FYI.

This story is over 5 years old.

Music

Non, la drum & bass ne mourra jamais et Goldie nous explique pourquoi

« On a construit un Terminator sonique, un truc qui a survécu au temps et aux modes. Le cafard ultime. Tu peux pas le tuer. Il est super-fort, mec. »

Goldie en 1997, à une soirée Metalheadz Au milieu des années 80, Clifford « Goldie » Price a débarqué à New York City, où il s'est fait poser 32 dents en or et s'est construit une réputation dans le milieu du tag. A son retour en Angleterre, il découvre les raves et le breakbeat - une scène dans laquelle il va totalement s'immerger, d'abord en tant que DJ, puis avec son label Metalheadz et son premier album Timeless. 20 ans après sa sortie, Timeless sonne toujours comme s'il venait d'un futur tout en chrome et néons. C'est sans doute pour cette raison Goldie le réadapte sur scène depuis quelques mois, dans le cadre d'un projet avec The Heritage Orchestra. On en a profité pour demander à l'ex-B-Boy de Wolverhampton de nous raconter ses premières années dans la jungle et de la drum & bass.

Publicité

Quand j'étais à New York, j'étais à fond dans Kool G Rap & Polo, KRS-One, tous les trucs des 80's. On traînait sur Garrison Avenue, la Bronx River, tous ces coins là. J'avais 19 ou 20 ans à l'époque, donc tous ces trucs, le hip-hop, le tag, c'était énorme pour moi. Mon trajet ça a été Wolverhampton, New York, puis Miami et enfin Londres. Quand je suis revenu en Angleterre, j'ai réalisé qu'il se passait quelque chose. Dans les tribunes des matches de foot, tout le monde était sous ecsta, les gens ne se battaient plus.

A l'origine, j'étais revenu pour l'enterrement de mon père, mais je ne voulais pas retourner dans les Midlands, du coup je me suis installé à Swiss Cottage, à Camden, avec Gus Carl - le cameraman qui m'avait accompagné à New York. C'est là que j'ai rencontré Kemistry, une fille avec de longs dreadlocks blonds, qui travaillait chez Red or Dead. Au-dessus de la boutique Red or Dead, il y avait la boutique Zoom Records, où on allait choper tous nos disques. Je croisais Kemi là-bas tous les jours et j'essayais à chaque fois de la brancher. Elle a fini par me dire : « Je vais au soirées Rage tous les jeudis soirs, on se voit là-bas, si tu veux ».

Donc je me pointe là-bas, avec mon look de B-Boy et ma doudoune trois-quarts qui me descendait aux genoux, je fai sla queue, et là tu as ce mec à l'entrée, Churchy - son nom c'est Paul Churchy. Le mec me regarde et me fait : « Pas ce soir, désolé ». Ce fils de pute m'avait refoulé ! Mec, je revenais de New York ! Bref, j'y retourne le jeudi suivant, et encore le suivant. Au bout de la troisième fois , il a fini par me laisser rentrer, après quoi Kemi m'a fait inscrire sur la liste des adhérents au club. Enfin bon, j'étais enfin à l'intérieur ! Er là je vois des gens se déchaîner sur une musique que je n'avais jamais entendue. J'étais assis dans un coin, à transpirer comme si j'étais un putain de violeur et à me dire « Putain, qu'est-ce que je fous là avec tous ces tarés et ces putains de lasers partout ? » Et soudain, j'ai entendu ce disque, « Rage » de Dragonfly.

Publicité

Si je devais désigner l'hymne breakbeat absolu, je choisirais sans doute ce disque. C'est comme s'il y avait 5 titres en 1, c'est une synthèse parfaite du UK Hardcore. Enfin bon, j'étais à la soirée Rage, j'ai pris mon premier cacheton, j'ai pété les plombs et voilà.

Un samedi, Kemi m'a donné rendez-vous à l'Astoria, pour voir un live de Manix. Ça, ça a vraiment été le tournant. C'est là que je me suis dit : « OK, c'est ça que je veux faire. » J'ai chopé Mark de Manix alors qu'il était sur scène, il m'a regardé genre « C'est qui ce taré ? » et je lui ai fait : « Je veux faire un artwork pour vous, les gars. » Deux semaines plus tard, je suis allé les voir et j'ai complètement redesigné le logo de leur label, Reinforced.

