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Monstres marins, toasts surprise et ces tocards de D.O.A. : sur la route avec King Buzzo

À l'occasion de sa tournée en solo et en acoustique aux USA, le leader des Melvins a réalisé pour nous un petit journal de bord. En voici la quatrième et dernière partie.

Dernière escale pour la tournée américaine solo de Buzz Osborne, le leader des Melvins. Il trace cette fois à travers la côte est des États-Unis, dans le cas où vous seriez un brin largués, vous pouvez consulter la première, la deuxième et même la troisième partie de ses aventures sur la route.

PORTLAND, MAINE Quand on fait une tournée seul avec une guitare acoustique, on se rend vite compte de l’importance cruciale de la basse et de la batterie. Vous êtes seul. Sans aucune possibilité de vous cacher derrière une basse ou une batterie. Mais ça me va, je me sens de taille à relever le défi. On est arrivés à Portland aux alentours de 17 heures. J’ai fait le soundcheck et on est allés se promener sur le bord de mer avec Dave, où on a mangé une salade et des cakes au crabe sur un bateau restaurant. Il n’y avait plus de place dans la salle climatisée à l’intérieur et plus d’une heure et demie d'attente, du coup on a mangé dehors, sous un soleil de plomb.
Le Maine est un État bizarre, reculé et presque arriéré, mais c’est toujours génial d’y jouer, les fans sont toujours à fond et on y a toujours été bien reçus.
J’aime bien le Maine. On était en train de manger sur le bateau et pour je ne sais quelle raison, mon esprit s’est égaré pour déboucher sur un scénario catastrophe, dans lequel un dieu tribal de l’Atlantique surgissait des eaux et nous tuait tous.
Je voyais avec précision chaque enfant de la ville se faire avaler vivant par le monstre sous le regard désespéré de ses parents qui hurlaient, corps et âme, pour un peu de pitié de la part du monstre. Mais le monstre de l’Atlantique ne connaissait pas la compassion et les a tué un à un.
Il a ensuite rôti les parents en les suspendant à plus de mille mètres au dessus d’un feu de joie, leur assurant une lente agonie au cours de laquelle leurs yeux allaient exploser avant que chaque parcelle de leur peau ne se déchiquète sous la chaleur. La bête était évidemment ravie de la mort affreusement douloureuse qu’elle faisait subir aux adultes et après que la population ait été intégralement exterminée, elle s’est hissée sur le mont culminant de Portland pour foutre le feu à la ville et ses alentours, laissant derrière elle un paysage désolé sur des kilomètres à la ronde. Le monstre s’est ensuite assis au milieu de ce chaos pour inspirer à pleins poumons les remontées âcres des immeubles brûlants, des arbres et de la chair calcinée, satisfait de sa purification par le feu.
Cette scène se déroulait devant mes yeux avec une grande clarté lorsque la serveuse a interrompu ma transe pour me proposer de me resservir du thé glacé sans sucre. Je suis reparti seul vers la salle et j'y ai donné un très bon concert. J’aime joué à Portland et j’ai eu l’impression d’avoir vraiment bien joué ce soir là. Il pleuvait des cordes quand on est sortis. On a pris la route dans un silence uniquement troublé par les va-et-vient des essuies-glaces et le bruit de la route humide.

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Aucun concert n’était prévu le jour suivant.

