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Que vous le vouliez ou non, Faith No More est et restera le meilleur groupe du monde. Pour toujours.

Roddy Bottum nous parle du split et de la reformation de Faith No More et de ce que c'était de faire son coming-out, en 1993, dans la scène metal.

Roddy Bottum n'a pas voulu nous dire qui était l'esclave sur la dernière photo promotionnelle de Faith No More. « C'était évidemment mon idée, rigole Bottum —qui se présente depuis des années comme 'le gay du groupe'. Mais cet esclave n'a pas encore de nom pour le moment. »

Particulièrement efficace, la photo n'a pas cependant été prise pour la simple gaudriole, mais pour annoncer un évènement de poids : la sortie de Sol Invictus, premier album de Faith No More depuis 18 ans. Une sortie inespérée, y compris pour Bottum, qui était persuadé qu'après le split du groupe en 1998, les membres de Faith No More ne se retrouveraient jamais sur scène, et encore moins en studio. Et quand il a fini par retrouver ses ex-collègues—Mike Patton, Billy Gould, Mike Bordin et le guitariste Jon Hudson—en 2009, pour quelques concerts, personne ne parlait d'enregistrer quoi que ce soit. Mais 6 ans plus tard, ce que tout le monde croyait impossible s'est produit : Faith No More s'apprête non seulement à sortir un nouvel album (le 19 mai prochain, sur Reclamation et Ipecac), mais qui plus est un nouvel album qui tient largement la comparaison avec les classiques que furent (et sont toujours) The Real Thing en 1989, Angel Dust en 1992 et le très sous-estimé Album Of The Year en 1997.

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Autant dire que, de la reformation de Faith No More à l'éviction du guitariste originel Jim Martin (remplacé par Hudson en 1996), en passant par son coming-out en 1993 dans The Advocate, ce ne sont pas les sujets de discussion qui manquaient avec Roddy Bottum. Par chance, on a eu le temps de tous les aborder.

Noisey : Ton vrai prénom est Roswell. Depuis quand est-ce que les gens t'appellent Roddy ?
Roddy Bottum : C'est un truc de famille, en fait. Ce n'est pas un surnom que m'ont donné mes amis. Mon grand-père s'appelait Roswell, comme la ville du Nouveau-Mexique, et tout le monde l'appelait « Roddy. » Mon père aussi s'appelait Roswell, et les gens l'appelaient « Ros. » Et moi, Roswell Christopher Bottum III, je suis revenu à « Roddy. » C'est comme ça qu'on m'appelle depuis que je suis gamin. C'est un surnom, mais en même temps c'est le nom qui est marqué sur mon permis de conduire. Et c'est un nom hyper drôle. Je veux dire, tu te vois avec ce nom à l'école ? « Roddy Bottum » [« Roddy » désigne en argot US quelqu'un qui passe son temps à se masturber, et « Bottum » n'est qu'à une lettre de « Bottom », qui signifie « cul », « soumis » et/ou « sexuellement passif »] C'était dur à porter. Ça m'a forgé le caractère.

Moi, ça me fait penser à Rowdy Roddy Piper, le catcheur.
Ah oui, à fond. Je l'ai rencontré une fois.

Sans rire. C'était le clash des Roddies ?
Ouais, c'était génial. On était en Angleterre, sur le plateau d'une émission TV. C'était un genre de talk show où on devait jouer un ou deux morceaux live, et on restait assis le reste du temps. Rowdy Roddy Piper faisait partie des invités. Au moment où il est arrivé, on était sur scène, et le mec s'est visiblement dit qu'il était en compétition avec nous, parce qu'il a commencé à se jeter partout contre les murs, avec son kilt. J'essayais de lui parler, mais il n'y avait pas moyen. Il était incontrôlable. Et puis, ils ont lancé les pubs et le mec s'est retourné vers nous, hyper calme et nous à fait : « Salut les gars, ça va ? ». Dés que la caméra arrêtait de tourner, il sortait de son personnage.

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Faith No More s'est reformé pour quelques concerts en 2009. Comment est-ce que c'est arrivé ?
Deux membres du groupe ont assisté à mon mariage à Los Angeles. On en a pas du tout parlé à ce moment là, mais on a réalisé que c'était la première fois depuis une éternité qu'on se retrouvait ensemble, au même endroit. On a passé un bon moment, c'était comme une réunion d'anciens camarades de lycée. J'ai vécu tellement de trucs avec ces mecs, alors me retrouver avec eux dans la même pièce, après toutes ces années, c'était vraiment cool. Et tout le monde était visiblement content d'être là. Peu de temps après, on a eu une proposition pour un concert. Je ne pensais vraiment pas qu'on le ferait. Mais voilà. Je ne sais pas. C'est juste arrivé.

