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Enslaved ne seront jamais là où vous les attendez

Ils ont réussi à s'imposer dans la scène black norvégienne sans mettre le feu ailleurs que sur scène et s'apprêtent à sortir un album qui, comme d'habitude, ne ressemble à aucun des précédents.

Ivar Bjørnson n'avait que 13 ans quand il a fondé Enslaved avec Grutle Kjellson, en 1991. Mais plus que son jeune âge et le fait qu'il tienne la barre d'un des plus grands groupes de la scène norvégienne depuis près de 25 ans, c'est surtout son évolution et son absence totale de compromis qui impressionnent. Tout au long de sa spectaculaire discographie (12 albums, sans compter les splits-LP avec Emperor et Satyricon), Enslaved n'a en effet eu de cesse de se réinventer - c'est même est devenu une de leurs principales caractéristiques. Il s'agit également du seul groupe issu de la scène black metal norvégienne du début des années 90 à n'avoir trempé dans aucune affaire de meurtre ni fait divers sordide, ce qui n'est pas un mince exploit. Ivar n'a toujours eu qu'une préoccupation : faire la meilleure musique possible. Et il n'a jamais dévié de cet objectif. Ce qui explique pourquoi Enslaved dispose aujourd'hui d'une réputation sans faille, d'une horde de fans dévoués et même d'une poignée de Grammy Norvégiens.

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In Times, le 13ème album d'Enslaved, sortira le 6 mars prochain sur Nuclear Blast. On vous en présente aujourd'hui le premier extrait, « Thurisaz Dreaming ». On en a profité pour rencontrer Ivar et lui poser quelques questions sur la passé, le présent et le futur du groupe.

Noisey : Vous avez eu un parcours assez impressionnant. Quel regard portes-tu sur ces 24 ans avec Enslaved ?
Ivar Bjørnson : Ça a été un long et étrange voyage. Je ne sais pas à quel stade de ce voyage on en est aujourd'hui, mais j'ai toujours cette impression qu'on commence à peine. Surtout qu'en ce moment, on revient pas mal aux émotions et aux sentiments qui nous guidaient à nos débuts, ce qui nous motive énormément et nous rend plus que jamais heureux de faire partie de ce groupe. Notre objectif est toujours le même qu'à l'époque où on répétait dans des sous-sols dégueulasses - on répète d'ailleurs toujours dans des sous-sols dégueulasses ! Faire une musique qu'on aime et qui nous ressemble. Le faire le mieux possible. Et emmener cette musique le plus loin possible. Et c'est exactement ce qu'on a fait et ce qu'on continue à faire. Pour nous, le succès est quelque chose de purement personnel. Les prix ou le nombre de ventes ne veulent rien dire. Le vrai succès, c'est d'être satisfait de ton travail. Si tu gardes ça en tête, tout ira bien. Si tu décides de ne mesurer ton succès ou la valeur de ton travail qu'en fonction de ce qu'il se passe à l'extérieur, aux nombres de gens qui viennent te voir en concert, à ce qu'on raconte sur toi, tu t'exposes à de graves problèmes. Tu peux vite devenir complètement blasé ou déprimé.

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Le fait qu'Enslaved n'ait jamais cessé d'évoluer a beaucoup joué dans votre réputation et votre longévité. Vous avez été capables de vous réinventer totalement au fil des ans, sans pour autant perdre votre identité.
C'est ce qu'il y a de plus difficile. Suivre ton instinct, tes envies, tout en gardant à l'esprit ce que tu as déjà fait, en ayant en tête une image globale du groupe. Je suis d'ailleurs persuadé que plus te te laisses aller et plus tu renforces ton identité. Il ne faut pas se poser trop de questions. C'est quand tu commences à te prendre la tête et à trop réfléchir, trop calculer, que tu te perds. Si on avait vraiment voulu changer notre son, on aurait joué sur d'autres instruments. Le défi, dans ce cas précis, c'est justement de changer de son, d'évoluer, tout en gardant le même dispositif, les mêmes personnes et les mêmes instruments, et de le faire de la manière la plus naturelle possible.

Tu avais 13 ans quand tu as formé Enslaved. Vu qu'ils parlent principalement de mort, ça peut être intéressant de voir comment vieillissent les gens du metal extrême.
Complètement. C'est un sujet qui est très largement abordé dans nos morceaux, en tout cas bien plus que chez des groupes qui ont, paradoxalement, une image bien plus macabre que la notre. J'imagine que ça vient justement du fait qu'on a formé ce groupe aussi jeunes et qu'on est peut-être passés à côté de certaines phases de l'adolescence. Il y a aussi quelque chose de très urgent dans la musique. Je ne parle pas de vitesse ou de précipitation. Mais je crois que, quand tu fais de la musique, tu disposes d'un temps et d'un espace restreint. Et c'est pourquoi tu dois en profiter au maximum.

Comme vous avez fondé le groupe très jeunes, vous avez été complètement épargnés par tous les évènements qui se sont passés autour de la scène black metal norvégienne de l'époque.
Pourtant, je peux t'assurer que c'était tentant d'y participer… Ça semblait échapper à tout contrôle. Il y avait des personnages charismatiques, beaucoup de drames, de tension. Un cocktail dangereux quand tu es jeune, un peu tendu, et que tu vis dans un coin un peu paumé. Après, bien sûr, il y avait le Satanisme. C'est comme s'il n'y avait pas d'issue. Je ne sais pas à quoi ça tenait, peut être le fait qu'on venait tous de coins assez reculés, mais on avait l'impression que tout ça ne pouvait que très mal se finir, que c'était sans espoir. Il y avait finalement plus de mélancolie que de haine ou de colère dans la scène black metal. A part peut être pour certains. Un en particulier, qui vit en France aujourd'hui. Mais il n'a pas l'air au mieux de sa forme, il a peut être fini, lui aussi, par perdre la rage qui l'animait. Il a toujours pas mal de fans, mais j'ai l'impression que c'est le cadet de ses soucis. Les choses changent. Les gens changent. Avant, les festivals ne programmaient que des groupes a parcours sulfureux, à l'attitude provocante. Aujourd'hui, ils font appel à des groupes plus solides, plus profonds. Et on est fiers d'en faire partie.

Jonathan Dick n'a jamais brûlé d'église. Il est sur Twitter.