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Music

Legowelt a monté un fanzine cyberpunk

Pour rappeler au monde qu'il y eut un temps où Internet était cool.

Danny Wolfers est un mec dur à cerner. En un peu plus de quinze ans, il a utilisé pas moins d'une vingtaine de pseudos. L’un de mes favoris reste d'ailleurs Afro-Funk Nacho Patrol, nom qu'il a utilisé pour l'un de ses projets qui -il l'a récemment admis- n'était pour lui qu'un moyen de faire chier les collectionneurs en leur faisant croire qu’ils venaient de découvrir un disque hyper obscur provenant d’Afrique. Produit d'une adolescence passée à La Hague dans les années 90, à traîner dans « les weird acid parties » qui avaient lieu un peu partout en ville, la discographie de Danny a de quoi laisser perplexe. Il suffit de jeter un oeil aux titres de ses disques : Reports From The Backseat Pimp. Tower Of The Gipsies. Under The Panda Moon. Don't Exercise The Bird. C'est suffisant pour se faire une idée et comprendre que Danny est à peu près aussi cinglé que génial. En plus de programmer des logiciels sur des ordinateurs obsolètes et de créer des outils pour communiquer avec les fantômes, Danny a plein d’autres passe-temps. Son dernier projet est un fanzine cyberpunk intitulé The Order of the Shadow Wolf, sorti selon sa méthode habituelle : « je balance des trucs sur internet et je vois qu'il se passe ». Imprégné de nostalgie pour la cyberculture des années 80 et 90 – « une époque où ta mère et ton cousin attardé n’étaient pas sur Internet », rappelle-t-il – le zine est sa réponse à la récente corporatisation d’Internet. Dans son édito, Danny écrit : « Le cyberespace n’a rien à voir avec Facebook, Twitter, LinkedIn ou la prison Google+ qui relève chaque pet que tu lâches pour te vendre encore plus de trucs inutiles afin de satisfaire ton style de vie égoïste uniquement basé sur la culture du selfie et du « regarde-moi comme je suis heureux ». En réponse à cela, The Order of the Shadow Wolf propose des articles qui apprennent comment capturer d’anciennes créatures démoniaques sur des pistes audio, le report d’un collégien sur le rap de Memphis, « des tips de production bien chauds » et une liste de mots savants pour « te rendre intelligent ». Le résultat est assez mortel, alors on a demandé à Danny de nous expliquer pourquoi il l’a fait. Noisey : Qu’est ce qui t’a poussé à sortir ce zine ? Et ça vient d'où cette nostalgie pour les premières heures d’Internet ?
Legowelt : J’ai toujours voulu créer un zine, et il y a quelques semaines, je me suis simplement dit que c’était le moment. J’imagine que c’est rafraîchissant de lire chaque mois des textes contenant des infos un peu bizarres et inconnues, au lieu d’un sempiternel magazine musical en ligne mis à jour toutes les minutes pour parler du nouvel album d'untel. Tu dis dans ton édito que ce zine est un retour au « romantisme hacker et aux bases du cyberpunk ». Qu’est ce qui t’attire dans ces concepts ?
Quand les ordinateurs et les réseaux modernes ont commencé à apparaître, c’était tellement mystérieux ; ça tenait presque de la magie. Avant ça, il n’y avait rien. On vivait dans un monde sans ordinateurs. C’était probablement comme dans le film WarGames, tu t’asseyais en plein milieu de la nuit pour essayer de hacker le réseau local, ou d’appeler des numéros BBS au hasard. T’avais l’impression d’agir en secret et de détenir une sorte de connaissance ésotérique. Tout le monde regardait la télé, pendant que toi, tu explorais le cyberespace. Il vient d’où ce nom, The Order of the Shadow Wolf ?
Dans certains cercles je suis connu sous le nom Shadow Wolf, et mon nom de famille en est assez proche aussi. Tu faisais partie de forums ou de groupes BBS liés à la musique, à cette époque ? Je sais qu’il y en a un qui s’appelait Hollertronix dont Feadz faisait partie.
Je n’ai jamais fait parti d’un BBS et je n’en ai jamais créé, je naviguais juste de forum en forum tard la nuit, pour voir ce qu’il se passait. Mais j’en ai parcouru un paquet qui causaient de musique, et j’ai rencontré pas mal de gens en ligne qui étaient dans le même type de sons que moi. Je me vois encore télécharger un fichier texte avec toute la discographie d'Underground Resistance… Tu ne peux pas t’imaginer à quel point c’était impressionnant, le simple fait de lire ces titres sur ton écran vert monochrome et de fantasmer sur ces disques ! Je faisais aussi pas mal d’échanges de cassettes avec mes contacts. Je devais attendre parfois plusieurs semaines pour écouter les morceaux dont tout le monde parlait. Parmi les sujets abordés dans ce premier numéro, il y a « la musique et la production, les ordinateurs obsolètes, les sciences occultes, les films, la xénologie ». Est-ce qu’il y a une thématique ou une idéologie qui connecte tous ces domaines entre eux ? Ou c’est juste que tous ces trucs t’intéressent ?
Je veux simplement écrire sur des sujets marrants. Mais il y a certainement une thématique qui connecte tout ça. Les sciences occultes et la production musicale sont des sujets très proches. Ensuite, il y a un simple saut à faire pour basculer dans l’ufologie, les îles mystérieuses perdues, les trucs du genre. Tous les contributeurs sont des potes à toi ? Comment les as-tu recruté ?
Ils font tous partie d’un réseau international – une société souterraine à l’esprit criminel. Il n’y a pas forcément de processus de travail ; j’ai juste dit, « hey, écrivez-moi un truc. Je planche sur un zine. » C’est aussi simple ça. Tout le monde avait carte blanche. Un de mes articles favoris du zine est ce truc sur les expérimentations électroniques que tu as mené sur ta voix. As-tu déjà essayé d’invoquer les esprits avec la méthode décrite ? Ça a marché ?
Ouais, Xosar et moi on le fait tout le temps. C’est vraiment marrant. Surtout quand nous tombons sur la voix d’une entité bougonne, qui répond non à tout ce qu’on lui demande. En Pologne, on a fait quelques enregistrements sur la tombe de Frédéric Chopin et quand on a écouté les pistes je pouvais clairement entendre des sons très doux et éthérés en fond. C’est évidemment lui qui nous envoyait de la musique de l’autre côté ! Je ne sais pas trop quoi en faire par contre. Est-ce que je vais l’utiliser dans ma musique ? Ecrire les notes et les publier dans le fanzine ? Qui sait ? Tu les entendras bientôt de toute façon. Qui est Clendon Toblerone ? Il a vraiment treize ans ? Si c’est le cas, c’est un des vingt meilleurs auteurs que j’ai lu.
Oui. C’est triste pour les vingt autres, non ? Mais Clendon est un garçon très malin. En plus d’écrire, il est aussi passionné par la topographie, Star Trek, Fruity Loops, et le basson. Tu espères aller jusqu’où avec ton zine ?
En fait, je ne m’attendais pas à susciter autant d’intérêt. Je pensais que la plupart des gens nne comprendraient pas le concept. Mais une fois de plus, j’ai sous-estimé le genre humain. J’espère sortir le deuxième numéro en février. J’ai déjà quelques articles, réalisés par de nouveaux auteurs – dont un japonais !