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En créole ou en français, Kalash sème le chaos

Le chanteur antillais est revenu avec nous sur sa collaboration avec Booba, sur le mélange entre rap et dancehall et sur son nouvel album, « KAOS », qui sort le 6 mai.

Photo - Koria Depuis ses débuts en 2003, Kalash est passé par différentes phases qui, malgré tout, sont toujours restées marquées par une empreinte dancehall et ragga. Déjà super star aux Antilles, le natif de Fort de France s’est révélé à un public plus large l’été dernier avec le titre « Bando ». Il a ensuite appuyé son statut de Général avec des morceaux aux saveurs hip-hop, des clips plus propres les uns que les autres et des featuring avec Booba - évidemment, ça aide. Ajouter une larme de coca dans son tipunch revient à faire ce que Kalash fait au dancehall : il le rend plus hip-hop, et appréciable pour un plus grand nombre. Il change légèrement les textures sans dénaturer le style. Quelques jours après son concert à la Cigale, on a profité du passage de Kalash dans la capitale pour lui poser des questions sur la place du chant dans le rap, sa collaboration avec Booba, son clash avec Daddy Morry, son attrait pour l’UFC et plein d’autres choses. Noisey : En quoi ton nouvel album, KAOS, est-il différent de ce que tu as fait avant et qu’est-ce que tu penses apporter de plus dans le paysage musical urbain français avec ?
Kalash : Cet album, c’est la couleur du chaos. C’est-à-dire que tout est noir et en miettes, et qu'on reconstruit tout. Le projet je l’ai fait à la cool entre Paris, Miami, et la Martinique. J’ai pu travailler avec des producteurs avec qui je voulais collaborer depuis longtemps : des Jamaïcains comme Di Genius, Rvssian, Joe Mike, Pyroman, ou encore DJ Ken. Je n’ai pas eu de pression du tout, j’ai fait ce que j'ai voulu dessus. On a fait beaucoup de sons pendant 8 mois et on a trié. On a bien travaillé, tous ensemble. Le projet est différent car j'y ai mis du vrai dancehall, pas quelque chose de poncé. Je ramène quelque chose de vraiment brut, accordé à mon style, c’est à dire beaucoup de mélodies et beaucoup de chant en créole et en français ; quelque chose qui n'existe pas encore en France je pense. Je pensais que KAOS avait une autre signification que le simple chaos.
Tu pensais à quoi ?

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Kill All the Other Survivants. Ca collait plus à ton blase.
Ah c’est pas mal du tout ça! [Rires] C’est aussi une bonne signification.

Tu as pris des cours de chant ?

Non. Pour moi prendre des vrais cours de chant, c’est chanter au quotidien depuis tout petit. C’est comme ça que tu découvres ta voix et que tu apprends à chanter plus ou moins juste. Après, ça ne me dérangerait pas de prendre des cours plus académiques. Je pense même en prendre d’ici peu.

Depuis que tu es chez Capitol, tu as changé ta manière de travailler et de collaborer vu que t'as toujours tout fait en indé ?

Ce qui a changé c’est que je ne peux pas, par exemple, faire un morceau et le sortir le lendemain. Puis maintenant on travaille en équipe, avant je travaillais juste en binôme avec mon manager. On pouvait sortir les trucs du jour au lendemain vu qu’on payait tout. C’était en mode débrouillard, même si on s’en sortait bien. Aujourd’hui, tout ce qu’on fait est plus structuré, plus organisé, plus déclaré et plus légal ! [

Rires

] Je reste quand même assez libre avec Capitol. C’était une des conditions de la signature. J’avais d’autres propositions de la part d’autres maisons de disque depuis 2013 mais ça ne me convenait pas. Aujourd’hui, je n’ai pas de limitations, donc si je veux poser avec un gars de chez moi je peux.

Sur KAOS il y a deux morceaux avec Booba, comment vous vous êtes rencontrés ?

On s’est rencontrés aux Antilles, dans un ghetto à Godissard, puis on s’est revus lors d'un show. Ensuite, on s’est retrouvés à Miami. Je l’ai invité au studio, qui est le même que là où il a l’habitude de travailler. Donc il est venu tout naturellement avec Gato. On a passé plusieurs soirées à délirer, à discuter, à écouter du son et on s’est mis à faire de la musique ensemble en écoutant des prods. On s’entend vraiment bien. Je pense qu’il travaille souvent comme ça. Comme moi. C’est-à-dire que si on travaille ensemble une fois, deux fois et plus, c’est qu’il y a une entente qui va au-delà de la musique. C’est un travail fait main dans la main. Il y a un suivi de sa part, ce n’est pas juste une collab’ où il a posé et ensuite il s’en bat les couilles de ce qui sort. Il donne un vrai coup de pouce et son avis compte. Quand on fait de la musique ensemble, il se sent concerné.

