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Vous ne verrez jamais Jennifer Herrema dans une pub The Kooples

Après avoir bossé pour Calvin Klein et Playboy, l’icône punk s'apprête à reformer son groupe mythique, Royal Trux. On a été en discuter avec elle.

C’est toujours troublant de discuter avec un vétéran du rock’n’roll, surtout quand c'est Jennifer Herrema. Interviewer cette meuf est quasi impossible. Enfin, pas impossible, mais méga-balèze. Elle a des anecdotes à foison mais qui ne s’emboitent pas toujours très bien ensemble. Jennifer est tout sauf logique. Elle ne l’a jamais été d’ailleurs. À la fois artiste, rock star (dans Royal Trux, RTX, Black Bananas), actrice, mannequin (le fameux heroin chic de Calvin Klein) et écrivain, Herrema a touché à tout.

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Jennifer m’a invité au Costa Mesa, son studio de répète à Los Angeles. Quand je suis arrivée, elle m’a serré dans ses bras, a retiré ses lunettes aviateur, nous a servi deux margaritas puis sa voix et son esprit se sont mis en branle.

D’une façon ou d’une autre, on en revenait tout le temps à Keith Richards (une de ses idoles) et Joan Rivers (une des miennes). Elle faisait virevolter sa cigarette menthol tel un drapeau en pestant : « Rivers, elle pouvait faire le tri dans sa tête. Moi, je peux pas faire le tri dans ma tête. Je dois faire avec ce bordel qui me submerge. » Puis elle a écrasé sa cigarette dans l’énorme cendrier. « Parlons plutôt de ce qui importe en ce moment »

Ce qui importe Jennifer en ce moment, c'est son groupe mythique, Royal Trux, qui va donner son très attendu premier concert de reformation au festival Berserktown II, à Los Angeles. Ça fait 14 ans que le duo formé par Jennifer et son ex-petit ami Neil Hagerty s’est séparé. Royal Trux était un groupe fêlé, révolutionnaire et définitivement marquant, totalement incompris à son époque.

Hagerty a récemment envoyé à Jennifer une setlist de 21 chansons extraites des 10 albums studio du groupe. Elle a écouté le mix dans sa voiture en se rendant sur un plateau télé, hors de la ville, où elle bossait en tant que styliste pour une émission de télé-réalité diffusée sur Playboy TV.

« Il y a vraiment un truc purement psycho dans ces morceaux, m’a dit Jennifer. Je me sentais tellement ailleurs [en écoutant ce mix de Royal Trux] que je me suis dit que c’était le meilleur album que j’avais jamais entendu. Tous nos disques, ordonnés étrangement, mélangés ensemble… Je n’avais plus ce sentiment qui me faisait dire ‘ça, c’est mon bébé’. J’ai juste trouvé que le tout sonnait hyper bien. »

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Royal Trux était un groupe brut et spontané évoluant dans un univers où tout le monde cherchait à devenir célèbre. Jennifer Herrema a rencontré Neil Hagerty à Washington D.C. alors qu’elle avait 15 ans. Son ancien petit ami venait de faire une overdose et Hagerty s’est lié à elle. Elle a aussitôt été séduite par ce type, qu'elle trouvait tellement weird. « Il y avait cette fille qui voulait sortir avec lui, se souvient Jennifer. Alors il a mis le feu dans ses cheveux. Comme ça. Tellement bizarre et excentrique comme mec. »

Royal Trux a ensuite déménagé de Washington pour New York et a commencé à sortir des albums, dans une discrétion quasi-totale, mais c’était bien le dernier de leurs soucis. Hagerty et Herrema faisaient des fixettes sur les Rolling Stones et Ornette Coleman et se gavaient de psychotropes. L’étiquette « couple junkie » leur a collé aux basques pendant des années, même si le duo conservait une grosse part de mystère. Le fait qu’Herrema ait été la première mannequin à promouvoir le look « heroin chic » de Calvin Klein (Calvin qui ?) n’a pas vraiment aidé à arranger cette réputation. Même lorsque Royal Trux a signé chez Virgin dans les années 90, ils l’ont fait en imposant leurs conditions.

