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Music

Jack Endino a enregistré tous les meilleurs groupes de Seattle

Soundgarden, Nirvana, Mudhoney, les Sonics, L7, les Dwarves : ils sont tous passés entre ses mains.

Exitse-t-il producteur plus cool que Jack Endino ? Ce mec fêtera cette année 30 ans de métier avec un CV monumental : Soundgarden, Nirvana, Mudhoney, les Sonics, L7, les Dwarves, Blue Cheer, Murder City Devils, Zeke, High On Fire, Therapy?, Supersuckers, The Mentors, Flipper et bien d’autres encore.

En 1985, il fonde le groupe Skin Yard, qui deviendra un des pionniers du son du nord-est des États-Unis (ce que l'on appellera par la suite le « grunge »). Leur batteur, Matt Cameron rejoindra par la suite Soundgarden, un groupe qui faisait leur première partie. Sur une tournée suivante, Skin Yark prendront Nirvana dans leur bagages. Très vite, la blague se répand : « Fais la première partie de Skin Yard et tu deviendras une star ». Skin Yard se séparera en 1992. Jack sortira la même année le seul et unique album de son projet Endino’s Earthworm. En 2008, il a rejoint Kandi Coded, un groupe de hard rock emmené par le snowboarder pro Jamie Lynn.

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Après toutes ces années, Jack Endino est resté un type simple, agréable et toujours aussi occupé. Il encourage les groupes à le contacter. Son site détaille les critères auxquels il faut répondre pour qu'il accepte de vous produire, et contient également tout un tas de tips et t'informations pour se lancer dans l’enregistrement et le travail en studio.

J’ai rencontré Jack et on a parlé de ses voyages en Amérique du Sud, de ses sessions avec Soundgarden, de ce qu'il pense de Nirvana aujourd'hui et des trucs que tout bon musicien doit savoir.

Noisey : Commençons par le commencement. C'était qui le premier groupe que tu as enregistré ?
Jack Endino : C’était mon groupe, Skin Yard, en 1985. J’avais enregistré sur mon quatre pistes à la maison. Je n’ai commencé à travailler dans un vrai studio que l'année suivante, en 1986. Mes premiers vrais clients ont été Soundgarden et Green River.

Tu as bossé avec Soundgarden l’an dernier. Comment ça s’est passé ?
Je travaillais avec eux sur une espèce de projet d’archive et j’ai retrouvé Storm, une démo de 16 titres qui datait de 1986. À l’époque, je les avais aidés pour le mixage, mais on a mis ce projet de côté pendant 28 ans jusqu’à ce que je retombe dessus. Je leur ai envoyé un mix de tout ça. À la base, c’était juste pour le fun mais ils ont voulu en faire une version moderne, et ils m’ont demandé de m’en occuper. On ne s’était pas revus en studio depuis 1990, donc c’était cool de le faire.

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Tu as bossé avec beaucoup d’autres groupes du label Sub Pop. Comment tout ça a commencé ?
Comment te résumer tout ça ? En 1986, j’ai été embauché au studio Reciprocal Recording. C’était mon premier vrai studio, pas juste un truc dans une cave ! Les musiciens que je connaissais ont commencé à se passer le mot, « hey, Jack fait des enregistrements de malade pour pas cher ». De plus en plus de gens sont venus enregistrer avec moi. Deux mecs ont écouté ce que je faisais et ils ont crée un label pour sortir quelques uns des morceaux que j'avais enregistré. Et c’est devenu Sub Pop. Je n’ai jamais été employé ou partenaire de Sub Pop, j’ai toujours travaillé directement avec les groupes, mais la plupart des morceaux sortis chez Sub Pop, c’est moi qui les ai enregistrés.

Quels groupes ont le plus enregistré chez toi ?
J’ai fait cinq albums pour Titas, et deux autres pour leur ancien bassiste, Nando Reis, mais ceux qui ont le record absolu, ce sont les Grannies de San Francisco, je crois que j’ai fait huit albums en tout avec eux.

Quels groupes ont été le plus sous-estimés selon toi ?
Le plus sous-estimé ? J’ai fait quatre albums pour Black Halos qui étaient vraiment bons. J’ai toujours eu un petit faible pour Gas Huffer. Stag est un de mes groupes favoris de Seattle. Guillotina, les mecs de Mexico, étaient pas mal du tout et j’aurais pensé que plus de gens entendraient parler des Ganjas !

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Tu étais en Amérique du Sud quand tu les as enregistrés ?
Oui, les Ganjas venaient de Santiago au Chili. J’aimais vraiment bien ces gars. C’était une sorte de gros shoegaze-grunge, ça sonnait bien.

