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Music

Junglepussy est la rappeuse la plus noire de New York

Naturelle, sans retenue, en pleine possession de ses moyens, c'est aussi LA femme de 2014.

Photo: Feral Cat Photography

2012 a été une année forte en décharges d’œstrogènes dans le milieu rap. L’internet sortait une nouvelle rappeuse de son chapeau tous les samedis du mois, et je ne compte pas le nombre de fois où j’ai pu lire dans les commentaires des vidéos Youtube de Angel Haze, Iggy Azalea, Brooke Candy ou Azealia Banks : « Fais gaffe Nicki… Elle va te prendre ta place ! ». Comme si le paysage du « rap féminin » ne pouvait uniquement être organisé que verticalement, avec une reine à sa tête.

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Plus tard, une pluie de deals douteux s’est abattue sur toutes ces rappeuses et la fontaine d’espoir s’est tarie à force de mixtapes décevantes, de sorties d’albums repoussées, de visuels et de concepts creux, édulcorés et de beefs Twitter inintéressants. L’année 2013 a été en-deçà de nos espérances, avec des rappeuses qui ont peiné à sortir du lot. Mais en creusant un peu plus profondément l’internet, je suis tombée sur Junglepussy. Native de Brooklyn, Shayna McHayle se distingue par un côté hyper déconneur, un flow sans effort et une ambiance mêlant exotisme et féminisme low-key. Un vrai flegme et une originalité qui me rappellerait presque Cam’Ron période

Purple Haze

. J’irais jusque là, oui.

Dans un contexte d’appropriation culturelle et d’amalgame des codes hip-hop, Junglepussy arrive telle une brise d’été au milieu d’une scène aux effluves rances et aux idées réchauffées. À côté de son rap, Shayna est aussi un gourou spirituel. Je l’ai skypé pour parler de tropicalité, d’esthétique, de New York, et des mecs.

T’as lâché dernièrement un featuring avec Tink, comment vous vous êtes rencontrées toutes les deux ?

Je me suis fiée à internet : j’ai demandé à mes followers s’ils aimeraient me voir sur un morceau avec Tink. Rien qu’à l’idée, ils sont devenus fous et mon compte a explosé. J’ai donc contacté Tink et on a fait ce qu’on avait à faire.

Le morceau s’appelle « Curve ‘Em », un hymne aux bad bitches qui n’ont pas de temps à perdre … Elle sera sur ton prochain projet Satisfaction Guaranteed ?

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Oui, elle apparaîtra sur

Satisfaction Guaranteed,

qui sera mon premier album. La production sera assurée par ShyBeats qui a d’ailleurs produit « Curve ‘Em », ainsi que par Mell Masters. Mon album, il faut l'interprêter comme un voyage initiatique à travers les émotions d’une jeune femme noire. Et tout le monde aime les jeunes filles noires.

Quand as-tu commencé à rapper ?

Au lycée, j’étais dans un groupe qui s’appelait PRIMP, on avait des profs laxistes et on se barrait souvent pour aller rapper dans les labos ou dans les salles de cours vides. Ensuite, j’ai commencé à traîner dans le Lower East Side et dans les warehouse parties que mes potes organisaient. Ça m’arrivait de prendre le micro et d’enchaîner un freestyle de temps en temps, et les gens ont commencé à me demander « tu fais du son ? Envoie-moi tes trucs ! » Ça m’a motivé à me lancer.

Ça vient d’où ce nom, et cette esthétique ?

Je sais pas trop, tout s’est fait naturellement. Junglepussy était au départ un terme que j’utilisais pour me décrire, pas un nom d’artiste, mais un nom qui décrivait mon obsession pour l’ethos féminin et les imprimés d’animaux. J’ai hésité à changer pas mal de fois parce que les gens me prennent tout le temps pour une star du porno ou une drag-queen, mais j’y tiens beaucoup. Il correspond bien à ce que je suis : naturelle, sans retenue, en pleine possession de mes moyens.