Notre journée a commencé avec un restaurant étrange, dans lequel on a fini par prendre notre petit-déjeuner trois jours de suite. J’ai mangé la même omelette végétarienne tous les matins, avec des toasts « surprise ». Quand on commande des toasts surprise, on laisse à la serveuse le choix du toast qu’elle nous servira, j’adore ça.
Un matin, j’ai eu un english muffin.
Notre concert était prévu au Brick House, à Dover, on a fait les soundchecks, dîné et maté un match de baseball jusqu’à l’ouverture des portes.
Le concert était dingue, avec plein de fans rednecks qui hurlaient, entassés aux premiers rangs.
En arrivant sur scène, j’ai eu l’impression d’être une sorte de David Bowie rongé par la lèpre. Les fans étaient bruyants et ne se m'ont pas laissé une minute de répit durant tout le concert. Le jour suivant, j’ai joué à Boston dans un club que je ne connaissais pas, et le concert était totalement différent de celui de la veille à Dover. Les fans étaient très respectueux et m’écoutaient, plutôt que d’hurler en permanence comme des imbéciles pleins de crack. Merci Boston ! Marrant comment la réalité semble avoir totalement disparu dans les trous perdus, pour être remplacée par les cris et la barbarie, alors que les citadins, eux, restent calmes, alors qu'ils subissent l'horreur absolue au quotidien. La conscience sociale des citadins n’a aujourd’hui plus rien de rationnel. Les plus opportunistes n’ont aucun souci avec ces atrocités et en profitent même pour tirer leur épingle du jeu et booster leurs carrières. Ils ont l’impression d’être différents des autres qui s’indignent en permanence contre les millions détenus par les banques et préfèrent vivre dans des communautés fermées et loin de tout. Ils estiment sans doute qu'on est tous égaux, certains plus que les autres. A Pawtucket j’ai joué la seule et unique date de ma tournée en tant que première partie, pour Dinosaur Jr, et ça m’a convaincu de ne plus jamais retenter l’expérience dans le futur.
J’adore Dinosaur Jr, et j’adore tout autant chaque membre du groupe, c’est juste que je ne préfère pas jouer de guitare acoustique devant le public d’un autre groupe. Les gens présents s’en foutaient royalement et ont été bruyants durant toute ma prestation. Bref, c’était une perte de temps, mais ce n’est certainement pas la faute du groupe, qui a en plus donné un concert génial ! Je préfèrerais largement jouer devant le public de Jay ou de Lou quand ils donnent des concerts acoustiques. J’en aurai peut-être l’occasion un jour. Après le concert, un fan de Donisaur Jr m’a dit que je devrais peut-être reprendre des morceaux de Jim Morrisson plutôt que de chanter mes propres compositions, parce j’avais hérité des «mêmes cordes vocales que Jim Morrisson ». C’était réconfortant. Je n’ai jamais foutu les pieds à Hamden dans le Connecticut mais ce soir-là, je devais y donner un concert. J’aimerais vraiment y retourner un jour, le concert était excellent !

