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Music

David Yow a survécu à 15 ans d'exhibitionnisme avec The Jesus Lizard et en a fait un livre

« Je ne savais pas quoi faire sur scène pendant que les gars jouaient, alors j'ai allumé une clope et j'ai sorti mes couilles. »

Photo - Diane Jefferis

Nous sommes dans le bunker secret de David Yow, à Los Angeles, en train de tremper nos chips dans sa sauce habanero maison qu'il a ramené de Chicago. Le leader de Jesus Lizard, maintenant barbu, se lève, santiags aux pieds, et commence à nous parler de l'un de ses talents les plus utiles : pisser en marchant – sans en mettre une goutte sur son pantalon. « C'est génial, si tu as besoin de pisser pendant une longue marche en ligne droite, parce que tu peux regarder derrière toi et voir la distance parcourue, » explique-t-il. « Et tu peux t'en sortir sans problème parce que même si quelqu'un remarque, ils n'y croira pas. C'est comme voir une personne à poil en public. Les gens regardent, mais personne ne fait rien. »

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Il y a des tas d’anecdotes sur Yow qui urine en public – bourré, nu et parfois blessé – dans le nouveau livre de Jesus Lizard, intelligemment appelé

The Jesus Lizard Book

. L'impressionnant livre raconte l'histoire du groupe de rock le plus puissant et désaxé des années 90, et les souvenirs personnels des quatre membres de Jesus Lizard – David Yow le frontman, le bassiste David Wm. Sims, le guitariste Duane Denison et le batteur, Mac McNeilly – sur leurs voyages faits de sueurs et de couilles à l’air à travers les bas-fonds de l'Amérique.

Noisey : Commençons par la question la plus évidente : pourquoi faire un bouquin sur Jesus Lizard ?

David Yow:

C'est la question la plus évidente ?

Je pense, ouais.

Okay, bonne question. Je ne sais pas. Johnny Temple, qui est dans Girls Against Boys et qui gère Akashic Books, nous a approché il y a quelques années pour faire un livre. Ma réaction immédiate a été de me demander « Pourquoi ? ». Je veux dire, on s'est séparé il y a longtemps. Qui est-ce que ça intéresserait ? Mais après ça, on a discuté avec le groupe, et finalement on est passé de « Pourquoi ? » à moi en train d’insister pour m’occuper de la forme du truc. Parce que c’est souvent arrivé que je sois en total désaccord avec les autres sur les artworks de nos disques. Donc, j'ai accepté de le faire, à condition que je puisse me charger de cette partie. Mais ça m'a pris vachement longtemps de compiler et de nettoyer les photos, et ça ne me rapportait rien, alors ça s’est un peu tendu entre nous. C'est allé jusqu’au point ou ma copine me disait, « Tu ferais mieux de laisser quelqu'un d'autre le faire ». J’ai donc refilé le bébé à Henry Owings, de Chunklet Magazine. Il a pris le relais, et ses idées étaient excellentes.

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Les autres membres groupes avaient le même sentiment que toi au départ ?

Honnêtement, je ne me souvient pas qu'il y ait eu quelqu'un qui soit vraiment pour ou contre le projet. En règle générale, quand ça concerne le groupe, c’est moi qui suis le moins intéressé.

Pourquoi ça ?

Parce que je considère que quand un groupe splitte, c'est fini. Il ne faut pas y retourner. Je n'étais pas emballé par les reformations qu'on a fait (en 2008/2009), ou comme j'aime les appeler, « les reconstitutions ». Mais ça s’est toujours passé très démocratiquement. Les autres gars voulaient faire les concerts, donc j’allais pas faire tout foirer en mettant mon veto. Au sujet du le livre, je ne sais plus vraiment ce qui m’a décidé, par contre – probablement la possibilité de le designer. Ça s'est plutôt bien terminé, au final. Les photos étaient géniales, mais les textes aussi surtout. Rien que pour les interventions de Mike Watt et Alex Hacke de Einstrüzende Neubauten ça valait le coup. À eux deux, ils valent l’achat du livre. Genre Mike Watt qui sort : « Mais quelle langue parle ce mec ? » Quand tu as fini de lire son texte, tu sais exactement ce qu'il voulait dire, mais tu n'as aucune idée de ce qu'il a dit.

