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Music

Kid Congo Powers sort une nouvelle vidéo, alors on en a profité pour discuter avec lui

Ça nous a permis de vérifier que ce vieux punk de 53 ans avait toujours plus de classe que vous.

Pour leur nouveau clip, Kid Congo & The Pink Monkey Birds ont choisi le morceau-titre de leur dernier album, Haunted Head, sorti sur In The Red Records. La vidéo a été réalisée par Rob Parrish, le réalisateur de leur précédent clip, « Rare As The Yeti », et on peut y apercevoir tout un tas de figures de Washington DC, comme Ian Svenoinius, Victoria Gaitán, Alberto Gaitán, Ryan Hill, Baby Alcatraz, ainsi que le tout nouveau membre des Pink Monkey Birds, Mark Cisneros.

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À l'âge de 9 ans, Kid Congo Powers avait déjà une visions très précise de ce que devait être le rock & roll. Il a aujourd'hui 53 ans et rien n'a changé de ce côté là : « Tu dois proposer quelque chose d'excitant aux gens. » C'est tellement simple que des tas d'abrutis passent à côté ou font semblant de ne pas comprendre. « Pas besoin d'être calé en musique. Il suffit de connaître les bons… trucs. » Quand Kid dit « trucs », il fait ce geste vague, qui renvoie au désir, à la chaleur, et à la possibilité d'une baise explosive.

Peu de personnes dans la scène rock peuvent se vanter d'avoir un CV aussi impressionnant que celui de Kid Congo. Ok, il y a bien deux ou trois abonnés aux super groupes pénibles des 70's, mais si on en avait vraiment quelque chose à foutre, on le saurait, pas vrai ? Le parcours de Kid est d'un tout autre niveau. Du Gun Club aux Cramps en passant par Fur Bible (très éphémère groupe goth fondé par Powers et Patricia Morrison, la bassiste des Sisters Of Mercy) et Nick Cave and the Bad Seeds (il joue sur The Good Son, qui est non seulement mon album préferé des Bad Seeds mais aussi le tout premier disque que j'ai acheté), sans oublier Congo Norvelle, The Knoxville Girls, et son groupe actuel The Pink Monkey Birds, Kid s'est imposé sur toutes les scènes musicales où les hommes portent des costumes de goût, où les femmes arborent d'amphigouriques crinières noires et où tout le monde prend des drogues dures jusqu'à ce que l'un d'entre eux meure, après quoi ils arrêtent la drogue mais continuent quand même à porter de chouettes costumes.

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Kid Congo a grandi avec les disques que ses grandes soeurs écoutaient, comme « Who Wears Short Shorts » ou la version Doo-Wop de Blue Moon. Powers—qui s'appelait alors encore Brian Tristan—voyait chaque week-end ses soeurs et ses cousins se préparer pour aller voir Thee Midniters, un groupe de garage chicano de Los Angeles qui chantait exclusivement en anglais. « La plupart des immigrés mexicains de ma génération ne parlent pas espagnol. Kiki (le bassiste des Pink Monkey Birds) est une exception, mais il vient du Texas, c'est normal. Alors que des mecs comme El Vez ne parlent pas un mot d'espagnol. Pareil pour Ritchie Valens, il chantait tout en phonétique. Les choses ont sans doute changé, mais dans les années 60, nos parents voulaient qu'on puisse totalement s'intègrer, contrairement à eux, qui sont arrivés ici sans connaître l'Angais et pour qui ça a été très difficile. »

Malgré le racisme latent et l'embargo des stations radio, Thee Midniters était LE groupe, et même si Kid ne savait pas exactement ce pourquoi sa famille passait autant de temps à se pomponner, il savait en revanche qu'il s'agissait de quelque chose dont il voulait clairement faire partie. Il a fini par voir les Midniters à 14 ans, après quoi il s'est mis à faire le mur plusieurs fois par semaine pour aller à l'English Disco, le club de Rodney Bingenheimer sur Sunset Boulevard (« C'était dément. Il y avait des tas de gamins de mon âge ! Ils se débrouillaient tous pour entrer dans les bars. ») et s'est finalement retrouvé à jouer avec le Gun Club et les Cramps.