Comme on pouvait s’en douter, Hagerty et Herrema ont pris l’argent de Virgin et ont acheté une ferme dans le comté de Rappahannock, en Virginie, s’isolant complètement du reste du monde avec la musique pour seule distraction.

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« [La ferme] était dans un trou paumé. Il fallait faire 20 minutes de route pour choper des clopes dans la station-service la plus proche. On n’était pas juste ensemble, on était ensemble seuls, souligne t-elle. On se connaissait très bien avant de signer avec Virgin. On n’avait même pas de compte en banque. Je n’avais pas non plus de permis de conduire. Déménager là-bas c’était l’antithèse de la vie en centre-ville. Et je savais qu’on devait dépenser cet argent dans quelque chose de tangible qui nous ferait garder les pieds sur terre ; on n'en était encore qu’au début. »

Durant l’époque Royal Trux, le monde de la mode s’est intéressé de plus près à Jennifer et à son style inimitable composé en vrac de bottes en peau de serpent, de queues d’animaux morts en fourrure disséminées un peu partout le long de son corps, de couches de bijoux « ethniques » en argent et en pierre, de grosses lunettes aviateur, de jeans usés jusqu’à la corde et de longues bandes de cheveux qui masquaient ses grands yeux bleus. Après le split du groupe (et avant qu’elle ne forme RTX qui deviendra plus tard Black Bananas), elle a collaboré avec la designer Pamela Love et avec la marque Volcom pour qui elle posait à l’occase. Elle a également été styliste pour de nombreuses couvertures de Playboy, et on pourra la voir prochainement dans Love, la nouvelle série de Judd Apatow sur Netflix.

« Je ne suis pas totalement débile » me dit-elle. « Je reconnais [l’influence de la mode]. C’est un truc bizarre. Les vêtements ont toujours été importants pour moi, et ce depuis que je suis toute gamine, je ne saurais même pas te dire pourquoi. »

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Le fait d'avoir grandi à Washington D.C., dans une maison que son père avait acheté aux enchères juste après les émeutes de 1968, a donné une liberté totale à Jennifer et lui a permis de tracer sa voie comme elle l’entendait. Avec un double changement de métro sur le trajet du collège, elle s'est mise à traîner dans la rue dès la quatrième. Jennifer était une gosse spéciale, qui savait ce qu’elle voulait et ce qu’elle ne voulait pas. Plus jeune, elle détestait les robes et devenait hystérique quand on lui demandait d’en porter une. Elle refusait également de manger les aliments qui n’étaient pas roses. « Ma mère me faisait de la gelée, colorait mon lait en rose et me faisait de la purée de patate rose. »

Elle aimait provoquer. « Je n’ai jamais été une caricature. Je ne me suis jamais définie en fonction de mon look. Je portais juste ce que j’avais et ce que j’aimais. J'aurais pu utiliser mes looks pendant des années pour me faire du blé, mais ce n'était pas ce à quoi j'aspirais. »

En fait, Jennifer Herrema est tellement cool que c’en est effrayant. Ok, j’ai l’air d’une truffe quand je dis ça, mais c’est la vérité. Tous ceux qui la connaissant savent qu’elle est ce que tous les punks aimeraient être : authentique et unique. En plus de ça, elle est chaleureuse et jamais prétentieuse. Elle n’a pas ce masque que les poseurs de la coolitude enfilent pour dissimuler leur insécurité et leur véritable personnalité.

Et comme si ce n'était pas suffisant, elle n’est pas carriériste. Sa vie a été une longue série d’expériences diverses, peu importe leur résultat, elle sait juste que prendre les bonnes décisions et avoir une vraie foi en son art conduisent toujours vers le bon chemin.

« Si tu forces trop [pour obtenir ce que tu veux], tu te retrouveras à plat, sans énergie. » m’affirme t-elle, en sirotant sa tequila dans sa coupe en plastique rouge. « Tu ne peux plus riposter et résister après. C’est un truc qui s’apprend. » Mish Way chante dans White Lung et écrit pour Noisey. Elle est sur Twitter.