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« Green Room » est bien parti pour devenir notre film préféré de 2015, et le vôtre aussi

Un groupe punk se retrouve piégé dans un club dirigé par des néo-nazis - putain, qui peut résister à un scénario pareil ?

Joe Cole dans Green Room. Photo : Scott Patrick Green. Avaic l'aimable autorisation de Broad Green Pictures Il y a encore deux ans, personne ne savait qui était Jeremy Saulnier. A l'époque, il enchaînait les boulots de commande et se faisait les dents sur des petits films indépendants comme Putty Hill ou Septien. Avec un seul film à son actif—Murder Party, qui a été primé à Slamdance en 2007 Saulnier n'était pas vraiment le type le plus attendu à Cannes. La surprise qu'a créé Blue Ruin, son deuxième long-métrage, n'en a été que plus forte.

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Suite à ce premier coup d'éclat, Jeremy Saulnier a reçu de nombreuses propositions de la part de studios et de producteurs. Mais il a préféré surfer sur le succès de Blue Ruin pour réaliser un film destiné 'au gamin que j'étais à 19 ans et à tous les potes avec qui j'avais grandi - l'objectif était de progresser techniquement mais de régresser émotionellement.' C'est précisément ce que Saulnier a fait sur son nouveau film, Green Room, qui a été présenté cette année à Cannes, à la Quinzaine des Réalisateurs.

Extrait de

Green Room

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Green Room suit les mésaventures d'un jeune groupe punk, The Ain't Rights, piégés, en pleine cambrousse, dans un club appartenant à des néo-nazis menés par un inquiétant Patrick Stewart (X-Men, Star Trek). Après une série de rebondissements, le groupe—composé de jeunes comédiens plutôt habitués aux comédies romantiques, comme Anton Yelchin et Alia Shawkat— se retrouve enfermé dans les loges (la « chambre verte » du titre), dont ils vont tenter de s'échapper.

Après être passé par la France et la Suisse (pour le Neuchâtel International Fantastic Film Festival), Green Room sera présenté demain 10 juillet en Israël (au Jerusalem Film Festival) après quoi il devrait, logiquement, être distribué en salles. Nous avons rencontré Jeremy Saulnier en mai dernier lors du festival de Cannes pour parler de son film, de l'influence qu'a eu la scène punk/hardcore sur lui et des disques qu'il emporterait sur une île déserte.

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Noisey : Comment a démarré le projet Green Room ?
Jeremy Saulnier : Ça me trainaît dans la tête depuis un moment déjà. J'ai grandi dans la scène punk de Washington, DC, enfin plus exactement la scène hardcore de Washington, DC, dans les années 90. À l'époque, je faisais des petits films de zombies débiles avec mes potes d'Alexandria, en Virginia. C'est une influence qui me sont restée quand je suis ensuite parti à New York pour mes études de cinéma, et que j'ai toujours aujourd'hui.

Tu es toujours à fond dans le punk/hardcore ?
Oui et non. Je n'écoute plus vraiment de hardcore ou de musique agressive. C'est plus un truc d'ambiance, un truc physique. J'aime le côté Mad Max cheap de cette scène—les bracelets à clous, les rangers, les fringues de surplus militaires, les crêtes, les gens qui hurlent. Mais sans le côté post-apocalyptique. J'ai toujours pensé que ce serait marrant de faire un film là-dessus. Et puis les loges d'une salle de concert, c'est vraiment le meilleur endroit qu'il existe pour un film de siège !

Il y a un truc que je trouve flippant avec toi. Ton film est complètement fou et hyper violent mais toi tu es le type le plus calme du monde. N'y aurait-il pas un gros psychopathe sous cette façade cool ?
[Rires] Tu sais, j'ai aussi été à fond dans le hip-hop quand j'étais à New York, je faisais du breakdance sur les trottoirs et tout. Ce qui m'attirait, c'était les trucs physiques. Dans les groupes punks avec lesquels je jouais au lycée, j'étais toujours le chanteur, pare que j'étais vraiment mastoc à l'époque. Je n'avais aucun talent mais je pouvais gueuler très fort. Et j'aimais bien danser, le contact physique, tout ce qui allait avec cette scène. Bon, les choses ont changé depuis. Je toujours un peu asocial, cela dit.

