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Music

À la veille du concert de reformation de N.W.A. et de la sortie du film « Straight Outta Compton », Ice Cube se lâche

« Sans NWA, il n'y aurait pas d'Eminem. Sans NWA, il n'y aurait pas de programmes comme South Park. Sans NWA, est-ce que la télé-réalité aurait existé ? »

Photo - Jason Merritt

« Quoi de neuf, ici Cube. »

Voilà comment Ice Cube répond quand il décroche un téléphone. Pas de lalali-lalala. Droit au but. Il ne cite même pas son nom entier, juste Cube, tu vas faire quoi ? Juste écouter.

La raison de cet appel ? Discuter du concert de reformation de NWA, le premier depuis 15 ans. Ça se passera précisément ce week-end lors du BET Experience à Los Angeles, et ils joueront des morceaux de Straight Outta Compton pour célébrer la sortie imminente du film du même nom, qui raconte l'histoire mouvementée du groupe.

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Alors ça fait quoi ?

« Monter sur scène avec ces types sera juste comme monter sur un vélo. On est NWA, tu vois c'que j'veux dire, me lance le rappeur/acteur de 46 ans. On va essayer d'être aussi féroces que possible. »

« Féroce » n'est peut-être pas l'adjectif le plus pertinent pour décrire NWA en 2015 : Dr. Dre est aujourd'hui plus connu pour sa marque de casques audio que pour The Chronic, la page IMDB d'Ice Cube est plus longue que sa discographie et on peut trouver des T-shirts du groupe partout, y compris dans le catalogue Le Goeland. Mais c'est pourtant le terme qui, dans l'absolu, définit le mieux les Niggaz With Attitude. Parce que ces mecs ont tout brûlé sur leur passage et tout simplement modifié le cours de l'Histoire.

Arabian Prince, DJ Yella, MC Ren, Dr. Dre, Eazy-E, et Ice Cube ont été les chefs de file d'un mouvement non seulement musical mais racial et culturel en Amérique. Ces types avaient une approche révolutionnaire de la musique et ont permis aux gens du hip-hop de ré-évaluer leur culture. « On a montré aux artistes qu'il était OK d'être soi-même. Que tu n'avais plus besoin d'être plus blanc que blanc pour devenir aussi gros que les mecs plus blancs que blancs. »

Et Cube a raison. En 1988, Straight Outta Compton a emmené la musique dans des territoires encore vierges. Des morceaux comme « Fuck Tha Police », « Straight Outta Compton » et « Gangsta Gangsta » prenaient des positions radicales sur la violence policière et la lutte socio-économique des Noirs dans le Los Angeles de l'époque. Ils ont inventé le gangsta rap et posé les bases d'un son purement West Coast. Les mecs n'en avaient rien à foutre et ne se censuraient jamais. Le public le sentait et en voulait toujours plus.

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Comme toutes les légendes, l'importance et la portée du groupe a dépassé largement ce à quoi Ice Cube et les autres membres s'attendaient. Aujourd'hui, un film (co-produit par Ice Cube) va tenter de résumer leur parcours. Est-ce qu'il y parviendra ? Peut-être. Voilà en tous cas ce qu'Ice Cube avait à nous dire là-dessus.

Noisey : Comment envisages-tu le retour de NWA au sein de la culture hip-hop ?
Ice Cube : Tu sais, je crois qu'on a définitivement modifié la trajectoire de la culture hip-hop et d'un tas d'autres choses à l'époque. Pour moi, on est allés au-delà de la musique. On a poussé un tas d'artistes à se libérer et à ne pas se laisser dicter leur route. Et on leur a prouvé qu'ils n'avaient pas besoin d'êtres blancs. On a rendu OK le fait de dire ce que que tu avais envie de dire, d'être ce que tu voulais être, tout en restant populaire. Il y a eu des pionniers avant nous, mais on a eu l'impact le plus dévastateur partout dans le monde grâce à notre approche.

Vous le ressentiez à l'époque ?
Ouais. Tu peux sentir quand ta vie change. Tu sens que tes perspectives évoluent. Tu passes d'un mec de quartier à un porte-parole national et même international avec un morceau comme « Fuck Tha Police », qui est, pour ainsi dire, vrai dans n'importe quel pays. Donc ouais, les choses changeaient et on le sentait.