Tu as beaucoup travaillé en Amérique du Sud. Raconte un peu.
J’ai commencé en 1993 quand la Warner m’a contacté pour me parler d’un groupe brésilien qui voulait travailler avec moi, les Titas. À l’époque, je ne connaissais rien au Brésil, mais les Titas c’était une vraie institution là-bas. J’ai passé deux mois avec eux et ça a été une vraie révélation. Puis on a travaillé sur cinq albums avec le groupe. Deux de ces albums ont été disque d’or au Brésil, un autre a été disque de platine. Ce qui me changeait, c’est que ce n’était pas ce qu’on pouvait appeler des albums grunge. Du coup, au Brésil, on me considère comme un producteur pop. Ensuite, j’ai travaillé au Chili et en Argentine. J’aime travailler dans ces pays en été et passer l’hiver à Seattle.

Je me doute. Après tant d’année à enregistrer, tu dois bien avoir une expérience qui t’a marqué plus qu’une autre, non ?
J’ai enregistré plus de 500 albums, donc c’est difficile à dire. Hmm… Entendre Mark Lanegan me raconter sa vie pendant l’enregistrement de The Winding Sheet, être traité comme Rick Rubin quand je bossais avec les Titas au Brésil, voyager en jet privé avec Bruce Dickinson pendant qu’on travaillait sur son album solo Skunkworks, visiter les pyramides de Teotihuacan avec le groupe Guillotina, et bien sûr enregistrer mes propres groupes. Tout ça a été un vrai plaisir. Il y a eu des moments moins joyeux aussi, mais j’ai effacé tous ces mauvais souvenirs de ma mémoire.

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Tu es devenu malgré toi un pionnier du grunge. Des tas de gens t'interrogent là-dessus, du coup. Tu as une réponse toute faite pour ce genre de questions ?
Oui, généralement je commence par : « Vous avez la journée ? Parce que ça va être long ! » [Rires] Au début, tout ça était cool et excitant puis c’est devenu un peu lourd, et puis carrément horrible. J’ai vu la cupidité des gens partout autour de moi. À Seattle, tout le monde sentait l’argent et les gens devenaient de plus en plus bizarres. J’ai bougé dans d’autre pays pendant les années 90, juste pour m’éloigner de tout ça. Ailleurs, les gens avaient une sorte d’innocence vis-à-vis de leur musique et je retrouvais pas mal de petits labels indépendants dans les pays du sud.

Après avoir vécu tout ça, à quoi tu penses quand tu entends Nirvana, aujourd'hui ? J’imagine que lorsque tu enregistrais Bleach, tu étais loin de penser quun jour, Bruce Springsteen leur rendrait hommage au Rock and Roll Hall of Fame, non ?
[Rires] Mec, dès 1988 je savais que le E Street Band allait faire un discours d’une heure pour rendre leur rendre hommage ! Non, Nirvana, j’aime toujours leurs morceaux… Je ne suis pas fan du son de Nevermind, par contre. J’adore In Utero, et certains de mes enregistrements sur Bleach sont plutôt cools, surtout vu la vitesse à laquelle on a les a enregistrés ! Je remercie Dieu pour avoir fait en sorte que l’album sonne aussi bien. Nirvana est une sorte de blessure pour moi, le suicide de Kurt a été très, très dur à surmonter.

Aujourd’hui, tu enregistres quoi ?
Le prochain groupe que j’emmène en studio c’est Windhand, un super groupe de Richmond. Ça sortira sur Relapse Records.

Depuis que tu as commencé à enregistrer, qu’est ce qui a le plus changé, en positif ou en négatif, en ce qui concerne la technologie ?
De plus en plus de mecs boivent du Kool-Aid, et c’est un vrai problème. Ce truc a littéralement tué le rock. Le seul point positif c’est que c’est plus confortable pour ceux qui bossent. Les ordinateurs ont été une belle victoire. J'ai enregistré sur bandes analogiques pendant quinze ans et ça ne me manque pas du tout. J’étais très content de dire au revoir à mes bandes et tous les problèmes qui y étaient liés. Le combat entre l’analogique et le digital, c’est de la foutaise. Ce qui importe vraiment, c’est la manière dont tu sers de ton matos.

Quels conseils tu donnerais aux groupes qui font leurs premiers pas en studio ?
Pensez à prendre des cordes et des peaux de batterie de rechange. Et ne pas bosser au click. Je n'enregistre rien au click. Les vrais groupes n’ont pas besoin de ça en studio.