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J'ai grandi dans la scène punk aussi. Perso, j'y voyais surtout un moyen d'extérioriser ma colère.
Moi, je me sentais plutôt comme un sportif qui détestait le sport, tu vois ? [Rires] Mais je n'étais pas un ado malheureux. J'ai grandi dans une banlieue pavillonnaire middle-class typique des années 80 et 90. Le genre d'endroit qui était envahi par des gamins sans la moindre supervision parentale le soir d'Halloween—le genre de choses qui n'arrive plus aujourd'hui. On tournait des petits films dans la rue, avec des flingues en plastique hyper-réalistes et du faux sang, et personne ne disait rien. C'était avant Columbine. Les gens se disaient juste qu'on s'amusait. Parfois, quelqu'un nous demandait : « Tout va bien ? », mais ça n'allait pas plus loin. On montait sur le toit des voitures en se tirant dessus avec de fausses mitrailleuses et tout le monde s'en foutait. Tu fais ça aujourd'hui, tu as le SWAT dans la seconde.

Patrick Stewart dans Green Room. Photo : Scott Patrick Green. Avaic l'aimable autorisation de Broad Green Pictures

Cette liberté te manque ?
Oh oui, enfin ça m'ennuie surtout pour mes enfants—pour les enfants de tout le monde. Trop de gens qui dépassent les limites, trop de flingues partout, trop de news flippantes dans les médias. Où que tu ailles maintenant, c'est partout : violence, meurtres, attentats, État Islamique… J'essaye de rester fidèle à ce que j'ai toujours été, de continuer à faire la différence entre le cinéma et la réalité. J'aime les films ultra-violents, les films d'horreur. Mais dans la vie, je suis un mec très calme, qui déteste la violence. C'est un équilibre plutôt simple à gérer.

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C'était quoi ton but alors en montrant ce groupe punk se faire défoncer la gueule par des Nazis ?
Créer de la tension—faire un film à l'ancienne, un film de siège à la Assaut ou Rio Bravo, dans un environnement inédit, et de façon très intuitive, en zappant tous les clichés inhérents au genre. Je trouve par exemple intéressant de développer les personnages secondaires, souvent réduits à leur plus simple expression dans les films d'action. Je veux que ça ait l'air vrai. Donc je place ces gamins dans une situation inextricable et je vois ce que ça donne.

Imogen Poots dans Green Room. Photo : Scott Patrick Green. Avaic l'aimable autorisation de Broad Green Pictures

C'est ça que j'ai adoré dans le film. Quand tu te mets à penser « non, non, fais pas ça », c'est parce que tu as vraiment peur pour le personnage et pas parce qu'il est en train de faire un truc débile.
Souvent je me fixe des limites, comme de ne pas revenir sur une scène déjà écrite. Je n'ai pas envie que ce soit trop calculé, trop parfait. Je n'ai pas envie de jouer au gros malin avec un scénario taillé au cordeau, plein de rebondissements calculés au millimètre. Le film évolue en fonction des décisions des personnages, et il peut arriver que certaintes d'entre elles soient vraiment très mauvaises. Le plus important c'est que ça ait l'air naturel. Sur ce film j'avais le début et la fin, donc c'était cool de se laisser aller sur tout le bordel qu'il y a entre les deux.

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Alia Shawkat et Anton Yelchin dans Green Room. Photo : Scott Patrick Green. Avaic l'aimable autorisation de Broad Green Pictures

Il y a eu des scènes improvisées ?
Non, tu ne peux pas improviser sur un film aussi taré. Mais on a pas mal improvisé en l'écrivant, cela dit.

Pourquoi avoir choisi des skinheads neo-nazis comme assaillants ?
Dans la scène hardcore des années 90, il y avait toujours des skinheads qui traînaient. Il y avait souvent des bastons, c'était des types hyper violents et très flippants. J'avais très peur de ces types et en même temps ils me fascinaient, je me demandais comment ce délire et ces idéologies pouvaient continuer à se développer. Dans la scène punk/hardcore, tu trouves souvent des jeunes qui ont des problèmes et qui sont très fragiles. J'imagine que c'est comme ça qu'ils continuent à se propager, en recrutant des gens un peu paumés. C'est un des sujets du film. Il y a une scène ou ce groupe punk se retrouve à jouer devant un public plutôt hostile et il y a une synergie qui se dégage de tout ça. C'est comme si la musique effaçait les différences l'espace d'un instant.

