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Les gens de The Drone ont mauvais goût, comme tout le monde

À l'occasion du leur cinquième anniversaire, on a demandé à l'équipe de The Drone de nous parler des disques dont ils ne parleront jamais sur leur site.

Les gens de The Drone, de gauche à droite : David Pais, Clément Mathon et Olivier Lamm. Photo : Melchior Ferradou-Tersen. Les gens de The Drone n'aiment pas beaucoup leur photo promotionnelle, que vous pouvez voir ci-dessus. C'est normal. On dirait la photo de presse d'un groupe de chez Kranky ou Quarterstick circa 1998. Genre side-project d'un gusse de Labradford avec des membres de Storm And Stress produit par le batteur de June Of 44. En gros, un truc potentiellement cool, passablement chiant, et globalement pénible. Soit tout ce que n'est pas The Drone, vidéozine de haut luxe crée en 2009 par des dissidents de l'émission Tracks, et qui fête vendredi ses cinq ans, avec une soirée massive à la Gaîté Lyrique. Mais malgré un background 100 % motocross, qui leur permet de glisser tranquillement une bio des Misfits dans un article sur Wavves ou de dire les mots justes sur Sarah Records sans sonner comme de vieux garçons en anorak, les gens de The Drone passent encore trop souvent pour des gardiens du bon goût, bois verni, petit pas feutrés, un peu velours, un peu jazz. Alors pour en finir avec cette image qui ne leur va décidemment pas, je leur ai demandé de me donner d'autres photos d'eux, et de me parler chacun d'un disque dont ils ne parleront jamais sur The Drone.

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LE CHOIX DE DAVID PAIS : SUN RA & DRIFT

David Pais, à droite, avec Ian Svenonius.

David Pais : J’en ai pris deux, mais les deux racontent un peu la même chose. Je ne sais même pas pourquoi je les ai, en fait. Il y a d'abord cette compilation de Sun Ra. Ça peut sembler bizarre comme choix, parce que c'est un truc dont on pourrait potentiellement parler sur The Drone, mais c’est aussi typiquement le genre de disque sur lequel je ne saurais pas quoi dire ou écrire, parce que je n’y comprends rien, et que c’est tout à fait le genre de truc qui est bien à avoir, mais que personne n’écoute vraiment. Donc, quelque part, c’est un artiste qui a, d'une certaine façon, une image très The Drone, mais en même temps si tu me poses des questions dessus, je vais vite être largué. L’autre, c’est un peu pareil. Déjà, tu le prends, tu ne sais même pas ce que c’est, la pochette est super énigmatique, il n’y a pas de nom dessus, j’en suis même à me demander comment je me suis retrouvé avec. Bref, ça a l’air bien The Drone aussi, mais… Clément Mathon : Mais c’est quoi ce truc de disque « bien The Drone » ? Ça veut dire quoi en fait ?

David : Bah par exemple, quand on était au live de Lee Gamble à la Gaîté Lyrique, il y a plein de gens qui sont venus me voir et qui m’ont fait « ah c’est bien The Drone ça » Parce que c’était chiant, quoi [Rires] La musique était hyper cheloue, le public était clairsemé, il n’y avait quasiment pas de meufs… « ouais, bien The Drone la soirée » [Rires] Donc ça, c’est un disque bien The Drone. En fait, c’est Drift, le projet de Lee Ranaldo et Leah Singer, ce sont des extraits de poèmes, ce genre de trucs. Là encore, c’est un truc qui pourrait potentiellement nous intéresser, mais dont je ne pourrais absolument pas parler, parce que c'est hyper chiant. C’est un peu le principe de notre shitlist : le but, ce n'est pas de descendre des disques ou de dire « ça, c’est mauvais », mais de nous positionner par rapport à des trucs qui sont montés en épingle et présentés comme étant des choses de qualité, mais qui ne nous correspondent pas.

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Oui, c’est plus symbolique qu’autre chose.

David : C’est comme quand tu es à un concert et que tu t’emmerdes, que t’as mal au dos, qu’il ne se passe rien, et où tu réalises que tout le monde est plus ou moins dans le même cas que toi, mais que personne ne va oser le dire ouvertement. Genre Actress au Rex, c’était un peu ça, par exemple. Il y a des trucs qui sont très bien à écouter chez toi, mais que tu ne devrais peut-être pas aller voir sur scène.

LE CHOIX DE CLÉment mathon : PROPAGANDHI

Clément Mathon en plein travail, au festival Vilette Sonique.

Clément :

J’ai choisi

Today's Empires, Tomorrow's Ashes

de

Propagandhi

, qui est leur dernier bon album. J’assume encore ce disque mais ça reste très compliqué d’en parler sur

The Drone

, même si j’ai écrit

un truc sur Rancid

il n’y a pas si longtemps. Pour la petite histoire, Propagandhi avaient joué à Glazart peu après la création de

The Drone,

et j’avais été les interviewer tout seul. Le principe sur

The Drone

, c’est qu’il y a un droit de véto sur tout. Si l'un de nous dit « hors de question », on laisse tomber. À l’époque, Olivier ne bossait pas encore avec nous, et David était absent, donc je suis allé interviewer Propagandhi. Je leur ai parlé de DIY, de végétalisme, de Noam Chomsky, bref j’avais l’impresison de faire un super taf de journaliste [

Rires

]. Le problème c’est qu’entre le hardcore et ce qu’on a appelé le hardcore mélodique, il y a un fossé, et que si tu n'as pas écouté ça à un certain âge, tu ne peux pas vraiment comprendre le délire autour de trucs comme NoFX, Millencolin, ou Satanic Surfers. Après, Propagandhi sont, pour moi, un peu plus proches de groupes comme Fugazi, même si ça reste globalement très pop.

