FYI.

This story is over 5 years old.

Music

L'heure est venue de venger Failure

Le groupe le plus sous-estimé des années 90 nous parle de sa résurrection inespérée et de son album à venir.

Failure en 1996.

Le fait que Failure ait été catalogué comme un groupe « grunge » ou « alternatif » est un des trucs les plus dégueulasses qui soit arrivé à la musique au cours de ces 20 dernières années. Aucune de ces étiquettes au rabais ne rendent en effet justice à leur musique sombre, complexe et mélodique. Mais durant les années 90, le moindre groupe à guitare était inévitablement comparé à Nirvana, Soundgarden ou Sonic Youth. C'était comme ça. Et tant pis si Failure étaient des brutes de studio ou si leurs paroles comptaient parmi les meilleures de toute la scène indé américaine. Après seulement trois albums, Failure a fini par se séparer – principalement à cause de gros soucis avec la drogue – et a laissé un vide considérable qu'aucun autre groupa n'a jamais réussi à combler, même si certains -comme Cave In-s'y s'ont essayé. Après des années d'errance et de désintoxication, les membres de Failure se sont reformés pour un concert-événement au El Rey Theater de Los Angeles, et préparent désormais une tournée américaine. J'ai rencontré Ken Andrews, guitariste et chanteur de Failure, avec qui j'ai discuté de sa relation avec Greg Edwards, de la séparation du groupe, et de leurs plans pour l'avenir.

Publicité

Noisey : Ça te fait quoi de voir les gens s'intéresser de nouveau à Failure, 20 ans après la séparation du groupe ?
Ken Andrews : Je suis extrêmement étonné. Voir un groupe séparé depuis si longtemps susciter autant d'intérêt, ça me surprend. Il n’y a aucun moyen de dire ce qu’il va se passer maintenant, après ce concert de reformation au El Rey Theater à Los Angeles, qui a été complet en un rien de temps. Ça n’était jamais arrivé quand on était ensemble dans les années 90. Je veux dire, on s’en sortait bien, mais à l’époque on ne vendait pas toutes les places de nos concerts en deux minutes.

Le concert a été sold out en deux minutes ??
Ouais. C’était bizarre. J’étais curieux de savoir à quoi allait ressembler le public. Je n’arrêtais pas de me demander quel genre de personnes on allait voir. J’ai halluciné quand je suis monté sur scène et que j’ai vu que tous les gens aux premiers rangs avaient la vingtaine.

J’avais huit ans quand vous vous êtes séparés et pourtant, je suis là à t’interviewer. Qu’est-ce que ça te fait ?
Ça fait un moment que je me sens vieux, maintenant. Et ce genre de chose n'arrange rien, mais c’est assez cool dans un sens, parce que j’ai l’impression que les gens comprennent peut-être enfin ce qu’on essayait de faire dans les années 90. Pas mal de gens disent qu’on était bons, qu’on avait ce petit quelque chose de particulier et qu’on avait un paquet de fans, mais ça n’a jamais vraiment pris avant… maintenant. Je veux dire, au concert du El Rey, j’ai demandé à la foule combien d’entre eux ne nous avait jamais vu à l’époque et je pense que moins d’un quart du public a levé sa main. Je ne sais pas si c’est le cas dans tous le pays, mais c’est plutôt cool que ça ait évolué dans ce sens.

Publicité

Failure en 1997

Pourquoi penses-tu que les gens s’intéressent plus à vous aujourd'hui qu’il y a 20 ans ?
Je ne sais pas. Pas mal de gens sont venus nous trouver au cours des dernières années en nous disant « Si vous reformez Failure les gars, ça sera énorme ». Nous on était là, « Pourquoi tu crois ça ? » Personne ne pouvait nous donner de réponse, c’était juste un truc qu’ils sentaient. Il y a aussi le fait que Greg et moi avons recommencé à trainer ensemble. C’est comme ça que ça s’est fait, en gros. Parce qu’on discutait et qu'on a pensé qu’il serait intéressant de voir quel intérêt les gens avaient pour la musique qu’on faisait dans les années 90 avec Failure.