Tu t’inscris dans le sillage de rappeuses new-yorkaises et caribéennes comme Foxy Brown ou Nicki Minaj mais aussi de légendes du ragga/dancehall comme Patra ou Lady Saw. Qu’est-ce que tu as appris de ces filles ? À quel point t'ont-elles influencé ?

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Elles m’ont appris qu’il était possible de mener une carrière de front tout en restant fidèle à ses origines. Ce sont les meilleures pour moi, des repères. C’est aussi une manière de me rappeler qu’il y a suffisamment de place pour toutes les rappeuses, peu importe leur style. Le ragga, la dancehall, le soca et le reggae sont tous inscrits dans mon ADN, j’ai grandi avec ça, mes parents en écoutaient tout le temps. En revanche, quand j’ai commencé à faire de la musique, je ne m’attendais pas du tout à être en contact avec Lady Saw, une artiste incroyable. Elle m’a posé des questions sur Twitter, à propos de mon nom, etc. On a pas mal déconné mais c’est surtout ma rencontre avec Patra qui a été hyper déterminante, un moment intense et intime. Suite à ça, j’ai enregistré plusieurs chansons en patois, et elles tuent vraiment. Elles sortiront dès que j’aurai fini de les peaufiner !

En parlant de moments intenses, t’as partagé la scène avec Lil Kim l’été dernier.

Putain oui, c’était un rêve d’enfance et j’aurais jamais cru le réaliser un jour. En plus, partager ce moment là avec ma soeur Dai Burger a donné encore plus de sens à cette expérience. Ça tuait !

Tu bosses avec ShyBeats mais tu es aussi apparue sur la dernière mixtape de LEF1 (sur « Oils »), t’es aussi pote avec les rappeuses Princess Nokia et Dai Burger, vous êtes une sorte de supergroupe ou quoi ?

On s’entend vraiment bien ouais, on es tout le temps fourrés ensemble. Chacun a sa vision artistique mais on se soutient mutuellement dans nos divers projets, et ça, sans contrepartie. Honnêtement, ils déchirent tous…

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Photo: Feral Cat Photography

2012 a été une année forte en décharges d’œstrogènes dans le milieu rap. L’internet sortait une nouvelle rappeuse de son chapeau tous les samedis du mois, et je ne compte pas le nombre de fois où j’ai pu lire dans les commentaires des vidéos Youtube de Angel Haze, Iggy Azalea, Brooke Candy ou Azealia Banks : « Fais gaffe Nicki… Elle va te prendre ta place ! ». Comme si le paysage du « rap féminin » ne pouvait uniquement être organisé que verticalement, avec une reine à sa tête.



Plus tard, une pluie de deals douteux s’est abattue sur toutes ces rappeuses et la fontaine d’espoir s’est tarie à force de mixtapes décevantes, de sorties d’albums repoussées, de visuels et de concepts creux, édulcorés et de beefs Twitter inintéressants. L’année 2013 a été en-deçà de nos espérances, avec des rappeuses qui ont peiné à sortir du lot. Mais en creusant un peu plus profondément l’internet, je suis tombée sur Junglepussy. Native de Brooklyn, Shayna McHayle se distingue par un côté hyper déconneur, un flow sans effort et une ambiance mêlant exotisme et féminisme low-key. Un vrai flegme et une originalité qui me rappellerait presque Cam’Ron période

Purple Haze

. J’irais jusque là, oui.



Dans un contexte d’appropriation culturelle et d’amalgame des codes hip-hop, Junglepussy arrive telle une brise d’été au milieu d’une scène aux effluves rances et aux idées réchauffées. À côté de son rap, Shayna est aussi un gourou spirituel. Je l’ai skypé pour parler de tropicalité, d’esthétique, de New York, et des mecs.




T’as lâché dernièrement un featuring avec Tink, comment vous vous êtes rencontrées toutes les deux ?

Je me suis fiée à internet : j’ai demandé à mes followers s’ils aimeraient me voir sur un morceau avec Tink. Rien qu’à l’idée, ils sont devenus fous et mon compte a explosé. J’ai donc contacté Tink et on a fait ce qu’on avait à faire.



