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Le film sur le CBGB n'est pas le truc le plus pourri au monde mais ça reste quand même une belle merde

Franchement, vous vous attendiez à quoi ?

Ça résume à peu près le truc.

Tous les biopics punk devraient être rangés d'office dans la catégorie comédie. Faire revivre le punk dans le contexte d'un long métrage est tellement pathétique que ça en devient forcément drôle. En tout cas, plus drôle que l'intégralité des trucs qu'Adam Sandler a pu produire au cours de ces dix dernières années, ce qui n'est pas exactement le truc le plus compliqué du monde non plus. Et au milieu de tous les reboots de Superman qu'il balance chaque année, Hollywood continue à prendre le risque de proposer de temps à autres un film punk, avec des résultats toujours aussi involontairement hilarants.

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C'est notamment arrivé il y a quelques années avec ce film sur les Germs où le mec qui jouait dans A Walk To Remember a sorti le grand jeu pour se glisser dans la peau de Darby Crash (sortir le grand jeu : se mettre du gel dans les cheveux et retrousser sa lèvre supérieure). Il y a aussi eu le biopic des Runaways avec la fille de Twilight, et puis Sid & Nancy, qui était à moitié sauvé par la présence de Gary Oldman. Alors quand on a appris qu'un long métrage sur le CBGB était en préparation, avec entre autres des apparitions des Ramones, des Dead Boys, de Blondie, et d'Iggy Pop, c'est comme si quelqu'un s'était mis à agiter frénétiquement devant nous un immense drapeau rouge sur lequel il aurait été écrit : PREPAREZ-VOUS À UNE SPECTACULAIRE TEMPÊTE DE MERDE CINÉMATOGRAPHIQUE.

Et les premières images du film n'ont franchement pas déçu. Déjà, pour commencer, on a pu constater que la moitié des acteurs de Harry Potter figurait au casting. À une apparition de Daniel Radcliffe près, ils auraient carrément pu appeler ça Harry Potter et le Prince du Club Mythique. Ensuite, il y a eu cette putain d'affiche qui ressemble au devoir d'un première année en TD « initation aux techniques du design graphique » pour laquelle il se serait ramassé un 4,5/20. Et puis il y a eu cette bande-annonce ridicule qui n'a pas beaucoup aidé non plus (bien que la blague sur les Ramones soit à peu près drôle).

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Je ne sais pas qui a fait cette affiche, mais je ne lui confierais même pas le panneau « Tout à 2 euros » à mon prochain vide-grenier.

Et pourtant, aussi incroyable que cela puisse paraître et pour des raisons qui m'échappent totalement, la description du punk que nous fait CBGB est loin d'être aussi ridicule que ce qu'on aurait pu imaginer. C'est en fait plutôt tolérable, voire limite cool, mais il faut dire que les attentes étaient si basses qu'on était déjà en mesure de sentir l'odeur de la purée de foutre qui recouvrait le sol du CBGB (ah, au fait, il y a dans le film un gag sur la propreté des toilettes du club, dingue, hein ?)

Au fil des scènes, on peut constater que l'intérieur du club est plutôt bien reconstitué et à peu près fidèle au vrai truc, malgré quelques anachronismes (comment les murs pouvaient-ils être recouverts de stickers de groupes qui n'avaient pas encore joué là-bas ?). L'extérieur du club est, lui, limité à la largeur de sa façade, probablement parce que le film a été tourné à Savannah en Géorgie, à deux numéros du restaurant de Paula Deen (sérieux), sous les palmiers et un ciel ensoleillé qui n'ont pas grand chose à voir avec le Bowery parfumé à la pisse du New York des années 70.

La représentation globale du punk dans CBGB est donc relativement pertinente. Pas vraiment la mascarade visuelle qu'un cinéphile masochiste aurait pu espérer. Mais, description du punk mise à part, CBGB est d'un point de vue strictement cinématographique, un désastre sans nom. La seule raison pour laquelle le film est à peu près regardable, c'est qu'à l'origine, ce devait être un biopic sur Hilly Kristal, le propriétaire du club. Mais tu ne peux pas obtenir de fonds pour un film ayant comme sujet un propriétaire de club dont la plupart des gens n'a jamais entendu parler, à moins de vouloir rivaliser avec les ramasses où Taylor Kitsch a le premier rôle. Avec ce qu'on lui a mis entre les mains, c'est à dire pas grand chose, Alan Rickman a réussi à frapper juste dans le rôle de Hilly Kristal. Evidemment. Le mec a joué Hans putain de Gruber, il peut bien se glisser dans la peau d'un propriétaire de club taciturne.