J'ai surtout aimé les parties écrites par les quatre membres de Jesus Lizard. Les personnalités de chacun apparaissent vraiment, et il semble assez évident que vous avez, dès le départ, passé outre les manies de chacun pour fonctionner comme une véritable entité.

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Je ne sais pas s'il y a eu tant de trucs que ça à gérer. On s'est bien entendu dès le départ. David et moi on est potes depuis 1980 ou quelque chose comme ça. Quand Mac nous a rejoint, David, Duane et moi, on vivait ensemble, et Mac est juste venu nous voir, en quelque sorte. On avait fait beaucoup de blagues sur lui avant, genre : « Oh, il est probablement pédé », des trucs du genre. On lui avait organisé un grand dîner pour l’accueillir à Chicago, et quand il s’est pointé, on s’est aperçu qu’il était végétarien. Alors on se regarde : « Oh super. Un gay végétarien… » Mais, peu de temps après, on est devenus potes.

Le premier concert de Jesus Lizard a eu lieu dans un restau Thai de Chicago. Corey Rusk, du label Touch & Go, a dit que c'était le premier et dernier concert qu'ils ont organisé là bas. Vous avez tout cassé ou quoi ?

Je ne sais pas pourquoi ils n'ont pas fait d'autres concerts là-bas, parce que ça s’est plutôt bien passé. On était les premiers sur une affiche de trois groupes – il y avait nous, King Kong, et Slint. Je crois que j'ai gardé les mains dans les poches pendant tout le concert. J'étais terrifié. L’ambiance était bizarre. Il y a eu le dîner, le concert, et après que les groupes aient joué, ils ont nettoyé les tables, et le manager nous a dit : « Okay, les tables sont parties ! Maintenant on a un dancefloor ! » Mais les gens étaient toujours assis à leurs tables pendant qu'on jouait. C'était un drôle de concept parce qu’ils devaient regarder par dessus leur épaule pour réussir à voir les groupes, leurs chaises étaient tournées dans l'autre sens.

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Plus tard, tes sauts dans la foule ton’t rendu célèbre. David Wm. Sims a même écrit qu'il ne comprenait pas comment tu pouvais te souvenir de tes paroles ou même simplement chanter pendant que tu te débattais dans ces tas d’être humains. Tu te démerdais comment ?

Pour les paroles, j'étais en pilotage automatique. Je les avais en permanence dans la tête. La seule fois ou je me souviens avoir merdé et tout oublié, c'était à ce concert à Milwaukee. On avait une chanson qui s'appelait « Then Comes Dudley ». Sur la setlist, on écrivait juste « Dudley ». Mais j'ai buggé et je n'arrivais plus à me souvenir des lyrics. Donc la chanson commence, et je commence a gueuler « Dudley ! » encore et encore pendant toute la chanson. En général quand j'oublie les paroles, je fais du yaourt. C'était l'une des choses géniales dans ce groupe. Les autres gars étaient si précis dans ce qu'ils faisaient que je n'avais pas à m'inquiéter. Je savais que quoi qu'il arrive, ils étaient en mesure de me couvrir. C'est marrant, j'ai lu des tonnes de critiques qui disaient, « Yow slamait pendant tout le concert, et il n'a rien raté. » Alors que je me suis loupé plein de fois. [

Rires

] Mais ça marchait quand même.

Sur scène, on a clairement l'impression que tu étais la botte secrète du groupe. Tu ressentais la même chose ?

En quelque sorte, ouais. J'avais cette réputation, et je pense qu’on attendait certaines choses de moi. Parfois je me bagarrais un peu contre ça. Si les gens attendaient que je me déshabille et que je saute dans la foule, alors je ne le faisais pas. Mais bon, aux trois quarts du concert, je finissais toujours par le faire. [

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Rires

] Souvent à cause de l'alcool.

Photo de Dan Parker

Tu n'as jamais eu l'impression d'avoir une deuxième personnalité ?

