FYI.

This story is over 5 years old.

Music

Fashawn est le plus new-yorkais des rappeurs californiens

Le meilleur conteur de la côte Ouest nous parle de skate, de weed, de Nas, de Lino et de son nouvel album, The Ecology.

Toutes les photos sont de Fifou Design.

Fashawn est aux antipodes des rappeurs californiens classiques. Son style se rapproche davantage de celui des emcees de la côte Est, qui l’ont influencé depuis son enfance. Dans ses clips, vous ne le verrez sûrement pas se lancer dans une course en Lamborghini dans les rues de L.A., ou conditionner de la C sur la table de sa cuisine. Fashawn est un conteur. Sa musique raconte des histoires, son histoire, l’histoire de « tous les californiens de Fresno et d’ailleurs ».

Publicité

Fraichement arrivé de Londres où il a fait la promo de son dernier album The Ecology, Fashawn m’a accueilli à La Shaperie dans le 1ère arrondissement de Paris, bob vissé sur la tête — à croire que l’album de Gradur a résonné jusqu’en Californie. Pendant notre petite discussion, on a parlé de son nouvel album The Ecology, de son documentaire du même nom, de skate, de sa mère, de Nas et de bien d’autres choses encore.

Noisey : La première fois que je t’ai entendu, j’ai cru que tu étais de New-York. Tu n’as vraiment pas ce style de rap un peu chill qu’ont les californiens.
Fashawn : Sérieux ? Non mec, je suis né là-bas et j’ai grandi en Californie. Mon rap a peut-être des allures new-yorkaises car, plus jeune, mes emcees préférés étaient Rakim, Nas et tous ces mecs. Donc quand j’ai décidé de me mettre au rap, j'ai commencé à rapper comme eux. Mais ce dont je parle dans mes textes, c’est 100 % californien. Je parle de ma vie, de ce qui se passe à Fresno et dans toute la Californie. Les histoires que je raconte c'est notre quotidien. Ceci dit, j’apprécie la comparaison avec les rappeurs de New-York.

La plupart des CDs que j’écoute sont des trucs de New-York. Le style de la côte m’a influencé quand j'ai commencé et c'est toujours le cas.

Alors qu’est-ce qui te différencie des autres rappeurs de Cali ?
En plus de ce que je viens de te dire, je dirais que comparé à d'autres, je ne suis pas imbu de ma personne.

Publicité

Ouais tu n’es pas vraiment bling-bling.
Dans mes textes, je ne parle pas trop de meufs, de bijoux, etc. Je considère ma musique comme une thérapie. J’essaie de raconter des histoires pour aider les gens.

Comme l'a fait Nas.

Absolument, et il le fait toujours.

On voit à travers ton documentaire que tu n’as pas eu une enfance facile. Tu penses que si tu avais grandi dans un autre environnement tu aurais eu la même parcours ?
J'ai pas forcément eu une enfance difficile comparé à d’autres. Je pense que j’ai eu la même enfance que beaucoup de mecs qui ont fait carrière. Si je n’avais pas vécu tout ça, je n’aurais eu aucune légitimité à raconter tout ce que je dis. Je n’aurais pas eu toute cette expérience, l’expérience qui m’a forgé et qui m'a construit. Imagine si dans mes textes je disais que ma mère était la plus cool du monde et que mon père était toujours là pour moi. Ça n’intéresserait personne.

Si je ne m’étais pas lancé dans le rap, j’aurais été avocat ou restaurateur comme l’était mon père, pour perpétuer la tradition familiale tu vois ce que je veux dire ?

Tu aurais pu être le Action Bronson californien.
[Rires] Oui, mais je pense que j’aurais quand même fini par rapper un jour où l’autre.

Pourquoi tu t’es fait tatouer Bart Simpson sur le bras ?
C’est mon pote Walter Hego qui me l’a fait. Bart Simpson me représente. Pas seulement parce que lui aussi est fan de skate mais dans le sens où Bart est devenu un véritable produit. Tout le monde cherche à mettre sa gueule sur des T-shirts, sur des mugs, des skates, des sacs, et c’est ce qui se passe aujourd'hui dans le rap. Il y a beaucoup de mecs qui deviennent de simples produits. Et qu’est-ce que tu fais d'un produit ? Tu essayes de vendre le plus de choses avec son nom — qui devient une marque— pour faire un maximum d’agrent. C’est ce qui est arrivé à Bart Simpson. Moi, j’ai vu les choses arriver petit à petit, mais comme je sais comment fonctionne ce milieu, j’ai fait le nécessaire pour éviter que ça m'arrive.