Quand est-ce que tu t'es marié ?
Je ne sais plus. Je ne suis pas bon avec les années. [Rires] Je ne l'ai jamais été. Je me souviens de l'année où j'ai eu mon bac—1981. Mais c'est tout.

Tu as pensé, à un moment, que vous vous reformeriez ?
Non, carrément pas. Quand on a mis fin au groupe, on en était tellement saoulé les uns des autres. On ne se supportait plus. C'était vraiment le dernier truc dont on avait envie. On a traversé l'enfer avec ce groupe. C'était la guerre. De notre première tournée dans une Dodge de 66, à dormir sur des matelas à même le sol, au jour où on s'est mis à vendre des millions de disques à travers le monde—ça a été un parcours difficile. Très difficile. Et quand tu est juste un gamin de 20 ans, devoir prendre des décisions sur ta musique, tes contrats, tourner, vivre avec tous ces mecs 24h/24, gérer la drogue… Ça fait beaucoup. Sur la fin, on ne pouvait vraiment plus se voir. On a juste tout laissé tomber pour passer et autre chose et on pensait bien ne jamais y revenir.

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Il y a un moment en particulier où tu t'es dit « OK, je laisse tomber » ?
Les années 90 n'ont pas été hyper simples pour moi. Je prenais des tas de drogues. Et puis j'ai tout arrêté, et là, tous ces trucs me sont arrivés d'un coup—deux de mes meilleurs amis sont morts, mon père est décédé… Quand ce genre de choses t'arrive, le reste n'a plus aucune importance. Et là, tu te dis, « pourquoi est-ce que je me fais chier avec ça ? » Sur les deux derniers disques du groupe, je n'étais plus du tout dedans, ça m'emmerdait plus qu'autre chose. Tout ce cirque me paraissait totalement insignifiant, comparé à ce que j'endurais.

Tout le monde a voulu arrêter en même temps ou bien est-ce qu'il y a eu des désaccords ? Du genre untel veut arrêter mais untel veut continuer ?
Disons que ça s'est propagé, petit à petit, comme un virus. Et je crois que je suis pas mal responsable de ça, parce que je suis le premier à avoir formé un autre groupe et à m'être investi nettement plus dans ce groupe là que dans Faith No More. Tout le monde avait d'autres projets, d'autres propositions. J'imagine que ça a lancé le mouvement. On était deux dans le groupe à en avoir vraiment marre. Et les autres ont suivi.

Imperial Teen, le groupe que tu as formé à ce moment-là, c'était en réaction à Faith No More ?
Oui, je crois. Quand on a formé Faith No More, Billy Gould [basse] était mon meilleur ami. On a grandi ensemble, on était très proches. Mais notre parcours nous a éloignés. Et un jour je me suis retrouvé à jouer avec des inconnus, des gens avec qui je n'avais plus rien en commun. L'idée avec Imperial Teen, c'était de faire de la musique avec des potes. Donc oui, c'était un peu en réaction à Faith No More qui était, à ce moment là, un groupe de vieux grigous qui se détestaient les uns les autres.

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Tu n'aimes pas les deux derniers disques de Faith No More, King For A Day Fool For A Lifetime et Album Of The Year ?
C'était difficile pour moi de vraiment être dedans à cause de tout ce que je t'ai raconté. J'ai fini par raccrocher les wagons, mais c'était vraiment chaud. C'était une sale période de ma vie.

OK, donc Faith No More se sépare en 1998 et vous refaites un concert ensemble 11 ans plus tard. Comment s'est passé ce premier concert ?
C'était dingue, complètement dingue. Je ne sais pas si tu fais ce genre de rêves, mais moi ça m'arrivait hyper souvent de rêver que je me pointais au lycée, qu'il y avait un devoir et que je n'avais rien révisé. C'est un rêve que je faisais tout le temps. Et quand Faith No More s'est séparé, ce rêve a changé : je me pointais sur scène et j'oubliais comment jouer les morceaux. C'était un cauchemar récurrent. Ce premier concert m'a permis de me confronter à ce cauchemar et d'en tirer quelque chose. C'était une expérience très, très profonde. Ce groupe, ça représente une grande partie de ma jeunesse, tu vois ? Et reprendre le truc après toutes ces années, ça m'a donné un vrai sentiment de pouvoir et de bien-être. C'est une chance que peu de gens ont dans la vie. De reprendre les choses à zéro après t'être toalement grillé.