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Kid Congo Nick Zinner

Photo de Nick Zinner

J'ai demandé à Kid si le fait d'être Latino dans une scène majoritairement blanche lui avait posé problème et il m'a répondu que, tout comme le fait d'être gay, ce n'était vraiment un problème que lorsqu'il avait envie que ça en devienne un. « Le Gun Club, les Cramps, même les Bad Seeds : ce sont des groupes ouvertement sexuels. Il n'y avait donc pas de limites à ce niveau. Dans les premiers groupes punks de L.A., il n'y avait quasiment que des gays. Et on venait tous de la scène glam, où même les hétéros se comportaient de manière très efféminée, juste pour lever des nanas. Bowie, Lou Reed, tous ces mecs étaient hétéros mais ils jouaient à fond la carte de l'ambigüité sexuelle. Alors être gay ou pas n'était pas vraiment un souci. »

« Bien sûr, je suis devenu plus militant par la suite, mais je n'ai jamais mis ma sexualité en avant dans ma musique. Personne ne le faisait vraiment à l'époque… Pourtant, il n'y avait que des gays dans la scène de L.A…. Darby Crash, les Screamers, tout le monde savait qu'ils étaient gay et avec qui ils baisaient, mais les labels n'en parlaient pas, c'était un truc un peu tabou, tout comme le terme « punk » d'ailleurs. »

C'est avec Congo Norvell, un projet formé avec Sally Norvell, que Kid Congo Powers s'est mis à aborder le sujet de manière frontale, en parlant notamment des nouveaux problèmes liés au SIDA. « À l'époque, Diamanda Galas le faisait aussi, mais de manière hyper violente. C'était cool, mais avec Sally, on avait vraiment envie de faire ça de façon plus graçieuse. En mémoire de tous les amis que nous avions perdu. »

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Congo Norvell ont signé sur Priority Records, se sont fait niquer par Priority Records et ont finalement quitté Priority Records. Kid a ensuite formé les Pink Monkey Birds, un groupe en forme d'hommage au rock New-Yorkais avec lequel il a grandi, des New York Dolls aux premières formations No Wave. Le projet a ensuite évolué vers quelque chose de nettement plus direct et agressif, sous l'impulsion du vieil ami de Kid, Jonathan Toubin, qui lui a présenté Kiki Solis, Ron Miller, et Jesse Roberts.

Nick Zinner

Photo de Nick Zinner

« Il m'a dit : Kid, ce dont tu as besoin c'est d'une paire de Texans dans ta section rythmique. Et il avait raison. Pendant des années, j'ai fait mon possible pour éviter de faire marche arrière, mais quand j'ai vu les Cramps sur leur dernière tournée, j'ai réalisé que c'était exactement ce dont j'avais besoin. Il fallait que j'arrête de me prendre la tête et que je redevienne moi-même. »

Évidemment, « redevenir soi-même » n'est pas forcément ce qu'il y a de plus facile quand on est considéré comme un des meilleurs guitaristes de la scène punk US et qu'on a appris à se saper en regardant Cruising, mais dans le cas de Kid, l'opération s'est avérée payante. Tous les disques de la seconde incarnation des Monkey Birds, sortis chez In The Red, souscrivent en effet à la règle Kid Congo Powers : c'est méchant, psychédélique, hyper camp et les gens peuvent danser dessus. En un mot : c'est foutrement excitant.

Alors oui, les « poptivistes » du Monde Libre vous rappeleront que l'underground et la contre-culture n'existent plus et que le simple fait d'y faire allusion fait de vous un gros connard élitiste. Et ils auront sans doute raison. De toute façon, je ne sors pas suffisament de ma chambre pour savoir si c'est vrai ou pas. Mais j'aime à croire, dans mon inéffable naïveté, que le rock & roll tel que l'envisage et l'incarne Kid Congo Powers -un mélange de pop culture et de sophistication, un concept à la fois archaïque et sexy- est bien vivant et qu'on aura toujours envie d'y plonger plus profondément qu'ailleurs. Histoire d'en apprendre un peu plus sur les bons « trucs ».

Zachary Lipez vit à Brooklyn. Il est sur Twitter@ZacharyLipez