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Hormis Kristal, qui est heureusement présent dans quasiment toutes les scènes du film, les autres personnages font juste office de figurants et sont réduits à un unique trait de caractère sur-exagéré. Lou Reed est chiant. Patti Smith est bohème. Debbie Harry pawwwle comme une vraie New Yowwwkaise. A un moment, elle prononce cette réplique: « Les owduwes de New Yowk sont mâââgnifiques. » Seigneur, j'aurais donné cher pour assister au séances de coaching avec son prof de phonétique. C'est déprimant de voir tous ces musiciens tordus et iconiques réduits à des caricatures boiteuses. C'est comme si dans un film sur l'art, Léonard de Vinci n'apparaitrait que dans une seule scène où il dirait : « Yo, les refrè, où vous avez foutu la peinture ?» Et qu'il serait joué par Billy Burke, de Twilight.

Un mec torse nu, ça doit sans doute être Iggy Pop. Niveau dialogues, les auteurs te balancent chaque réplique comme si c'était un coup de pompe d'Iggy Pop, en rappelant bien à chaque fois que c'est lui qui a TOUT inventé de A à Z. Le film dans son ensemble ressemble à cette vieille émission de Paul Harvey qui se terminait toujours par « …et vous connaissez tous la suite de l'histoire. » En fait, CBGB donne du relief à des choses qui n'en ont pas du tout besoin. Par exemple, lors d'une courte scène totalement injustifiée, l'ingé-son du club, Taxi, qui en a marre de se faire continuellement bouffer les chevilles par les puces du chien de Kristal, part s'acheter une paire de rangers, laissant sous-entendre que c'est pour cette raison que les punks se sont mis à porter ce type de chaussures. Avions-nous vraiment besoin de connaître la version du réalisateur sur l'origine du port des rangers ?

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Dans une autre scène hyper lourde et sans intérêt, Hilly va à la banque retirer de l'argent pour une raison quelconque et voit une pancarte qui dit : « Épargnez pour réaliser vos rêves ». Il réagit immédiatement en se demandant « Pourquoi épargner pour ses rêves ? Pourquoi ne pas directement les vivre ? » Parce que, au cas où ce n'était pas encore suffisamment clair malgré les 8000 allusions qui ont précédé, Hilly est un rêveur idéaliste qui est incapable de gérer son argent. Ce point est martelé tout au long du film, et ce dès le début avec cette scène d'ouverture où l'on voit Hilly enfant, se libérer de son berceau et s'enfuir de la maison. Je ne déconne pas.

Tout se qui se passe dans le film est ridiculement convenu et bâclé. Il y a cette autre scène où Hilly joue aux cartes avec ses potes gangsters et motards qui lui disent qu'ils vont lui faire une fleur et arrêter de zoner devant le club pour que les gens ne soient plus effrayés d'y aller. Cool ! Merci les potes motards ! En fait, on n'avait pas réalisé que c'était un problème avant que vous en parliez, vu que votre bande est plutôt genre un groupe de mecs vraiment sympa. On se voit plus tard, quand Hilly vous appellera afin que vous veniez le débarrasser de ses usuriers, vu que vous serez quasiment toujours postés à deux portes du club, juste au cas où.

D'ailleurs, tous les problèmes semblent se résoudre comme ça, par magie. Si CBGB avait été une bande-dessinée, on aurait pu voir au-dessus de chaque tête des personnages des bulles avec des ampoules à l'intérieur. En fait, le film est un peu similaire à une BD, puisqu'il est entrecoupé de séquences d'animation, qui sont sensées être un clin d'œil à Punk Magazine, qui est aussi un élément du film mais-pas-tout-à-fait-non-plus. Cette idée de mise en scène est franchement cheloue et c'est peut-être le moment de rappeler que le réalisateur est responsable, entre autres, de plusieurs épisodes des séries Génération Pub et Jack & Jil, d’une comédie avec Sinbad dans le premier rôle (Houseguest), et d’un film de basket avec Marlon Wayans (The 6th Man).

Au bout du compte, le film finit quand même par à peu près se terminer. Hilly a, une fois de plus, besoin d'argent et sa fille réussit miraculeusement à assembler des fonds, d'une façon qui n'est jamais montrée ni expliquée. A t-elle organisé une collecte ou vendu un truc qui valait des thunes ? On ne sait pas. C'est juste : « Regarde, plein d'argent pour toi ! Hourrah ! » Une version punk nase de La Vie Est Belle, en gros. Et hop, le film est terminé. Le dernier plan montre Sting et Police en train d'auditionner pour jouer au CBGB, Randall Miller n'étant visiblement pas au courant que Police avait déjà un album qui cartonnait en Angleterre à ce moment là. Mais hey, est-ce que vous avez envie de débattre sur la justesse historique ou est-ce que vous voulez entendre Roxanne »? [« Rox-anne ! Rox-anne !», crie le public].

Si vous avez juste survolé cette chronique afin d'avoir un bref résumé (un geste malin, des kudos pour vous), voici l'avis à retenir. Le film : une catastrophe. Rickman : au top.

CBGB est sorti le 11 octobre aux États-Unis, aucune sortie française n’a pour l’instant été annoncée.

Dan Ozzi a vu un truc dans les toilettes du CBGB dont il refuse de parler. Suivez le sur Twitter - @danozzi