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En plus de partager des morceaux, vous avez le même réalisateur, Chris Macari. Qu’est ce qui t’a plu dans son taf ?

J’ai connu Booba avant Chris. Les clips que je voyais me séduisaient. Il avait fait le clip de

« Chez Moi »

pour Casey. Je le trouvais vraiment violent, ça m’a marqué. Il y avait aussi les clips de Booba que je trouvais très réussis. En plus c’est un Antillais, humble et cool, qui correspond à ce que je recherche. Donc dès que j’ai pu travailler avec lui je l’ai fait.

Tu as ton mot à dire sur les clips ou c’est lui qui gère tout de A à Z ?

On ne se prend pas la tête, je lui fais confiance, je sais de quoi il est capable, et il sait aussi ce que je veux. Parfois on fait aussi les choses au feeling. Mais dans l’ensemble c’est lui. C’est lui le réalisateur.

Photo - Koria

Que ce soit dans les clips ou même dans ta manière de te présenter, il y a toujours une certaine élégance. T’as un petit côté Migos dans l’attitude même si comme tu l'a dit, tu ne les as pas attendu pour porter du Versace ! Du coup, je me demandais si tu gérais ton image tout seul.

[

Rires

] Merci, et oui, je gère tout… je suis Antillais ! Pour répondre un peu plus à la question, je prends des avis à droite à gauche, il y a des choses qui sont nouvelles pour moi comme le stylisme. On me propose des choses qu’on ne m’aurait jamais proposées avant. Quand j’arrive sur un tournage aujourd’hui, il y a un énorme dressing qui m’attend et je me dis en voyant certains trucs « Jamais de ma vie je ne mettrais ce truc ! Sur la vie de ma mère vous ne me ferez pas porter ça ! » Puis on me pousse à essayer et je vois que finalement, c’est plutôt frais. Ce sont des choses vers lesquelles je n'irai pas forcément et une fois portées, ça tombe parfait ! Donc je suis à l'écoute, mais le point final, comme pour beaucoup d'artistes je pense, c’est moi qui le mets. Enfin en ce qui concerne les vêtements en tous cas.

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Ton clash avec Daddy Morry, ça en est où ? Dans « Rouge et bleu », quand tu dis « Real rude boi, we ah run di place, ils seront toujours number 2 ». Ça m’avait l’air d’être ciblé.

Ce n’était pas ciblé. Le clash en est au même endroit que lui. C’est-à-dire au fond de l’océan. Mais en tout cas, ces lignes ne lui sont pas destinées. Je ne le considère même pas comme un numéro 2. Pour le coup, la ligne que tu cites c'est juste une punchline égotrip, rien à voir avec lui.

Tu t’es déjà réconcilié avec Elvys, tu penses qu’avec Daddy ce serait possible ?

Jamais !

Beaucoup de gens t’ont découvert ou redécouvert avec « Bando » et « Chanson de Mwaka ». Depuis, tu ne fais que grimper auprès d’un public qui n’était pas forcément attiré par le dancehall. Est-ce que l’orientation rap que tu prends aujourd’hui est réfléchie ou elle est venue naturellement ?

Avant, je posais beaucoup sur des prods trap. J’ai un son qui s’appelle

« Je ne pleure pas je transpire »

qui était aussi très rap. J’ai également posé sur « Pose ton gun » de NTM mais je ne l’ai jamais sorti. J’aime beaucoup les prods sombres et je ne retrouvais pas ce côté hip-hop que j’ai toujours kiffé. Puis il y a eu une vague d’instrus qui est revenue avec cette grosse influence américaine. J’ai trouvé ça frais, les vibes à la Future, Travis Scott, etc. Même les prods comme « Futur » de Booba qui ne sont pas chargées et où la voix a toute sa place, j’ai adhéré. C’est pour ça qu’on m’entend sur des choses plus hip-hop aujourd’hui. Si j’avais eu ce déclic plus tôt je l’aurais fait. C’est vraiment par rapport à l’ambiance actuelle et aux prods que j’écoute. D’ailleurs aujourd’hui, beaucoup de rappeurs ont changé de style pour s’adapter aux instrus je trouve.

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C’est plus hip-hop certes mais ce n’est pas rap. Tu penses un jour faire du rap plus rap, sans cette diction dancehall ?

Je vois ce que tu veux dire. J’en ai déjà fait mais je trouve que ça ne me va pas. Je ne suis pas rappeur. Je peux hein, mais je sais pas, pour l’instant je ne suis pas dans ce délire-là. Plus tard peut-être.

Tu penses quoi du chant dans le rap ? Aujourd’hui de plus en plus de rappeurs le font.