Tu as l’impression que Failure a été mal compris à l’époque, en étant par exemple rangé à tort avec certains groupes grunge ?
On faisait quelque chose que les gens avaient du mal à cataloguer, c’est pour ça qu’ils nous mettaient dans la catégorie grunge. Ils savaient que ça ne collait pas, mais ils ne trouvaient pas vraiment autre chose à l’époque. J’ai l’impression qu’ils avaient besoin d’un terme pour décrire ce qu’on faisait, et c’est comme ça qu'on s'est retrouvés avec ce truc de « space rock ». À l'époque, ça ne voulait rien dire pour nous. Ce n’est que bien plus tard que certains de mes stagiaires ont commencé à venir me voir en disant, « Vous savez, ils y a un tas de nouveaux groupes de space rock qui sont à fond dans Failure », et moi j’étais là, « C’est quoi le space rock ? », et ces gamins me répondaient en se marrant « mais c’est vous le space rock ! »

Publicité

Fantastic Planet, votre dernier disque sorti en 1996, a bénéficié de très peu de promotion. C'est dû à quoi ?
L’enregistrement a été assez inhabituel, dans le sens qu’on n’avait rien écrit avant d’aller en studio. On l’avait fait pour l’album précédent – on avait fait des démos tellement abouties qu'au moment d'enregistrer, on a eu l'impression d'être en pilotage automatique. Du coup, on a décidé de faire de Fantastic Planet un vrai terrain d’expérimentation. On était enfin à l’aise avec ce qu’on faisait. On avait appris à utiliser un studio et on savait comment le maîtriser. Et c’était génial, ça a très bien fonctionné, on était productifs, acharnés.

J’ai vraiment l’impression qu’on n'a vécu que pour cet album pendant six mois. On était hyper contents à l'arrivée, parce qu’on avait fait quelque chose dont on était fiers. Après que l’album ait été masterisé et prêt à sortir, il a fallu s’occuper de tout l’aspect business. On a voulu sortir l’album sur Slash, comme les précédents, mais le label était en train d'être racheté. Et un label dans cette situation cherche évidemment à sortir le moins de choses possible. Ça a pris genre, un an et demi pour que Warner Bros. rachète Slash, et qu'ils sortent finalement Fantastic Planet.

Qu’est-ce que ça fait d’avoir un album en suspens comme ça, pendant si longtemps ? Qu’est-ce qui te passait par la tête à ce moment-là ?
La drogue a commencé à prendre une place importante dans le groupe. Il y avait déjà des problèmes avant ça, mais ils se sont vraiment amplifiés durant les mois qui ont précédé la sortie de ce disque. Parce que quand tu t’investis tout entier dans quelque chose comme ça, et que ça se retrouve ensuite dans cette espèce de trou noir, ça détruit ton âme, d'une certaine façon. Je ne sais pas comment l’expliquer autrement. Personne n'avait écouté ce disque, c’était dingue. Et plus frustrant encore, les quelques personnes qui l’avaient écouté chez Warner Brothers avaient complètement paniqué.

Publicité

Concert de reformation de Failure. Photo - Priscilla Chavez

En quoi le fait de produire vous-mêmes le deuxième et le troisième album de Failure a influencé la trajectoire et le son du groupe ?
C’est inestimable. Tu ne peux même pas l’imaginer. Une partie de ce qui nous liait, Greg et moi, c’était cette passion pour les techniques de production, cette idée que le studio est un instrument à part entière. Je pense que si Fantastic Planet sonne comme ça, c’est en partie parce qu’on l’a auto-produit. Il n’y avait personne pour nous dire : « Hé, je pense que ce n’est pas une bonne idée de mettre cette caisse claire dans les toilettes et de la faire passer par ampli de guitare. »

Vous avez vraiment fait ça ?
Ouais ! On cherchait juste à obtenir un son différent. Il y avait deux salles de bain dans cette maison, qu’on avait bourrées de micros. Il y a beaucoup de sons de chiotte sur cet album, en fait.