Arès ça, j'ai dit à Mark : « Mec, je peux faire de la musique aussi. » J'avais toutes ces mixtapes enregistrées sur WBLS et Kiss FM à New York. On faisait du breakdance à l'époque et on avait plein de cassettes de démo aussi, avec 30 mesures de breakbeats. Pour moi, c'était la même chose, ça me semblait hyper simple. J'ai donc investi tout l'argent que je m'étais fait en vendent de la weed pour me payer 3 jours de studio et j'ai fait, en gros, un énorme mélange de tous mes morceaux de breakbeat préférés. Deux jours plus tard, Mark Rutherford se pointe et me fait : « Mec, tu as rempli deux samplers S-1000. Personne ne remplit des samplers comme ça. Qu'est-ce que tu vas faire de tout ça ? » Et je lui ai répondu : « T'inquiètes, je sais ce que je fais, je viens du tag, je sais m'organiser ! » Et ça a donné Killa Muffin, mon premier EP sur Reinforced.

Publicité

Avant ça, j'avais déjà été en Islande avec Ajax Project, où j'ai enregistré un premier maxi avec un mec qui s'appelait B, et qui n'est malheureusement plus parmi nous aujourd'hui. C'est grâce à ce disque que Reinforced m'ont fait confiance - c'était un white label, qu'on vendait de la main à la main. Mon pote Chris avait une boutique de disques sur Green Lanes qui s'appelait Music Power. Grooverider y passait le mercredi avant les soirées Rage, pour choper des white labels, du coup on squattait le magasin pour le capter, Kemi, Storm et moi. On avait fait les tampons sur le disque une pomme de terre ! On en a sorti 1000 exemplaires en tout.

En Angleterre, le mouvement rave a fait tomber toutes les barrières. Mes potes, c'était des footeux, et l'ecstasy les a métamorphosés. Plus personne ne voulait se battre. Les gens se tenaient la main, se serraient dans les bras. C'était le jour et la nuit.

J'ai ensuite rencontré Rob Playford de Moving Shadow - « Kaotic Kemistry » était un tube énorme pour nous. J'étais fasciné par 2 Bad Mice, qui étaient aussi sur le label. Rob avait réussi à réunir Nookie, 2 Bad Mice, Foul Play - il ne produisait pas, mais c'était un super ingé-son, il réunissait juste tous ces gens et leur permettait de sonner correctement. Lui seul pouvait m'aider à atteindre mon but, et c'est donc avec lui que j'ai écrit Timeless.

À la base,

Timeless

était composé de 3 disques :

Publicité

Timeless

,

Inner City Life

et

Jah

- mais Rob était sceptique. Tu as déjà entendu parler des « restes d'ecsta » ? Il y a des mecs qui, le lendemain d'une grosse soirée, gardent des restes d'ecsta au fond d'eux et sont incapables de rationaliser leurs idées, leurs projets. Bon, eh bien ça c'était moi. Et Rob, c'était le mec sobre et sceptique, qui me disait de ralentir le tempo alors que moi j'étais complètement à fond. Cette tension entre nous deux était hyper importante - c'est lui qui m'a donné les bases sur lesquelles j'ai pu, ensuite, bâtir mon projet.

Timeless

était mon premier album. Je devais frapper fort, très fort. Je ne pouvais pas me planter et, heureusement, j'avais de l'expérience. J'avais déjà 10 ans de culture breakbeat dans les pattes. C'est de là que je venais.

Ça fait maintenant 30 ans que je fais ça. Les gens me demandent souvent quel sera l'avenir de la drum & bass. Il n'y a pas de putain de futur, les gars. Ce qu'on fait aujourd'hui, c'est ça le futur. C'est aussi simple que ça. Pour beaucoup, la source, c'est le Reggae - oui, c'est une composante importante du truc, mais il n'y a aps que ça - c'est un mélange de plein de choses : du jazz, du blues, du punk, du reggae, de la soul, du hip hop. On a pris les bases de chacun, les sonorités qui nous intéressaient et on en a fait un Terminator sonique, mec. On a construit un truc qui a survécu au temps et aux modes. Le cafard ultime. Tu peux pas le tuer. Il est super-fort, mec. Et c'est pour ça que je l'adore.

Goldie fêtera le 20ème anniversaire de Timeless avec The Heritage Orchestra au Royal Festival Hall de Londres, les 22 et 23 juillet prochains.

Et oui, Goldie est sur Twitter - @MrGoldie