Vous avez décidé dès le départ de ne pas recontacter Jim Martin ou bien vous lui en avez parlé ?
Ah non, on l'a contacté. Pour moi, il était clair qu'on devait en parler à Jim. Pas moyen autrement. Ça a été un sujet de désaccord entre nous, ça posait pas mal de problèmes à certains, moins à d'autres. Jim ne faisait pas l'unanimité au sein du groupe, mais moi je l'adorais. C'est un mec super, un vrai personnage. C'est mon négatif absolu—tu ne pourrais pas trouver deux personnes plus opposées que lui et moi—mais je l'adore et je l'ai toujours adoré. Je voulais qu'il revienne, et je lui en ai longuement parlé. Mais ça n'a pas marché.

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Ça ne l'intéressait plus ?
Si, je crois que ça l'intéressait. Mais il n'a jamais vraiment digéré la façon dont il a été viré du groupe. Il ne se voyait pas revenir, comme ça… C'est comme s'il s'était creusé une tombe et qu'il ne voulait plus en sortir. Enfin, ça c'est mon interprétation. Lui te dirait sans doute autre chose. C'est un type très masculin, très réservé, il n'en parle pas facilement de ce genre de trucs.

Il cultive des potirons aujourd'hui. Il a même remporté pas mal de prix à ce que j'ai vu.
Ouais, on en a pas mal parlé ensemble d'ailleurs ! Il est marié, il a deux filles. Je crois qu'il fait encore un peu de musique. Et il cultive des potirons. Il a l'air heureux en tout cas.

Quand avez-vous décidé d'enregistrer un nouvel album ? Se reformer pour faire quelques concerts, c'est une chose, mais composer un nouveau disque, c'est déjà plus compliqué. Vous n'aviez pas peur que la magie disparaisse très vite et que les vieilles tensions remontent à la surface ?
C'est vraiment le dernier truc auquel on pensait. C'était entendu entre nous qu'on ne le ferait pas, parce que on n'arriverait pas à revenir au niveau de ce qu'on faisait il y a 20 ans. On voulait juste faire quelques concerts. Et puis on a fait des dates supplémentaires. Et pendant ces dates, on s'est rendus compte que ça nous emmerdait un peu de rejouer tous ces vieux morceaux, que ça avait quelque chose de ridicule et de sinistre. Du coup, on a décidé d'enregistrer juste un nouveau morceau pour finir les dernières dates en beauté, ce qu'on a fait. Et le résultat nous a beaucoup plu. On avait retrouvé notre langage à nous, il était de toute évidence toujours là, il fonctionnait encore. Alors on s'est dit qu'on ne ferait plus de concerts tant qu'on n'aurait pas enregistré un nouveau disque. Et c'est ce qu'on a fait.

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Ce nouvel album sonne vraiment comme du pur Faith No More—c'est comme si vous n'étiez jamais partis.
Je crois que c'est surtout parce qu'on ne sait rien faire d'autre. Quand on joue ensemble, on sonne comme ça. On ne peut pas sonner différemment, on en est incapables. Mais c'est cool que tu aies cette impression. C'est la première fois que je parle à un journaliste qui a écouté le disque, donc c'est vraiment intéressant d'entendre ton avis.

Cela dit, je dois admettre que j'étais plus que sceptique au départ. Les groupes reformés enregistrent rarement de bons albums.
Je te comprends. C'est aussi ce que je pense. Quand un groupe que j'adorais plus jeune se reforme, ça a plutôt tendance à me faire flipper. Aucune envie d'écouter ces mecs refaire de la musique ensemble. Surtout s'ils essayent de sonner différemment. Les Pixies, je voulais vraiment y croire, par exemple. Mais bon, quand c'est cuit, c'est cuit. Une des raisons pour lesquelles ça s'est bien passé avec Faith No More, c'est qu'on n'en a parlé à personne. On l'a fait dans notre coin, sans aucune pression. Personne n'était impliqué dans le projet à part les cinq membres du groupe. On a juste fait ce qu'on savait faire. Avec, je pense, l'envie de revenir à ce qu'on faisait à nos tous débuts. Et je crois qu'on y est arrivés.

Le premier single s'intitule « Motherfucker ». Je ne peux pas m'empêcher d'y voir un message. A cause du titre, mais aussi parce que ce morceau ne sonne absolument pas comme le reste du disque. C'était voulu ?
Ce n'était pas voulu, mais c'était plutôt bien vu au final, parce que c'était effectivement comme un message adressé au public, une façon de dire qu'on n'était pas là pour rigoler. On s'en fout que le titre ne passe pas à la radio. C'était marrant de revenir avec un titre pareil. Et oui, c'est un titre totalement différent du reste de l'album. Déjà, c'est moi qui chante dessus, et puis c'est un morceau très simple, très dépouillé. « Motherfucker », c'était le titre parfait pour un nouveau chapitre dans l'Histoire de Faith No More.