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David : Moi, je connaissais pas du tout ces trucs, et quand j’ai vu l’interview, je me suis dit « ouais, pourquoi pas ». Mais en voyant le live, avec ce mec en bracelet de force, les jambes écartées, j’ai fait « non, c’est pas possible ». On démarrait The Drone avec l’idée de faire un truc assez pointu et exigeant, on ne pouvait pas envoyer ça d’entrée.

Clément : Du coup, on a une interview de près d’une heure de Propagandhi, qui dort dans nos tiroirs. Et interdiction de parler de pop-punk depuis [Rires] C’est dommage, parce que ça tue, Propagandhi. Mais bon, le problème c’est que c’est un des genres musicaux qui a le plus mal vieilli, c’est impossible à transmettre ce genre de trucs, ça ne marche quasiment que sur la nostalgie.

Olivier Lamm : Les trucs les plus faciles à réhabiliter, ce sont les disques que tu écoutais à 20-21 ans. Par contre, ceux que tu écoutais à 15 ans…

David : Pas forcément, moi j’écoutais plein de trucs cools à 15 ans, le Wu-Tang, Mobb Deep… 20-21 ans, c’était les trucs post-rock chiants, instrumentaux… Ça, je peux plus. Même Godspeed, je peux plus.

Clément : Surtout Godspeed, en fait.

LE CHOIX D'olivier lamm : RYUICHI SAKAMOTO

Olivier Lamm avec Haruomi Hosono. Attention, il y a un piège.

Olivier : J'ai choisi Smoochy de Ryuichi Sakamoto. C’est un super artiste, mais ce disque de 1996, c’est sa période un peu trip-hop, très inspirée par la musique brésilienne. Un genre d’easy listening électronique avec beaucoup de piano. Tout est hypra-daté. Si je mets ça au bureau, je me fais démolir. De manière générale, la musique « adulte », c’est ce qu’il y a de plus dur à défendre. Smoochy, c’est le genre de disque qui servait à tester les enceintes au milieu des années 90.

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David : Attends, tu as parlé de trucs pire que ça, non ?

Olivier : Honnêtement ? Non.

David : Si, ta première interview sur The Drone. En fait, quand Olivier est arrivé dans l’équipe, on lui ai fait confiance sur sa première interview et il est revenu avec un sujet sur James Ferraro et on s’est regardé avec Clément en se disant « merde ». On trouvait ça tout pourri. [Rires] On était là, à dérusher la vidéo, à découvrir ce mec, et à la détester. Mais c’était trop tard.

Clément : C’était une torture. Il fallait 15 coupes pour lui faire dire une phrase à peu près correcte.

David : Et puis le live, c’était une blague.

Olivier : Le live était pourri, j’avoue. En termes d’ambiance, c’est un des pires que j’ai fait de ma vie. Mais ça n’enlève rien à l’admiration que j’ai pour lui.

Vous avez eu d’autres déceptions comme ça ?

Clément : Ouais, plein. Lower Dens, c’était nase. Crystal Antlers…

David : Real Estate. Je sais toujours pas pourquoi on l’a faite, celle là.

Et il se passe quoi dans ces cas là ? À l’écrit, ce n’est pas trop problématique de jeter un article à la poubelle, mais en vidéo, j’imagine qu'il y a cette envie de rentabiliser un minimum le truc.

Clément : Ouais, on se débrouille toujours pour en faire quelque chose. On n’a quasiment jamais jeté de sujets. À part Propagandhi [Rires]. En fait, il y en a un seul qu’on a pas pu faire, c’est Gablé.

David : Les mecs ont eu une attitude hyper bizarre. Ils nous ont pris pour Ouest France, en gros. D’entrée, ils font à Olivier : « Je ne sais pas si tu connais notre musique ». À partir de là, ça devenait difficile de continuer. On se bouge pour soutenir les groupes, parce qu’on aime ce qu’ils font, pas parce que quelqu'un nous l'a demandé.

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Clément : Après, tu as les interviews qui ne se passent pas bien mais qui, parce qu’elles ne se passent pas bien, font des bons sujets, genre Danton Eeprom.

Il y a des gens en particulier que vous aimeriez interviewer pour The Drone ?

David : James Holden, qu’on a raté à cause d’une erreur de planning complètement con. Il a confirmé trop tard et on avait déjà El Guincho calé ce jour là. Du coup, on a été faire El Guincho [Rires]

Olivier : Ricardo Villalobos, c’est quelqu’un qu’on aimerait vraiment avoir.

David : Ron Morelli, même si je pense que ça va se faire d'ici peu.

Olivier : Et Autechre. Ce n'est pas vraiment une priorité, parce que je les ai déjà interviewé plusieurs fois et que ce n'est pas vraiment le boulot de The Drone de parler d'Autechre, mais ça ma rendrait vraiment heureux de les faire dans ce cadre là. The Drone fêtera son cinquième anniversaire ce vendredi à la Gaîté Lyrique, avec une affiche en titane certifié, puisqu'on y retrouvera J.C. Satàn, Black Bug, Somaticae, Pete Swanson et Tomas More, rien de moins. On a quelques places à vous faire gagner. Lelo Jimmy Batista est rédacteur en chef de Noisey France. Il dédie cet article à Thierry Théolier, même s'il n'a absolument aucune idée de qui c'est. Il est sur Twitter - @lelojbatista