Si, un peu ouais. Je suis un mec gentil, facile à vivre et tout. Mais les gens ont toujours cru que j'étais fou ou agressif. Moi je ne percevais pas du tout ça comme de l'agressivité. La musique que ces gars jouaient me rendait fou. C'était marrant. C'était du divertissement. J'ai réalisé ça, et j'ai essayé d'être amusant. Mais je me suis blessé tellement de fois en le faisant. Pas d'os brisés, mais des nerfs oui, et des blessures à la tête qui étaient assez graves pour qu'on doive arrêter le concert ou annuler le reste de la tournée. Une fois on jouait à Albuquerque, et ce gamin attrape mon bras pendant que je slammais – sans mauvaise intention – je me suis plus ou moins retourné et j'ai atterri sur le coccyx. Quand je me suis levé, mes jambes ne voulaient plus marcher. J’ai rampé sur le côté, et on a du arrêter le concert. J'avais 37 ans, et je venais de me faire une crête pour la première fois de ma vie, d'ailleurs. Donc on va à l'hôpital, et le docteur vient me voir avec ses radios et me montre qu'il y avait un pet coincé dans mon cul, qui obscurcissait ce qu'il voulait voir. Ce que j'ai trouvé hilarant. C'était genre

Obscured By Clouds

, ou cette chanson des Butthole Surfers, « I Saw An X-Ray Of A Girl Passing Gas ». Tu peux vraiment voir les pets sur les radios. Finalement, j'avais un nerf abîmé, et on a du annuler la fin de la tournée.

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Et la fois où tu t'es fait assommer à Zurich ?

Ouais, je crois que notre tourneur a raconté cette histoire dans le livre. J'en ai vu une vidéo, et ça m'a presque fait vomir parce que le public me ramasse et me balance sur la scène, et on dirait qu'ils lancent un mec mort. Voir mon bras tomber devant l'écran comme ça m'a vraiment filé la gerbe. Mais c'était marrant aussi, parce qu’apparemment, ils m'ont emmené dans un chariot et je disais au médecin des urgences qu'il avait une superbe moustache et je répétais « Nicht ist los », « Tout va bien ».

À un moment, vous aviez une chanson qui s'appelait « Metropolis », mais le titre este evenu « Tight N' Shiny » parce que tu aimais tirer sur tes couilles sur scène pendant le morceau. Raconte.

La première fois qu'on a joué cette chanson, c'était un instrumental qu'on avait baptisé « Metropolis ». Je pense que c'était notre quatrième ou cinquième concert. Je ne savais pas quoi faire sur scène pendant que les gars jouaient, donc j'ai fumé une clope et j'ai sorti mes couilles. À un moment, peu de temps après ça, on l'a changé pour « Tight N' Shiny ». Ça doit être Steve Albini qui a choisi le titre. Il a dit que c'était le truc le plus drôle qu'il ait jamais vu.

Qu’est ce qui t’a subitement donné envie de sortir tes boules ?

Je n’avais rien d'autre à faire ! J'avais ce vieux pote de Dallas qui faisait ça aux soirées, il appelait ça « The Spoon Trick ». On était chez quelqu'un, il allait chercher une cuillère dans la cuisine et sortait une boule de sa fermeture éclair, hop, il restait comme ça avec une couille reposant sur sa cuillère. Il marchait nonchalamment, en parlant normalement avec les gens, qui remarquaient ou pas. Il en avait rien à foutre. Je lui dois ma carrière.

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Et ça a fini par devenir ton truc. Enfin, l'un de tes trucs.

Ouais. Les gens gueulaient, « Déshabille toi ! » ou « Montre nous tes couilles ! » C’est souvent arrivé qu’ils déchirent mes fringues, ce qui me faisait chier parce que je n'avais pas beaucoup de sapes et pas les moyens de m’en racheter tous les jours.

Mark Todd, ton vieux prof d'arts, décrit tes paroles dans le livre : « d'une justesse saisissante, et pourtant ambiguë. » Tu es d'accord avec cette déclaration ? C’était le but que tu cherchais à atteindre ?