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NEW YORK, NY

En arrivant à Manhattan, j’étais animé par des envies de violence et de velours mais elles se sont rapidement envolées alors qu’on subissait des kilomètres et des kilomètres d’embouteillage, pour retrouver notre hôtel à Jersey.
On ne dort jamais à Manhattan, pour une raison assez évidente. Les chambres d’hôtel là-bas sont les plus chères du pays et ils te demandent 60$ par nuit pour garer ta bagnole dans leur putain de parking, donc tu t'en tires minimum pour 400 dollars par nuit, en tout. Qu’ils aillent bien se faire foutre. On s’en est hyper bien tirés cette nuit-là à la Santos Party House : on a pu se garer juste en face du club. Aujourd’hui, Manhattan n’est pas qu’une ville où les logements coûtent une fortune, c’est aussi un endroit où il est virtuellement impossible de se garer. Ça me surprend toujours que ces empaffés de new-yorkais ne se rendent pas compte que si les loyers sont si élevés c’est à cause du système pyramidal de contrôle des loyers. À part les rois du pétrole, personne ne peut décemment se plier à de telles restrictions pour acheter ou louer un appartement. Il n’y a aucun avantage à faire ça et aucun revenu à en tirer, donc personne ne le fait. L’histoire l’a prouvé, les pénuries ont toujours été précédées par des contrôles de prix. Le concert à Santos était très agréable et le public y a été très réceptif. C’était vraiment cool.
Malgré mes opinions sur New York, les concerts que j’ai pu y donner étaient presque toujours excellents. Enfin presque, car je détestais jouer au CBGB. Je me fous de ce que les gens en pensent : cet endroit était un putain de trou à rats. Un des pires clubs que j’ai pu connaître. C’est une hérésie ok, mais je déteste cet endroit. Ils nous traitaient comme de la merde, la salle était encore plus dégueulasse que n’importe quel bordel de Tijuana et leur sono s’était emballée au point claque toutes les dix minutes alors qu’on donnait un concert sold-out. On était prêts à jouer au Madison Square Garden, pas dans ce gourbi pourri. Depuis, je n’y ai jamais remis les pieds.
Honnêtement, j’aurai adoré raser le CBGB à grands coups de bulldozer au moment où ils ont décidé de le fermer ou même AVANT. Ha !
Bon débarras ! La nuit suivante j’ai joué dans un club de Brooklyn appelé The Wick and the Well, une bâtisse toute déglinguée qui a vraiment été bombardée, pour le coup.
En arrivant, j’ai pu remarquer que des rallonges couraient dans toute la salle et que les murs semblaient être revêtus d’une bonne couche de poussière d’amiante.
Je suppose que l’endroit est sur le point d’être rénové, du moins j’espère.
Il y avait une absence totale d’isolation et de climatisation dans la salle.
Parfait.
Il faisait VRAIMENT très chaud pendant le concert.
Un fan est monté sur scène, j’ai pu en profiter pour regarder l’amiante qui dégringolait des murs.
Isoler la pièce et y installer la clim ou le chauffage coûtera des dizaines de milliers de dollars, et croyez-moi c’est pas prêt d’arriver, donc les fans pourront y cramer tout l’été et se geler le cul l’hiver.
C’est comme du camping, en somme.
Mis à part ça, le concert a tout défoncé et les gens étaient vraiment cool.
Sur le mur près des portes, ils venaient de planter un clou pour y accrocher leur licence de bar. Le soir suivant à Philadelphia, je me suis pris la tête avec un fan.
J’étais en train de parler de ma relation de longue date avec Mike Patton et il n’a pas arrêté de hurler « ta gueule et joue ! »
Il n’avait pas tort, mais il n’avait pas besoin d’être aussi grossier.
J’ai fait durer le plaisir, et j’ai continué à raconter mon histoire pour mieux les faire attendre.
Les gens n’apprendront-ils jamais de leurs erreurs ? BALTIMORE, MARYLAND Nous étions dans la ville de John Waters, pour un concert prévu au Ottobar. On y a joué tellement souvent et on en garde plein d’excellents souvenirs, je ne vois même pas pourquoi j’essayerais un autre club de Baltimore.
Baltimore est une ville étrange, comme si elle était sur le point d’imploser, de prendre feu, de s’effondrer ou d’être le théâtre d’atroces émeutes raciales.

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Dave et moi avons mangé dans un restaurant très sympa, dans la rue du bar. La serveuse était revêche et nous a dit qu’on s’était pointé trop tôt et que, par conséquent, tous les plats n’étaient pas encore prêts.

