tiens je vais faire un disque hyper accessible ». Je sais qu'on fait quelque chose qui peut paraître difficile. Si on essayait de faire plus simple, je ne pense pas que ça marcherait.

Ces temps ci, on assiste à un étrange paradoxe: les musiciens indie n'ont jamais été aussi policés et calmes, et les vrais freaks semblent être les gros artistes mainstreams, en particuliers les rappers commerciaux. Tu te situes comment là dedans ?

C'est vraiment une idée intéressante. Je pense que ça marche par vagues, avec des réactions à ce qui s'est passé quelques années auparavant.

Aujourd'hui les musiciens indie doivent rester concentrés sur ce qu'ils font et ne peuvent pas se permettre de péter les plombs, parce que ça n'a jamais été aussi dur de faire de la musique qu'aujourd'hui, je pense, et en particulier d'en vivre.. L'indie doit être facile à comprendre pour que ça marche. Les artistes mainstream ne sont pas dans cette position, ils ont déjà la thune donc ils peuvent se permettre d'être excentriques et de casser leurs jouets.

Tu penses que si tu formais Liars en 2014, le groupe serait différent ?

J'en ai aucune idée, c'est assez fascinant d'imaginer ça. Je pense qu'on ferait la même chose : essayer des choses sans trop savoir ce qu'on fait [

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Rires

]. Ce serait sûrement la même idée de base en fait.

Aujourd'hui les musiciens doivent penser leurs groupes comme une entreprise…

Oui, comme une marque.

Est-ce que tu cherches à tout contrôler ? Par exemple cette session que tu filmes aujourd'hui, tu la fais pour une marque de chaussures.

Je me vois comme plus qu'un simple musicien. Je suis aussi un artiste visuel. J'aime bien cette idée que jouer dans un groupe dépasse la simple musique. J'aime autant écrire que faire nos artworks. Je ne veux pas juste être un musicien, mais aussi gérer tous les aspects qui touchent à Liars.

Parlant d'arts visuels, tu es influencé par l'art brut ?
Oui carrément. J'ai toujours pensé que les meilleurs artistes étaient ceux qui n'y connaissaient rien à l'Art. Les meilleures oeuvres sont produites par des gens qui n'ont pas le savoir technique. C'est l'intuition et la spontanéité qui priment. J'ai toujours préféré la mauvaise peinture aux grands classiques. Es-tu toujours en contact avec HTRK que vous avez contribué à lancer? Leur dernier album est passé assez inaperçu ici.
Oui, ils sont comme des frères pour nous. On vient de jouer à Melbourne avec eux et je viens de finir les notes de pochette pour la réédition de leur premier album qui ne va pas tarder à sortir. C'est vraiment un groupe incroyable. Mess, le septième album de Liars, est disponible chez Mute depuis mars dernier. Adrien Durand ne rechigne jamais à une bonnes blague sur le poisson, par mail ou en conditions réelles. Il est sur Twitter - @AdrienInBloom Melchior Tersen ne rechigne jamais à une sortie scolaire, que ce soit à Rungis ou au Hellfest. Il n'est pas sur Twitter mais vous n'aurez aucun mal à le trouver en train de rôder dans un coin.