Et aujourd'hui, des années après, quelles sont tes perspectives ?
Hmm. Tu sais, à l'époque, on y allait à fond. Il y a eu l'explosion initiale et aujourd'hui, on en est aux répercussions. C'est un peu comme s'il y avait eu un monde pré-NWA et un monde post-NWA. Mais à l'échelle de la pop culture, c'est simplement une page qui se tourne.

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Qu'est ce qui a changé dans la culture ces 25 dernières années selon toi ?
Quand tu regardes Straight Outta Compton et des titres comme « Fuck Tha Police »—qui est vraiment sorti 400 ans trop tard quand on voit comment on a été traités dans ce pays— tu te dis qu'aujourd'hui, rien n'a changé. Tout est plus complexe, certes. Mais pour le gars qui s'est fait tabasser par les flics, rien n'a changé. Celui qui ne se fait pas frapper par les flics pensera peut être que ça a évolué. Tout dépend de la perspective. Notre musique représente la réalité. C'est à la fois les bons et les mauvais côtés. On a déclenché un tas de trucs qui se déroulent aujourd'hui, qui sont désormais acceptables alors que ce n'était pas le cas lorsqu'on a sorti notre album. Le langage à la télé a changé - même s'ils mettent des bip un peu partout, il a changé, c'est indéniable. Plein d'émissions n'auraient jamais vu le jour si NWA n'avait pas explosé les tabous sur la manière de faire, de parler et de se comporter.

Quel héritage NWA a laissé ?
On a ouvert les vannes. On a fait souffler un vent de liberté sur tout un pan de l'entertainment. Sans NWA, il n'y aurait pas d'Eminem. Sans NWA, tu n'aurais pas eu de programme comme South Park. Sans NWA, est-ce que la télé-réalité aurait existé ? Est-ce que vous bipperiez les jurons quand vous prononcez une phrase de type « Salope, je te botte le cul » ? Tout ça, c'est à cause des disques de NWA. On a fait accepter ça à tout le monde.

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Ça fait quoi de se dire que tu as fait partie d'un truc qui a modifié le cours de l'Histoire ?
C'est un rêve devenu réalité. Quand t'es artiste, tu veux laisser une trace, tu veux laisser un héritage, tu veux être cité par les meilleurs. Tu veux que la fête dure pour toujours. Il ne faut pas oublier que j'ai lutté pour ça durant toute ma carrière, et que je continue de me battre.

Tu aurais cru qu'un film sur NWA sortirait un jour ?
Non. Je ne pensais pas que quelqu'un aurait les couilles de le faire. Ça a commencé avec Toby Ehrlich, mais pour je ne sais quelle raison, ça n'a pas pu se faire. Puis, Donna Lane de chez Universal a pris le relais, elle a eu les couilles de faire ce film, de le rendre réel, sans rien éduclorer. Il y a des gens courageux qui prennent des décisions et qui font bouger les choses, tu vois ? Franchement, j'aurais jamais cru que quelqu'un ait les couilles de réaliser Straight Outta Compton.

Le film retranscrit bien l'histoire ?
Ouais, tout est là. C'est pour ça que Dr. Dre, Tomica Wright, F. Gary Gray, Scott Brownstein, Ed Alvarez et moi avons tous fait des efforts pour le film, on y a mis du temps et de l'argent pour que le résultat soit vraiment à la hauteur. Ce n'est pas simple de faire rentrer 10 années en 2h20, mais on a réussi, et on a un très, très bon film qui arrive.

Tu as ressenti de la pression ?
Oh ouais. Mais ça ne veut rien dire. La pression fait du bien, elle te pousse à mieux faire.

T'espères que le film laisse quoi comme trace ?
C'est une tranche de vie. Un moment dans le temps. Le témoignage d'une époque. Une période charnière de la musique… Je vais te le dire sans passer par quatre chemins : c'est le seul film qui mêle gang banging, trafic de drogue, sida, Reaganomics, violence policière, liberté d'expression, FBI avec, accessoirement, un peu de hip-hop ! C'est le seul et unique film dans lequel vous verrez tout ça. Eric Sundermann est le managing editor de Noisey USA. Il est sur Twitter.