En quittant notre table, elle a fait tomber son bloc-notes et quand elle s’est baissée, j’ai pu remarquer quand son pantalon était fendu sur toute la raie du cul….
Et qu’elle ne portait pas de culotte…
J’ai préféré regarder le soleil. CHARLOTTESVILLE, VIRGINIE Le paysage sur la route jusque Charlottesville était plutôt cool, on a roulé sur une autoroute entourée de beaux arbres et de fossés profonds, bourrés de détritus.
La salle était en sous-sol. C’était bizarre, on se sentait presque chez nous.
Un des amis de Dave est venu au concert sur sa moto depuis Richmond.
Puisqu’il avait dans l’idée de se mettre une grosse biture, il avait loué une chambre dans le même hôtel que nous, il nous a suivi après le concert transperçant la pluie diluvienne. Il est arrivé à l’hôtel trempé jusqu'aux os.
Je le regardais dans le rétroviseur, craignant qu’il ne se prenne encore plus de flotte par l’arrière du van. CHARLOTTE, CAROLINE DU NORD J’ai joué pendant plus de vingt ans au Cats Cradle et je suis toujours hyper content d’y retourner. Ils font vraiment du bon boulot avec cette salle, nos passages par la Caroline du Nord sont toujours agréable et il n’y a jamais aucun problème.
Je jouais ce soir-là dans leur nouveau club, avec une salle un peu plus petite, c’était vraiment fun. Ils ont rénové toute la salle, qui avant ça était certainement un vieil entrepôt désaffecté, et en ont fait un endroit très cool.
Pendant l’une des pauses de mon set, j’ai parlé de Jesus. Je repensais à une citation du Marquis de Sade je crois, il disait que les hommes ne pouvaient savoir ce à quoi s’attendre vu ce que Dieu avait fait subir à son propre fils. On a pris toute une journée pour rejoindre Atlanta, on y est arrivé en début de soirée.
J’ai dîné avec Brian et on a discuté de plein de sujets différents.
Ce type est un artiste incroyable avec un sens de l’humour exceptionnel, qui n’a rien à voir avec les artistes d’aujourd’hui.
J’avais pigé ce trait de caractère chez lui dès que j’ai vu ses illustrations, basées sur les Mad Magazine des années 70. C’était il y a plus de 30 ans maintenant, mais je l’avais déjà cerné.
Beaucoup de gens tendent à oublier que Brian est un artiste de talent, en particulier les imbéciles avec lesquels il a joué dans des groupes. Ils se sont trompés sur son cas. Le concert a Atlanta avait lieu dans un bunker souterrain, un bon paquet de gens s’étaient pointés. Ils étaient beaucoup trop bruyants à mon goût. Mais je suis toujours content de jouer devant un public.
Même si c’était un peu énervant, c’était largement mieux que notre premier concert à Atlanta il y a 28 ans, en première partie de RKL et de DOA. Deux des types de RKL sont morts aujourd’hui après avoir trop consommé de drogues et les mecs de DOA n’étaient ni plus ni moins que des tocards.
J’ai toujours détesté ces types.
Je m’étais déjà pris la tête à de nombreuses reprises avec DOA avant ce concert fatidique, mais jamais autant. Déjà à ce moment-là, je ne pouvais pas supporter leurs opinions pseudo-politiques, qui n’étaient ni plus ni moins que des foutaises semi-cosaques qui se limitaient à des conneries d’adolescents pacifiques et des morceaux à propos de partager l’argent, mais jamais le leur bien sûr.
D'ailleurs, j'en ai une bonne à ce sujet. À cette époque, ils cherchaient à obtenir du soutien pour des pauvres types, « les Vancouver Five » qui étaient en prison pour avoir foutu le feu à des sex-shops.
Bien lourd…

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Enfin, on a fait le concert et à la fin de la soirée DOA, qui étaient en charge de la caisse, nous ont tendu 25$ à partager entre nous et RKL.

12,50$ chacun. Parfait.
Putain encore aujourd’hui, ça me fout les boules.
On était à des milliers de kilomètres de chez nous, fauchés et condamnés à rester dans notre vieux van Dodge de 1972 qui était plus une passoire qu’autre chose.
Je n’avais qu’une seule envie : foutre le feu à ces incapables.

BIRMINGHAM, ALABAMA J’ai joué au Bottle Tree, une salle dans laquelle j’ai déjà joué plusieurs fois. Le club est bourrés d’affiches ironiques, de pubs et de posters marrants, ce qui est bien plus déconneur que les intérieurs noirs habituels des clubs.
Les rednecks ont hurlé pendant tout le concert. Le jour suivant, en route pour la Nouvelle-Orléans, on était tous hyper étonnés par le temps qu’il faisait, pas du tout typique du sud. Il a fallu attendre la Louisiane pour enfin avoir la météo normale de tout bon été dans le sud des États-Unis. Et aucun de nous ne s’en plaindra.
J’avais prévu de passer l’été sur la route et de suer comme un porc 7 semaines d’affilé mais ce n’est pas du tout ce qui s’est passé et on était juste bien. Apparemment c’est à cause du Vortex polaire.
Normalement en juillet tout le pays subit une vague de chaleur et un temps très humide et épuisant. Heureusement, le Vortex polaire a gardé cet air chaud et ne l’a pas laissé se déverser dans le milieu du pays.
Étrange. Ensuite on a pris notre journée pour tracer vers la Nouvelle-Orléans, on est arrivés en début de soirée. Il faisait hyper chaud et j’avais conduit sur tout le trajet. On a écouté l’album Blue Valentine de Tom Waits deux fois et beaucoup de Porter Wagoner. Pendant toute la durée du trajet, j’ai essayé de gardé ma vitesse un petit peu au-delà des limites autorisées, parce que selon ma théorie aucun flic ne t’arrêtera jamais pour avoir rouler quelques kilomètres au dessus de la limitation.
Ils le font peut-être, mais j’en doute.
En fait, ils n’ont même pas à avoir une seule putain de raison pour t’arrêter. Ils les inventent pendant que tu te gares sur le bas-côté.
Arrivé à l’hôtel, je me suis enfermé dans ma chambre, mis la clim au maximum, défait ma valise, refait le lit à ma manière (la première chose que je fais quand j’arrive dans une chambre d’hôtel), fermé les volets et me suis foutu à poil pour mieux me jeter dans mon lit et écouter le bruit de la clim, une faible mélodie que tu ne peux entendre que lorsque tu es allongé et que tu te concentres vraiment dessus.
Au début ça me semblait être un son cohérent, mais en fait ce sont juste des bruits mis bout à bout. Rien de magique et rien qui nous aidera à percer le secret du rythme de l’univers.

