On a rencontré Tai-Luc, le Grand Timonier de La Souris Déglinguée à l’occasion de la sortie desToits du Palace, le nouvel album de l’insubmersible groupe de punk’n’roll en activité depuis… 1976. Il nous a parlé de Lou Reed, du concert sanglant des Rolling Stones à Pantin en 76, du fait d’avoir 20 ans en 1978 et de l’intérêt de trouver de nouvelles niches à l’heure du tout-mainstream.Noisey : Les Toits Du Palace
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est votre premier album studio en neuf ans et, plus encore que sur Mékong, le disque marque le grand retour des guitares…C'était dans l’air depuis un petit bout de temps. À la différence des disques précédents, tout n'a pas reposé sur mes épaules. Et tant mieux. Rikko [basse] a composé sept morceaux alors que Muzo [saxophone] en a apporté quatre. Ce disque est le fruit d’un travail de groupe comme on n’en avait plus fait depuis nos débuts. De mon côté, j’ai apporté les textes et tout le reste.Le choix de mettre les guitares en avant s’est fait naturellement ?Les choses se sont faites naturellement, oui. De manière indirecte, Cambouis [batteur] n’est pas étranger à tout ça parce qu’il a un style qui t’embarque dans cette direction. Tu ne peux pas lui faire jouer des balais même s’il l’a quand même fait une fois, sur « Liza », un morceau de l’albumGranadaamok[]. Mais à cette époque il y avait une autorité sur les séances d’enregistrement, un producteur extérieur.Au niveau des thèmes, c’est votre album le plus nostalgique, il y a carrément six morceaux sur les années 70 et 80.Ouais, c’est vrai. À quoi c’est dû ? Il y a une sorte de prédestination. À l’époque, on faisait de l’escalade sur les toits du Palace pour entrer gratuitement aux concerts. Je pensais qu’un jour je ferais une chanson qui en parlerait. Alors ça a pris, un peu de temps mais on y est arrivé. En 2002, j’avais écrit une proto-version des « Toits du Palace » avec la même suite d’accords. On peut même dire que c’était prémédité.
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Toutes ces références parlent directement au noyau dur de vos fans mais tu n’as pas peur qu’elles vous empêchent d’attirer un nouveau public ?Il faut se rappeler combien il reste de magasins de disques en France : 235. À partir de là, tu cherches les endroits où tu vas vendre tes vinyles et tu sais que là où tu vas en vendre le plus, c’est sur les concerts, parce que les gens les achètent à chaud. C’est pour ça que le tracklisting du vinyle, qui a surtout été conçu par moi et Rikko, privilégie les morceaux énergiques, pour ne pas dire énergétiques. Deux bons morceaux comme « Samedi soir » et « Pékin Aujourd’hui » ont sautéparce qu’ils n’avaient pas la même force. Quoiqu’il en soit, il n’y a pas que les gens qui achètent du vinyle – je ne parle pas des gens qui achètent des CDs parce que c’est une espèce en voie de disparition. Les gens qui écouteront le disque sur les plates-formes de téléchargement le feront dans un ordre aléatoire. Et les morceaux qui se prêtent le plus à un élargissement du public sont disponibles en téléchargement.Il y a beaucoup de titres rock’n’roll classique, limite rockabilly. C’est votre disque le plus rock’n’roll depuis le premier en fait.Ouais, ouais. Je pense que Cambouis a mis du cœur à l’ouvrage, en particulier sur le morceau « Little John ». Cambouis est un amateur de punk rock, pas un vrai adepte de rock’n’roll des années 50. Mais là, il savait ce qu’il avait à faire et je sais qu’avant d’aller en studio, il a beaucoup réécouté Crazy Cavan et les Riot Rockers. C’était une bonne initiative de sa part.