Moi je kiffe. Musicalement c’est beau, c’est sombre, réel et profond. Si ma mère écoute, elle sera peut-être outrée par quelques mots mais elle me dira que la mélodie est bonne. Personnellement, j’ai toujours aimé les choses chantées car je pense que ça parle à plus de monde.

T'as l’air proche de ta mère, tu lui avais d’ailleurs dédié un morceau,

« Mama »

. Est-ce que tes parents t’ont soutenu quand tu as décidé d’arrêter les cours à 17 ans pour te consacrer à la musique ?

Non, il y a plein de choses sur lesquelles on n’était pas d’accord. J’ai passé un moment à dormir à droite à gauche. Mais j’ai toujours persisté, j’ai assumé ma décision et ils n’ont eu comme seule alternative que d’accepter mon choix. Et aujourd’hui, c’est un choix qui a payé.

Et cette nouvelle notoriété qui t’entoure, tu la vis comment ?

Assez bien car je ne suis pas un mec qui sort en boite et qui s’expose. Donc je vis tout ça de mon côté. Je suis content, je vois que le travail porte ses fruits. Je n’ai que de bons retours en plus pour le moment. Ça m’ouvre des portes et ça me met en confiance pour la suite. Ça prouve aussi que je ne m’étais pas trompé. Aujourd’hui, je suis dans cette position où je peux aider les autres et leur accorder de la visibilité, donc ce n’est que du positif.

Dans une interview, tu disais justement que le succès aujourd’hui était principalement dû à YouTube et à Internet.

Si tu n'es pas sur YouTube, iTunes et tout le reste, tu te fermes des portes. À ton concert, tu n’auras que ton cercle d’amis et ta famille. Avant, c’était possible. Les Mylène Farmer ou les Prince pouvaient se permettre ce genre de choses mais aujourd’hui, je ne pense pas. Tu peux le faire deux jours comme Beyoncé avec Tidal mais après, tu es obligé de publier tes contenus sur YouTube. Puis c’est conçu pour les artistes tout ça, faut pas l’oublier, ce n’est pas un mal. Dans mon cas, je ne passe pas dans beaucoup de médias en France, donc heureusement qu’il y a YouTube.

Tu peux nous expliquer ce qu’est le Général Crew ? Tu le big-up souvent dans tes morceaux mais certains ne savent pas de quoi il s’agit.
C’est nous, c’est moi, c’est Admiral T, nos amis, nos familles, etc. C’est une famille. C’est notre façon de vivre. C’est comment dire… Une sorte de crew mais rien de structuré, on n’est pas un collectif. C‘est comme 92i. Avant qu’il y ait le label, c’était un mouvement, une façon de voir les choses, de vivre. C’est tout ça le Général Crew. Pour l’instant, on n’a pas de label mais qui sait, peut-être que ça viendra. Si ou pa té ka palé créole ké ki langue téké chanté timal ? [Si tu ne chantais pas majoritairement créole, tu aurais choisi de le faire en quelle langue ?]
[Rires] En français je pense, car je suis Français. Et l'anglais, non ?
Si, j’aurais kiffé faire plein de morceaux en anglais mais ce n’est pas mon public et pas ma culture. Mais demain, si par magie j’ai un son qui pète aux Etats-Unis ou en Jamaïque et que je peux faire des sons en anglais dans lesquels je ne m’affiche pas, je le ferai. Mais bon, si je venais à m’exporter aux USA, je pense que ce serait surtout grâce à ma touche française et créole. Je parle vite fait anglais, je comprends mais je ne suis pas Molière en anglais quoi ! Donc le français reste la meilleure option. Je sais que tu aimes les sports de combat et j’ai vu que des combattants UFC français partageaient tes clips. Qu’est-ce que tu penses de l’UFC ?
J’adore ! Il faut que je m’y mette et que j’aille en voir. Si je ne menais pas une carrière d’artiste où il faut que mon visage reste clean je m’y serai mis. J’adore les sports de combat. Ce n’est pas du MMA, mais j’ai fait du judo quand j’étais plus jeune. C’est un peu la guerre, entre le judo et le MMA.
Au judo on te pète pas le nez tous les samedis en tout cas [Rires]. J’adore l’attitude des combattants quand ils arrivent avec la musique et tout. Quand le mec gagne c’est un peu comme si le son l’avait amené à la victoire. Ca le conditionne ! En plus, les combattants font découvrir des sons parfois. Hier j’ai maté un combat, le fighter est rentré sur « Why Not », c’est un morceau pour frotter les meufs, pas du tout pour se battre. Résultat : il a gagné ! [Rires] KAOS sort le 6 mai chez Capitol. Salim est sur Twitter.