Le morceau s’appelle « Curve ‘Em », un hymne aux bad bitches qui n’ont pas de temps à perdre … Elle sera sur ton prochain projet Satisfaction Guaranteed ?

Oui, elle apparaîtra sur

Satisfaction Guaranteed,

qui sera mon premier album. La production sera assurée par ShyBeats qui a d’ailleurs produit « Curve ‘Em », ainsi que par Mell Masters. Mon album, il faut l'interprêter comme un voyage initiatique à travers les émotions d’une jeune femme noire. Et tout le monde aime les jeunes filles noires.





Quand as-tu commencé à rapper ?

Au lycée, j’étais dans un groupe qui s’appelait PRIMP, on avait des profs laxistes et on se barrait souvent pour aller rapper dans les labos ou dans les salles de cours vides. Ensuite, j’ai commencé à traîner dans le Lower East Side et dans les warehouse parties que mes potes organisaient. Ça m’arrivait de prendre le micro et d’enchaîner un freestyle de temps en temps, et les gens ont commencé à me demander « tu fais du son ? Envoie-moi tes trucs ! » Ça m’a motivé à me lancer.



Ça vient d’où ce nom, et cette esthétique ?

Je sais pas trop, tout s’est fait naturellement. Junglepussy était au départ un terme que j’utilisais pour me décrire, pas un nom d’artiste, mais un nom qui décrivait mon obsession pour l’ethos féminin et les imprimés d’animaux. J’ai hésité à changer pas mal de fois parce que les gens me prennent tout le temps pour une star du porno ou une drag-queen, mais j’y tiens beaucoup. Il correspond bien à ce que je suis : naturelle, sans retenue, en pleine possession de mes moyens.



Tu t’inscris dans le sillage de rappeuses new-yorkaises et caribéennes comme Foxy Brown ou Nicki Minaj mais aussi de légendes du ragga/dancehall comme Patra ou Lady Saw. Qu’est-ce que tu as appris de ces filles ? À quel point t'ont-elles influencé ?

Elles m’ont appris qu’il était possible de mener une carrière de front tout en restant fidèle à ses origines. Ce sont les meilleures pour moi, des repères. C’est aussi une manière de me rappeler qu’il y a suffisamment de place pour toutes les rappeuses, peu importe leur style. Le ragga, la dancehall, le soca et le reggae sont tous inscrits dans mon ADN, j’ai grandi avec ça, mes parents en écoutaient tout le temps. En revanche, quand j’ai commencé à faire de la musique, je ne m’attendais pas du tout à être en contact avec Lady Saw, une artiste incroyable. Elle m’a posé des questions sur Twitter, à propos de mon nom, etc. On a pas mal déconné mais c’est surtout ma rencontre avec Patra qui a été hyper déterminante, un moment intense et intime. Suite à ça, j’ai enregistré plusieurs chansons en patois, et elles tuent vraiment. Elles sortiront dès que j’aurai fini de les peaufiner !



En parlant de moments intenses, t’as partagé la scène avec Lil Kim l’été dernier.

Putain oui, c’était un rêve d’enfance et j’aurais jamais cru le réaliser un jour. En plus, partager ce moment là avec ma soeur Dai Burger a donné encore plus de sens à cette expérience. Ça tuait !



Tu bosses avec ShyBeats mais tu es aussi apparue sur la dernière mixtape de LEF1 (sur « Oils »), t’es aussi pote avec les rappeuses Princess Nokia et Dai Burger, vous êtes une sorte de supergroupe ou quoi ?

On s’entend vraiment bien ouais, on es tout le temps fourrés ensemble. Chacun a sa vision artistique mais on se soutient mutuellement dans nos divers projets, et ça, sans contrepartie. Honnêtement, ils déchirent tous…





Il n’y a jamais eu autant de rappeurs et de rappeuses qu’aujourd’hui. On entend depuis des lustres que le rap new-yorkais est mort vu que les gros hits du moment viennent principalement d’Atlanta et monopolisent même les radios new-yorkaises. Qu’est-ce que t’en penses toi ?