Jusqu'au moment où ils jouent « Nazi Punks Fuck Off » des Dead Kennedys.
Prendre des nazis pour jouer les méchants dans un film, c'est facile. Du coup, le truc c'était de s'intéresser à eux, de les rendre plus humains.

J'imagine qu'au moment où les acteurs ont lu le scénario, il y a eu une paire de « What the fuck ?? »
Oh oui, ils ont adoré. Ils aiment tous ce genre de films.

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Sur ce coup, en tout cas, ils vont complètement à l'encontre de leur image. Anton Yelchin, Imogen Poots et Alia Shawkat sont plutôt connus pour leur rôles dans des comédies romantiques.
Exactement. Et ça les saoule. Pour eux, jouer dans un film d'action, c'était un rêve. Ils voulaient ces putain de rôles. Imogen s'est éclatée sur le tournage, tu n'imagines pas. Elle s'est vraiment identifée à son personnage. En fait, les persos ne sont pas vraiment différents de ceux qu'ils jouent habituellement. C'est juste qu'on les a parachutés dans le mauvais film.

Jeremy Saulnier sur le tournage de Green Room. Photo : Nathan Christ. Avec l'aimable autorisation de Broad Green Pictures.

Ça fait quoi de se retrouver à Cannes deux années de suite ? Tu as rematé le film avec le public lors de la projection ?
C'est comme des vacances. Et oui, j'ai assisté à la projection, c'est la coutume à Cannes, tu ne peux pas vraiment y couper. Cela dit je me suis barré très vite [ Rires]. Je me suis un peu assis sur le protocole, je trouvais ça trop embarrassant d'être là avec tous ces gens qui aplaudissent.

Avec ce type de film, ça doit être jouissif d'observer la réaction des gens, de les voir sursauter ou hurler sur telle ou telle scène.
Oui, c'est un des gros avantages de ce type de production.

Alia Shawkat, Anton Yelchin et Callum Turner dans Green Room. Photo - Scott Patrick Green. Avec l'aimable autorisation de Broad Green Pictures.

Ça te plait de faire flipper les gens ?
Tant que ça déclenche une vraie émotion, oui. Si tu joues juste sur l'effet de surprise, sur ces putain de jump scare [scènes brutales et subites, calculées pour faire sursauter le spectateur de manière artificielle], ça ne marchera pas longtemps. Mais si tu créés une vraie tension et qu'en même temps tu fais sauter les conventions inhérentes à ce genre de film, les gens perdent leurs repères et ne savent plus du tout à quoi s'attendre. Ils ne peuvent rien prévoir à l'avance, du coup ils sont obligés d'avancer avec les personnages, coincés dans cette pièce, sans savoir ce qu'il va arriver et ce qu'il y a de l'autre côté de la porte. Je voulais vraiment qu'il y ait une implication physique des spectateurs dans le film. C'est quelque chose d'extrêmement difficile à obtenir et c'était un de mes objectifs sur ce film. Je voulais que leur coeur batte plus vite, qu'ils aient le souffle coupé. J'aime avoir peur, mais c'est difficile d'être vraiment effrayé par un film. Tu ne peux plus te contenter de choquer les gens—tu dois leur provoquer de véritables émotions.

C'est quoi le disque que tu emporterais sur une île déserte ?
L'intégrale de Black Sabbath. Les deux versions. Ozzy et Dio.

Et si je t'enferme dans une pièce et que j'essaye de buter tous tes potes ?
Ça dépend du jour. Ça pourrait être Talking Heads ou bien Cure. Black Sabbath, Talking Heads et Cure. Un de ces trois là de toute façon. Ce sont mes trois groupes favoris.

Jeremy Saulnier est actuellement à la recherche d'un contrat de distribution pour Green Room.

Jeffrey Bowers est programmateur au Tribeca Film Festival, à Rooftop Films et au Hamptons International Film Festival. Il sait de quoi il parle. Il est sur Twitter.