En fait, je ne sais pas ce que je voulais. Je ne sais pas si on était à la fois spécifiques et ambigus, mais… Ok, « Monkey Trick », par exemple. Je pense que c'est la meilleure chanson qu'on ait jamais écrite. Et au niveau des paroles, je n'ai aucune idée de ce dont parle la chanson. Mais ça sonne comme si ça parlait de quelque chose, tu vois ? Il est en gros question de « parties de corps éparpillées dans la ville ». Je vivais à Austin à l’époque, et des mains et des pieds ont commencé à apparaître dans les poubelles, partout en ville. Je trouvais ça vraiment horrible, mais en même temps intéressant. Mais ce truc n'a rien à voir avec le reste de la chanson. Donc les parties ne sont pas forcément associées entre elles. Si tu lis les paroles de cette chanson, tu obtiens un feeling global. Je ne visais rien de précis.

Vous vous en êtes pris plein la gueule de la part des fans et du monde indie en général quand vous avez signé sur une major après quatre albums chez Touch & Go. T’as des souvenirs particuliers de cette époque ? Ça a du être hyper frustrant.

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C'est bizarre parce que les gens ont dit qu'on s'était vendus. Mais pour moi, un vendu, c'est quelqu'un qui fait des trucs pour l'argent et qui n'en est pas fier. Si tu fais ce que

tu veux

et que tu en es fier, tu es en droit d’en tirer le maximum d'argent possible. Au départ, j'avais peur d'aller chez une major. Une chose est sûre, j'ai adoré Touch and Go. Mais on était arrivé à un point où il était impossible d'aller plus loin avec eux. Et ils nous ont toujours dit dès le début que si on voulait changer de maison, on avait leur bénédiction.

Tu penses que vous avez vraiment perdu des fans en signant chez Capitol ?

J'imagine, ouais. C'est marrant : les gens qui nous on découvert sur le tard, pensent que

Shot

, le premier LP qu'on a fait sur Capitol, est notre meilleur disque. Mais à l'époque, notre public diminuait, sans doute à cause de notre passage en major. Et pourtant, après

Goat

et

Liar

, on a fait des tournées de dingue. Peut être que les gens étaient juste fatigués de nous voir. [

Rires

]

Tu étais fatigué avant la fin en 1999 ?

Ouais. Après que Mac soit parti, c'était devenu un job. Un bon job, mais un job quand même. Ça a été déchirant quand Mac nous a laissé, à cause de sa famille, mais je ne lui reproche rien. Il avait deux enfants à ce moment là. Je n'ai pas de gamins, mais si j'en avais, je ne voudrais pas manquer une journée de leur vie. Et on était en tournée sept mois par an…

Il y a une anecdote dans le livre à propos de votre 500e concert, où quelqu'un dit que « David a cogné David, » mais ça ne dit pas lequel. Tu te souviens de ça ?

Ouais, le mec qui a dit ça s'est trompé. C’est bizarre qu'on l'ait laissé d’ailleurs, parce que ça ne s'est pas passé comme ça. David a cogné un type à la soirée après le concert, mais ce n'était pas moi. La seule fois où on en est arrivés aux poings, c'était en Arizona, on jouait le même soir que Nirvana et Mudhoney, qui, eux, étaient en concert de l'autre côté de la ville. Ils avaient joué plus tôt que nous, du coup ils se sont pointés à notre show. Je traînais avec tout le monde et j’étais bien trop bourré pour jouer – j’avais même du mal à tenir debout. Je me souviens avoir lu une review du concert qui disait en gros : « David Yow, tu me dois 12$. » À la fin, je bafouillaits dans le micro, et David me l'a arraché des mains. Je suis sort de scène super énervé et on s'est presque battus. C'était vraiment à deux doigts de partir en vrille et puis on s’est dit : « Je ne veux pas me battre avec toi ». Voilà, David et moi ne nous sommes jamais battus. Désolé tout le monde.

Le livre The Jesus Lizard Book est disponible chez Akashic Books et dans toutes les librairies couillues.