Je pense que ça dépend d’où l’on se place, je n’ai pas vraiment le sentiment que plus personne ne prête attention à ce qui se passe ici. On déchire, bordel. Par contre, j’aimerais que les new-yorkais nous soutiennent un peu plus. Ils sont tellement différents culturellement, ils écoutent beaucoup de trucs qui viennent d’ailleurs, mais pas assez de choses qui se font sous leur nez. Dans les villes du Sud, ils soutiennent beaucoup plus leurs rappeurs locaux j’ai l’impression. Pareil pour les rappeuses, je crois qu’elles n’ont pas assez de soutien de rappeurs établis. Je n’en ai vu aucun miser sincèrement sur le talent d’une rappeuse depuis Lil Wayne, à part peut-être T.I.



Tu fais souvent référence à ta noiritude mais pas dans un délire Erykah Badu, toi t’es plutôt du type « trop tropicale pour les Etats-Unis » ou alors « être noire est un job à plein temps ».

J’ai vraiment été élevé « à l’antillaise » (au sens large) : mon père est jamaïcain et ma mère vient de Trinidad-et-Tobago. Par exemple, je n’avais jamais mangé de petit dèj américain avant ma dernière année de lycée, où j’ai mangé des pancakes pour la première fois de ma vie [

Rires

] Non, sérieux, je suis trop tropicale pour l’Amérique du Nord, j’aimerais vivre sur une île. J’ai besoin de soleil, de fruits frais, de poisson et de lait de coco. Je sais que je peux trouver tout ça à Flatbush, mais je ressens vraiment le besoin d’être en rapport direct avec la nature. Je respecte mon corps, tu ne me verras jamais manger une pizza par exemple, c’est gras, c’est dégueu. Au sujet du « être noir c’est un job à plein temps », c’était une blague… mais peut-être pas en fait. Sérieux, être noire en 2014, c’est tellement bien, j’ai l’impression que tout le monde veut nous singer et qu’on est vraiment au centre de la pop culture, cette année plus que jamais.



T’as quand même pas mal de cordes à ton arc, en plus du rap et de la diététique, t’es aussi étudiante en design et il paraît que t’as de super bonnes notes. Tu fais comment pour concilier tout ça ?

Oui, j’aime bien ces deux aspects de ma vie. J’ai réussi à trouver un équilibre entre les études et la poursuite de mon rêve, et j’en suis heureuse. Ca m’a posé aucun problème pour l’instant. Sinon je peins pas mal, et je passe beaucoup de temps à écrire. J’ai un peu l’impression d’être au milieu d’un voyage spirituel là, pour de vrai, pas forcément en tant qu’artiste mais en tant qu’être humain. Dès qu’une épreuve se présente, j’écris. J’essaye simplement d’être une meilleure personne chaque jour, et quand j’écris j’ai l’impression de déverrouiller des portes. Je ne me suis jamais sentie comme ça, quand j’étais plus jeune genre pendant ma première année d’étude supérieure, tout me cassait les couilles.



Ah ouais ?

Ouais, je crois que je n’avais personne à qui m’identifier à cette période. Ca me rendait dingue. Franchement, qui peut s’identifier à Nicki Minaj ? Faut arrêter. Et pourtant, on partage ce même background caribéen puisqu’elle vient de Trinidad comme ma mère, mais putain j’avais juste l’impression qu’elle avait rien à dire. En tout cas, rien qui me touche. Les rappeurs me saoulent à fond, ils te disent de te péter la tête, de faire pleuvoir des billets sur des strip-teaseuses et d’étouffer toutes tes souffrances, mais encore ? Qu’est-ce que je suis supposée faire ? Je me réveille le lendemain j’ai la gueule de bois pendant que toi t’es en tournée, tu te fais des thunes pendant que je ramasse grave chez moi, en larmes. Moi je dis NON. Quand j’étais gosse, j’adorais Brandy et sa sitcom