On dit que le groupe ne s’est pas séparé en bons termes. Tu peux m’expliquer pourquoi vous avez arrêté Failure ?
À cause de la drogue, très simplement. En gros, Greg était arrivé au point où il ne pouvait juste plus fonctionner comme un membre du groupe. C’est pour ça que ça a semblé un peu brutal, ça n’avait pas été anticipé, c’est juste arrivé. Je veux dire par là qu’on se battait tous à un certain niveau, mais lui était arrivé à un point où on ne savait pas s’il allait pouvoir s’en sortir. C’est vraiment génial qu’il y soit arrivé.

Publicité

Comment la consommation de drogues a-t-elle influencé votre musique ?
Les paroles étaient plus biographiques pour Greg, et ça ajoutait quelque chose de puissant. J’avais pourtant l’impression que ce n’était pas juste dû aux drogues, mais que ça avait une signification à un niveau plus, je ne sais pas… Un niveau plus métaphysique, tu vois ? Je ne suis pas sûr que ça soit le mot correct. Mais la musique touchait les gens. C’est pour ça que j’avais l’impression que c’était bien plus que des chansons introspectives.

Est-ce que tu as l’impression que les gens attendent beaucoup de vous et de cette tournée, après toutes ces années ?
Si les gens ont nos disques depuis longtemps, il y a de fortes chances qu’il les connaissent plutôt bien. Je ne pense pas qu’on ait nécessairement besoin de les jouer à la perfection, mais plutôt de capturer la spontanéité, l'énergie de ces albums. Mais j’ai un bon pressentiment. C’est intéressant parce qu'on est restés musiciens après Failure. Donc, en termes de technique et d’expérience, on est clairement meilleurs qu’avant. On sait un peu mieux comment obtenir ce qu’on veut en live. Ce qui nous semblait difficile à jouer avant, aujourd'hui, on le maîtrise.

Ne trouves-tu pas bizarre de jouer pour un public nettement plus concerné qu’à l'époque ? Tu me disais que la plupart des fans ne comprenaient pas ce que faisait Failure dans les années 90.
C’était déjà bizarre au concert de reformation, mec. C’était dingue. Toute la salle connaissait les paroles par cœur. Je veux dire, ce n’était pas le cas dans les années 90. C’était juste surréaliste.

Ça faisait quoi de jouer ces chansons, après toutes ces années ? Tu arivais à te souvenir de tout ?
Parfois, c’était tellement facile que c’en était bizarre. C’est comme s’il n’avait fallu qu’une ou deux minutes par morceau et puis tout revenait d’un coup. Quelques fois, quelqu’un me parlait d’un titre en particulier, et j’arrivais à peine à m’en souvenir, à me rappeler comment il sonnait. Et puis quand on a recommencé à le jouer, mes mains allaient directement à la bonne note. Je n’y pensais même pas, mes mains le faisaient toutes seules, c’était vraiment étrange.

Qu’est-ce qui a changé dans vos vies ?
On est clean, pour la plupart. Et je pense que Greg et moi sommes à nouveau prêts pour refaire de la musique ensemble. On a fait quelques trucs en studio. Et ça sonnait vraiment comme du Failure, sans qu’on ait besoin de se forcer ou quoi. C’est comme si on était à nouveau aux débuts du groupe. On a en quelque sorte redécouvert notre amitié et la musique que l’on faisait avant. On sait comment travailler ensemble, et je pense qu'on va faire un quatrième album.

C’est génial !
Ouais, on travaille dessus.

À quel point tous les changements intervenus dans vos vies d’adultes vont influencer ce disque ?
Je ne sais pas, mais ils vont définitivement l'influencer, c'est certain. Quand tu es artiste, il y a cette peur que tu puisses perdre un jour l’étincelle qui a fait de tout ça un truc unique et vraiment cool. C’est ça qu’on essaye d’accomplir, passer à une nouvelle étape de notre parcours. C’est assez intéressant. On est juste au début pour l’instant, donc c’est dur de dire dans quelle direction ça va partir. Je pense que ce sera aussi ambitieux que Fantastic Planet, mais dans un genre un peu différent.