Publicité

Donc, tu es fan de skate?
Oui j’adore, et c’est aussi pour ça que je ressemble à Bart Simpson.

Tu penses qu’il y a des similitudes entre le skate et le rap ?
Je dirais que le skate et le rap se ressemblent de par leur origine. Le skate et le rap sont des formes d’expression qui viennent de la rue. A la base, le skate c’est un truc de marginal. Je me souviens que les flics arrêtaient les petits devant l'école et leur confisquaient leur board. C’est pareil dans les concert hip-hop où parfois tu vois des flics débouler sans trop de raison. Ce sont des trucs authentiques, qui viennent de la rue. En plus, grâce à ces deux pratiques tu es amené à rencontrer plein de gens, ça renforce la cohésion sociale. Pour moi, le skate et le rap sont synonymes de mixité.

Tu ne peux pas transmettre de message avec le skate, mais tu peux développer ta créativité et ton inventivité. Il y a un coté innocence dans le skate qui me plait aussi. Certaines personnes pensent que le skate c’est pour les gamins, mais on m’a dit une fois que tous les enfants étaient des artistes, donc je pense que le skate me permet de garder ce coté artistique tout en grandissant.

Ton meilleur trick ?
J’en ai deux. Le fakie 540 big spin et le switch 360.

Ton skateur préféré ?
C’est difficile de choisir, chaque jour il y a un nouveau rider qui fait des trucs de dingue. Mais je dirais Stevie Williams et Terry Pudwill. Ça faisait longtemps que j'avais pas vu un mec skater comme lui.

Publicité

Perso, celui qui m’a fait le plus rêver c’était Rodney Mullen, il était super créatif.
Ouais c’est un monstre. Il est toujours en train de créer des nouveaux tricks de malade.

Il a 48 ans aujourd'hui, il fait des conférences sur le skate et il ride encore, c'est fou.
Ouais c’est incroyable, plus il vieillit plus il donne l’impression que ce qu’il fait est facile. Mais techniquement, c’est d’un autre niveau.

Le rap français ça te parles?
J’ai écouté quelques artistes comme Joke et 20syl. Techniquement 20Syl a l’air bon mais je m’intéresse plus à ses prods. J’essaye de toujours garder un oeil sur ce qui se fait en ce moment.

[Son manager intervient] : Il a entendu Lino la dernière fois aussi, et il a vraiment kiffé.

Je ne comprends pas ce qu’il dit mais il fait du sale ! Sur le morceau que j’ai écouté, il tuait l’instru.

Mon manager a appris l’anglais avec It Was Written de Nas. Il a décrypté chaque ligne de l'album et maintenant il parle mieux anglais que beaucoup d'américains. C’est une bonne technique pour apprendre une langue, donc je vais peut-être me mettre au français en écoutant l’album de Lino.

Parle-nous un peu du concept de ton nouvel album, The Ecology.
C’est la suite de mon premier album, mais aujourd’hui je raconte une autre étape de ma vie. Dans le premier album j’avais ce coté enfantin, ce coté gosse naïf qui tire des conclusions d'un monde qu'il ne connait pas. Dans The Ecology j’ai grandi, j’ai découvert le monde, et ma vision a changé. C’est mon évolution, mon écologie. Comme si j’avais tout réappris.

Publicité

Donc, en ce sens, l’album est différent mais j’ai quand même toujours voulu qu'il reste dans la continuité du premier.

Comme si ta discographie était ta biographie ?
Exactement. Je veux raconter mon histoire, les différentes étapes de ma vie et mon évolution. A chaque fois, je fais en sorte que mes albums ne ressemblent en rien à mes mixtapes ou à mes autres projets.

Quand tu as annoncé la sortie de ton album, tu as dis que tu avais pris ton temps pour le réaliser car c’était un album important pour toi et pour le hip-hop. En quoi était-il si important ?
J’ai pris le temps de le faire à une époque où le hip-hop en avait besoin. Tu peux sortir un album, un EP ou une mixtape sans que personne n’y porte attention, mais à l’époque, il y avait une demande, les gens voulaient écouter Fashawn. Sans cette demande je n’aurais sûrement pas continué, car à l’époque je commençais à me couper du hip-hop. Puis mes homies, des mecs comme Nas, m’ont poussé à continuer et je suis revenu avec cet album.