Moesha

, j’aimais les TLC. J’ai pas envie de sembler nostalgique ou quoi, mais tout ça était plus inspirant. J’ai l’impression qu’à cette époque, on n’était pas encore dans cette « représentation de la femme noire » comme aujourd’hui. C’est quoi une femme noire aux Etats-Unis aujourd’hui à part une fille métisse aux cheveux bouclés et un cul énorme ? Ce sont les filles que l’Amérique glorifie. Et moi je ne me retrouve pas là-dedans. Ce que je veux prouver à travers mon art, c’est qu’on peut s’épanouir sans ressembler à ça.





T’as un peu l’air d’avoir une dent contre les mecs.

Dans « Stitches » tu dis « les mecs sont tous cons mais j’en ai quand même trouvé un bon » et dans « Feeling Myself », que la bite t’ennuie. Sérieusement ?

Ecoute… J’ai énormément d’amour à donner et je pense que les mecs ne le méritent pas. Ils ne savent plus aimer. Y’a plus de place pour la romance, la passion. Est-ce que les préliminaires existent encore ? Ouais je confirme, la bite m’ennuie. Putain mais regarde mon corps, je mérite quand même d’être satisfaite.



Seuls R.Kelly et Mekhi Phifer qui sont épargnés alors ?

Et Leon Robinson ! Trois de mes barres chocolatées préférée. Ce sont honnêtement les créations de Dieu les plus réussies. Je suis aussi obsédée par Soulja Boy mais pour d’autres raisons, je le trouve vraiment fascinant, c’était lui le premier gros phénomène musical viral et même s’il prend toujours des directions douteuses, je l’adore.



Ahah mais attend, tu pourrais faire l’impasse sur ses déboires porno-judiciaires à R. Kelly ?

Je sais pas, j’essaye de faire la séparation entre l’homme et l’artiste. Je ne le connais pas personnellement, tout ce que je sais c’est que c’est le meilleur artiste qui n’ait jamais touché un micro.




Quand Christelle ne chille pas à Harlem ou dans le Val-de-Marne, elle est sur Twitter - @crystallmess

Il n’y a jamais eu autant de rappeurs et de rappeuses qu’aujourd’hui. On entend depuis des lustres que le rap new-yorkais est mort vu que les gros hits du moment viennent principalement d’Atlanta et monopolisent même les radios new-yorkaises. Qu’est-ce que t’en penses toi ?

Je pense que ça dépend d’où l’on se place, je n’ai pas vraiment le sentiment que plus personne ne prête attention à ce qui se passe ici. On déchire, bordel. Par contre, j’aimerais que les new-yorkais nous soutiennent un peu plus. Ils sont tellement différents culturellement, ils écoutent beaucoup de trucs qui viennent d’ailleurs, mais pas assez de choses qui se font sous leur nez. Dans les villes du Sud, ils soutiennent beaucoup plus leurs rappeurs locaux j’ai l’impression. Pareil pour les rappeuses, je crois qu’elles n’ont pas assez de soutien de rappeurs établis. Je n’en ai vu aucun miser sincèrement sur le talent d’une rappeuse depuis Lil Wayne, à part peut-être T.I.

Tu fais souvent référence à ta noiritude mais pas dans un délire Erykah Badu, toi t’es plutôt du type « trop tropicale pour les Etats-Unis » ou alors « être noire est un job à plein temps ».

J’ai vraiment été élevé « à l’antillaise » (au sens large) : mon père est jamaïcain et ma mère vient de Trinidad-et-Tobago. Par exemple, je n’avais jamais mangé de petit dèj américain avant ma dernière année de lycée, où j’ai mangé des pancakes pour la première fois de ma vie [

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] Non, sérieux, je suis trop tropicale pour l’Amérique du Nord, j’aimerais vivre sur une île. J’ai besoin de soleil, de fruits frais, de poisson et de lait de coco. Je sais que je peux trouver tout ça à Flatbush, mais je ressens vraiment le besoin d’être en rapport direct avec la nature. Je respecte mon corps, tu ne me verras jamais manger une pizza par exemple, c’est gras, c’est dégueu. Au sujet du « être noir c’est un job à plein temps », c’était une blague… mais peut-être pas en fait. Sérieux, être noire en 2014, c’est tellement bien, j’ai l’impression que tout le monde veut nous singer et qu’on est vraiment au centre de la pop culture, cette année plus que jamais.