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On accuse souvent Faith No More d'avoir donné indirectement naissance à des groupes comme Korn, Limp Bizkit ou Linkin Park. Tu plaides coupable ?
Absolument pas. Rien à voir. En tout cas, ce qui est clair, c'est que je n'ai aucun point commun avec eux. C'est vraiment le pire style de musique qui existe au monde. J'ai de la chance, je suis le « gay du groupe », je représente la partie la plus féminine de notre musique. On ne risque pas de me comparer à Fred Durst. [Rires] Mais oui, j'imagine que certaines personnes ont fait le rapprochement à cause d'un ou deux éléments bien précis. Perso, je ne vois pas le rapport. Après, on ne peut pas savoir. Les gens qui font de la mauvaise musique ont souvent très bon goût.

Tu as fais ton coming-out en 1993, pendant une interview avec Lance Loud, parue dans The Advocate. Aujourd'hui, c'est assez commun pour un artiste de parler de son homosexualité, mais en 1993—surtout dans la scène metal—ça semblait nettement moins facile.
A l'époque, oui, ça n'avait rien à voir. Les gens ne parlaient pas de ça en public—surtout dans les scènes dans lesquelles on évoluait. Au moment où j'ai donné cette interview, on tournait avec Guns N’ Roses et Metallica, tu imagines le truc. Mais c'était important. C'était une vraie prise de position. Et j'ai très vite eu des tas de messages de soutien et d'encouragement de la part de jeunes mecs homosexuels qui évoluaient dans le même milieu musical. C'était cool. Mais le monde a changé. Pour les gamins d'aujourd'hui, ce n'est plus vraiment un problème.

Tu as battu Rob Halford de Judas Priest de 5 ans. Il n'a annoncé publiquement son homosexualité qu'en 1998.
Tiens, c'est marrant, on revient d'un festival en Australie où Judas Priest jouait et je tenais absolument à rencontrer Rob Halford. Il est génial, tellement cool. Leur musique ne m'a jamais vraiment branché, mais leur concert était vraiment très bon. Mike [Bordin], notre batteur, est un grand fan de Judas Priest, et il me disait, « Mais non, Rob n'a jamais caché qu'il était gay. » Mais moi j'étais sûr qu'il ne l'avait jamais annoncé. On devait vérifier sur Google mais on a zappé.

Tu as réfléchi aux réactions que ça allait provoquer, à l'époque ?
Non. Un de nos managers a essayé de me faire revenir sur ma décision. Il ma dit : « Réfléchis bien, ça pourrait vous couper d'une partie de votre public. » Et moi j'étais là, « Mec, tu veux rire. » Le type venait de Ploucville en Floride, je n'allais carrément pas prendre son avis en compte. Et il s'est avéré que, même à l'époque, où ces choses là étaient un peu plus compliquées qu'aujourd'hui, ça n'a eu strictement aucun impact négatif. Personne ne s'est dit : « Merde, Roddy Bottum est gay, j'arrête d'écouter Faith No More. » Pareil avec Rob Halford et Judas Priest, d'ailleurs.

Tu as récemment écrit un opéra intitulé Sasquatch: The Opera. Il faut que tu nous expliques ça.
[Rires] Ce n'est pas un opéra traditionnel—plutôt une opérette un peu tordue. J'ai grandi à L.A., mais j'ai par la suite déménagé à New York pour travailler dans l'opéra, et j'ai toujours eu cette idée d'une histoire d'amour avec un Sasquatch [également appelé Bigfoot, monstre simiesque faisant partie de la culture populaire américaine au même titre que le Yéti en Europe]. J'ai écrit l'histoire, j'ai écrit la musique, et la première est prévue dans quelques semaines. Pour l'instant, il n'y a que trois scènes, mais ça va évoluer petit à petit en quelque chose de nettement plus gros.

Pourquoi le Sasquatch ?
J'ai un faible pour les gentils géants, les créatures comme Frankenstein ou Elephant Man—les monstres incompris qui s'avèrent être en réalité extrêmement sensibles et intelligents. Ça m'a toujours fasciné. Et j'ai trouvé que le Sasquatch pouvait s'inscrire dans cette mouvance. J'aime les grandes brutes au coeur d'or.

Faith No More sera le 20 juin à l'affiche de la 10ème édition du Hellfest. J. Bennett aime les grandes brutes en général. Il n'est pas sur Twitter.