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Comment présenterais-tu la fin des années 70 et le début des années 80 à quelqu’un qui n’a pas vécu cette période ?Ce qui était bien pour moi, c’était d’avoir 20 ans. Quand tu as dix-huit ou vingt ans, tu es porté par une énergie qui précède l’instinct. Tu es beaucoup moins calculateur et tu as cette force vive en toi…Et l’environnement dans lequel tu évoluais ?En ce qui concerne la musique, on avait beaucoup moins de moyens à notre disposition. Il fallait aller vachement loin en banlieue pour répéter. Tu branchais ton micro chant sur l’ampli guitare, donc tu avais intérêt à avoir deux canaux. Je me souviens qu’en 78, Jean-Pierre [guitariste] venait à la maison avec sa guitare et un ampli avec trois entrées. Sylvain [premier chanteur du groupe] utilisait une entrée pour brancher le micro, j’en avais une pour ma guitare et la troisième était utilisée par Jean-Pierre.C’était une époque plus tribale, plus violente…Ce n’était pas très sympa d’associer systématiquement nos concerts à des débordements alors que le concert le plus violent auquel j’ai assisté était celui des Stones aux Abattoirs, Porte de Pantin, en 76. Je n’aurais pas aimé être à la place des mecs qui étaient par terre. J’ai le souvenir de bikers qui avaient des santiags bien affutées et les coups qu’ils balançaient faisaient mal aux yeux…Tu penses quoi de ce que sont devenus les mouvements punk et skin ?Puisque tu cites le mot punk, le punk n’a pas démarré avec les Pistols, il était bien sûr là bien avant. Avant le premier 45 tours des Clash, il y avait des choses très biens. Je pense que dans le disque, la musique qu’on écoutait avant le punk transparait bien.
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Ok, mais que t’évoques le punk aujourd’hui ?Je suis toujours bon public. Quand je vois des jeunes gens iroquois à Pékin, j’aime bien. Après, je ne dirais pas que c’est ça qui me fait rêver, il y a un côtéfashionista, j’ai pas ditSandinistahein. C’est une sorte de banalisation qui est agréable à voir quand tout ça est porté par le sexe féminin. Mais c’est déjà ce que je pensais à l’époque. Moi, ce qui m’a attiré vers le punk, c’est pas Steve Jones et ses t-shirts, c’était plutôt de voir Siouxsie quand elle œuvrait dans le Bromley Contingent. J’ai été séduit quand ça s’est reproduit à Paris. Certaines causes provoquent certains effets.Et comment as-tu réagi quand tu as appris le décès de Lou Reed, que tu écoutes depuis le collège ?Juste avant sa mort, Rikko et moi sommes allés faire un concert acoustique à Rouen. Tu vas dire que tout est lié : on lui a rendu un hommage pré-mortem puisque quand on joue en duo, il y a toujours des reprises de lui comme « Pale Blue Eyes », « Sunday Morning », « Femme Fatale », « Run, Run, Run », toute une série de morceaux que j’aime et qu’on faisait déjà quand on était au lycée. Mais on a fait une sorte d’overdose de Velvet donc maintenant on fait « Walk on the wild Side ». C’est fabuleux que cette chanson serve maintenant de fond sonore à une pub pour une banque ! Quand j’ai appris sa mort, je me suis dit que ça faisait quarante ans que j’écoutais ce gars-là. Ça m’a donc renvoyé à ma jeunesse, aux années de lycée. Beaucoup de gens n’ont pas les clés pour comprendre pourquoi on écoutait le Velvet. Il y en a qui se lancent dans des explications intellectuelles, mais moi je me dis que c’était tout simplement parce qu’on était des ados qui lisaient Best et Rock & Folk. On a tout simplement été contaminés par la presse, par la
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hypede la presse, qui nous présentait Lou Reed et le Velvet comme le truc incontournable, le truc qu’il fallait absolument écouter.En dehors du rock, tu es également passionné par l’Asie et les comics, des univers qui étaient underground il y a trente ans et qui sont désormais mainstream. Ca t’emmerde ? Le punk utilisé dans des pubs, Marvel chez Disney, l’Asie partout…Je ne vais pas dire qu’on m’a volé ma niche, mais on n’en est pas loin ! Donc je cherche d’autres niches. Depuis une dizaine d’années, j’avais une petite niche, les comicsWalking Dead, mais maintenant c’est fini, c’est trèsmainstream. Là, j’ai vu une nouvelle série dont le scénario a été écrit par George Romero,Empire of the Dead. L’histoire me parait très intéressante…Quels sont vos projets ?On va jouer au New Morning le 15 mai, dans un terrain militaire à Avignon le 14 août et à l’Olympia à la fin de l’année, la date n’est pas encore calée.Toutes les infos sur le disque et le groupe directement sur leur site.Olivier Richard est lui aussi membre de l'International Raya Fan Club. Il est évidemment trop punk pour Twitter.
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