T’as quand même pas mal de cordes à ton arc, en plus du rap et de la diététique, t’es aussi étudiante en design et il paraît que t’as de super bonnes notes. Tu fais comment pour concilier tout ça ?

Oui, j’aime bien ces deux aspects de ma vie. J’ai réussi à trouver un équilibre entre les études et la poursuite de mon rêve, et j’en suis heureuse. Ca m’a posé aucun problème pour l’instant. Sinon je peins pas mal, et je passe beaucoup de temps à écrire. J’ai un peu l’impression d’être au milieu d’un voyage spirituel là, pour de vrai, pas forcément en tant qu’artiste mais en tant qu’être humain. Dès qu’une épreuve se présente, j’écris. J’essaye simplement d’être une meilleure personne chaque jour, et quand j’écris j’ai l’impression de déverrouiller des portes. Je ne me suis jamais sentie comme ça, quand j’étais plus jeune genre pendant ma première année d’étude supérieure, tout me cassait les couilles.

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Ouais, je crois que je n’avais personne à qui m’identifier à cette période. Ca me rendait dingue. Franchement, qui peut s’identifier à Nicki Minaj ? Faut arrêter. Et pourtant, on partage ce même background caribéen puisqu’elle vient de Trinidad comme ma mère, mais putain j’avais juste l’impression qu’elle avait rien à dire. En tout cas, rien qui me touche. Les rappeurs me saoulent à fond, ils te disent de te péter la tête, de faire pleuvoir des billets sur des strip-teaseuses et d’étouffer toutes tes souffrances, mais encore ? Qu’est-ce que je suis supposée faire ? Je me réveille le lendemain j’ai la gueule de bois pendant que toi t’es en tournée, tu te fais des thunes pendant que je ramasse grave chez moi, en larmes. Moi je dis NON. Quand j’étais gosse, j’adorais Brandy et sa sitcom

Moesha

, j’aimais les TLC. J’ai pas envie de sembler nostalgique ou quoi, mais tout ça était plus inspirant. J’ai l’impression qu’à cette époque, on n’était pas encore dans cette « représentation de la femme noire » comme aujourd’hui. C’est quoi une femme noire aux Etats-Unis aujourd’hui à part une fille métisse aux cheveux bouclés et un cul énorme ? Ce sont les filles que l’Amérique glorifie. Et moi je ne me retrouve pas là-dedans. Ce que je veux prouver à travers mon art, c’est qu’on peut s’épanouir sans ressembler à ça.

T’as un peu l’air d’avoir une dent contre les mecs.

Dans « Stitches » tu dis « les mecs sont tous cons mais j’en ai quand même trouvé un bon » et dans « Feeling Myself », que la bite t’ennuie. Sérieusement ?

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Seuls R.Kelly et Mekhi Phifer qui sont épargnés alors ?

Et Leon Robinson ! Trois de mes barres chocolatées préférée. Ce sont honnêtement les créations de Dieu les plus réussies. Je suis aussi obsédée par Soulja Boy mais pour d’autres raisons, je le trouve vraiment fascinant, c’était lui le premier gros phénomène musical viral et même s’il prend toujours des directions douteuses, je l’adore.

Ahah mais attend, tu pourrais faire l’impasse sur ses déboires porno-judiciaires à R. Kelly ?

Je sais pas, j’essaye de faire la séparation entre l’homme et l’artiste. Je ne le connais pas personnellement, tout ce que je sais c’est que c’est le meilleur artiste qui n’ait jamais touché un micro.

Quand Christelle ne chille pas à Harlem ou dans le Val-de-Marne, elle est sur Twitter -

@crystallmess