Donc cet album pourrait être ton dernier ?
Non, c’est tout simplement un nouveau départ. J’ai repris confiance en moi, et je m’inspire de choses différentes. Il y a des dieux du rap, qui sont venus me voir pour me dire que, moi-même, j’étais un Rap God, un lyriciste de génie ou des trucs comme ça. Donc je vais continuer jusquà ma mort.

Tu as décidé d’accompagner l’album d’un documentaire super intimiste, pourquoi ?
Tout le monde sait ce que font les rappeurs, ce qui les inspire, etc. Mais les gens ne savent pas forcément où tout commence. Ils ne savent pas forcément pourquoi on utilise tel ou tel mot, pourquoi on aborde tel sujet, pourquoi on fait tel concept. Je voulais aussi montrer ce qui m'inspire à raconter toutes ces histoires. Grâce à ce documentaire, les gens comprendront mieux pourquoi et pour qui je fais tout ça.

Publicité

Ta mère à l’air vraiment cool mec, tu as l’air très proche d’elle et tu lui as même dédié un morceau. Elle t’inspire dans ta vie de tous les jours ?
Absolument. Ma mère c’est la personne la plus gangster que je connaisse. C’est une vraie OG, un peu border-line et un peu folle parfois, mais c’est aussi une femme très intelligente. Elle a un cœur en or. Je lui suis très reconnaissant d’avoir été là pour moi et de m’avoir aimé tout simplement. Elle m’a toujours encouragé et aidé à faire de la musique. C’était une poète et une chanteuse. A la différence de mon père, elle a toujours été là pour moi.

Tu as l’air d’apprécier la paternité.
Carrément, et maintenant je comprends en quoi c’est dur d’être parent. J’ai pardonné à mon père et aujourd’hui j’essaie juste de ne pas reproduire les mêmes erreurs avec ma fille.

Parle-nous un peu de ta relation avec Nas. Je trouve que vous avez une façon de rapper assez similaire.
C’est bizarre, tu n'es pas le premier à me le dire. En tout cas je suis honoré car tu aurais pu me comparer à Iggy Azalea par exemple.

Ouais mais moi je te parle de vrai rap là.
[Rires] Nas, c’est mon grand frère. C’est le tôlier, le meilleur, c’est … le mentor. Il me donne plein de conseils, que ce soit sur mon rôle de père, sur ma musique, sur la direction que je dois prendre avec mes albums, etc.

Donc vous n’avez pas une relation uniquement basée sur le travail.
Non, loin de là. Nas est une légende, une icône, un poète mais c’est aussi le mec le plus cool du monde. Quand on se retrouve c’est dans une ambiance vraiment tranquille : on fume, on boit, on parle. On se connait depuis tellement longtemps. Je le connais depuis plus longtemps que lui ne me connait car j’ai grandi avec sa musique. Ça doit faire 29 ans qu’il rappe et moi je n’en ai que 26, donc depuis que je suis né, je le connais. Nas a un peu été le père que je n’ai jamais eu, parfois.

Publicité

Tu as quoi dans tes poches?
[Rires] Alors j’ai un bouchon bleu d’une bouteille d’eau que j’ai bue juste avant de venir, mon passeport, mon téléphone, une boite de chewing-gum, des chewing-gums tombés de la boîte, mon beau portefeuille Carharrt tout neuf, et un briquet.

A 26 ans tu as déjà fait des morceaux avec Nas, Busta, J.Cole, Kendrick Lamar et j'en passe. On peut espérer quoi après tout ça ?
Je veux continuer ma progression tout en suivant les traditions de la culture hip-hop. Je veux avoir un effet positif sur le rap.

T*u penses quoi du rap US d'aujourd’hui ? Il est super stratifié non ?*
J’aime l’ensemble de la scène. Je trouve que la scène de la côte Est a changée grâce à des mecs comme Flatbush Zombies et Underachievers qui ont proposé de la nouveauté. C’est aussi mon but.

Et les petits jeunes style Joey Badass ou Bishop Nerhu ?
Ils sont super. Surtout Bishop. Son album – qui sortira sur MassAppeal — va vraiment être très lourd, vous verrez. Si vous n’avez pas été séduit par son premier album avec MF Doom, je suis persuadé que celui-ci vous plaira.

Dernière question, tu es d’accord pour dire qu’en Californie vous avez la meilleure weed du monde?
Bien sûr. Je suis allé à Amsterdam il y a quelques années et la weed était très similaire. J’ai fumé des joints aux quatre coins du monde mais je pense qu’on est bien lotis en Californie.

Ta variété préféré ?
LaGriezzly City Kush, c’est toute ma force.

Merci mec
Merci à toi c’était cool.