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La télé de la chambre ressemblait à un vieux miroir retourné.
Quand je suis seul dans ma chambre comme c’est le cas ce soir, je n’allume jamais la télé. Je ne regarde jamais la télé à l’hôtel sauf si il y a un match de baseball prévu mais j’ai rarement la patience suffisante pour zapper entre les centaines de chaînes disponibles pour un pauvre match de baseball. Putain, j’ai même pas envie de penser à ça.
Je ne sais même pas ce qui passe à la télé ni les publicités qui y sont diffusées. Je ne me suis jamais vraiment intéressé à la télé depuis que j’ai quitté la maison de mes parents dans les années 80.
Il y a une quinzaine d’années avec ma femme on avait le câble, on ne l’a jamais regardé, tout simplement parce qu’on avait d’autres trucs à faire. Quand il y avait quelque chose à regarder à la télé, on prévoyait de mater ça à l’avance, donc on a vite arrêté de souscrire au câble. Je préfère dépenser cet argent dans une connexion internet plus rapide, des places de ciné ou des DVD.

Plus tard, j’ai rejoint Brian et on a dîné au restaurant de l’hôtel.

En attendant Brian dans le lobby, j’ai croisé un hippie qui avait un énorme sac de camping dans le dos, assis en tailleur à même le sol. Il était en train de bouffer des donuts avec de la gélatine à l’intérieur, en buvant une boisson marron dans une bouteille cachée dans un sac en papier. Le concert de la Nouvelle-Orléans au One Eyed Jack a tout défoncé, comme d’habitude, et on a quitté la ville à vitesse grand v pour rejoindre le Texas.
Alors qu’on traçait dans la nuit noire de Louisiane, je repensais à la Nouvelle-Orléans et à notre premier concert ici, en 1986. On nous a toujours acceptés pour jouer en Nouvelle-Orléans et j’en suis toujours hyper reconnaissant. On se revoit pour Halloween ! On a roulé dans Houston, sur des embouteillages de plusieurs kilomètres. On a vite compris pourquoi : la salle était située entre le stade de baseball Astros et un autre énorme stade de foot, qui accueillaient tous les deux un match ce soir là.
Quel foutoir…
Il y avait des supporters partout, tous habillés de manière grotesque aux couleurs de leurs équipes et on a dû se les taper pour chercher de quoi manger.
Après les soundchecks, on a essayé d’entrer dans des bars restaurants. Ils étaient tous plein à craquer de supporters imbibés qui se foutaient pas mal de squatter un bar pourri, où la bouffe était certainement dégueulasse.
Ce n’était encore pas là qu’on pourrait trouver à bouffer, et on n’avait pas le temps pour prendre la voiture.
OK…
Quand j’étais plus jeune, j’étais sportif mais j’ai vite arrêté parce que je détestais les gens qui faisaient du sport.
Ici, j’ai appris à détester également les gens qui se contentaient de mater le sport.

AUSTIN, TEXAS J’ai joué au Red Seven, heureusement ils avaient la clim parce que dehors, la chaleur était insupportable. Pas mal de gens s’étaient pointés et le concert s’est bien déroulé. J’ai dû changer de guitare durant le concert, je déteste faire ça, mais j’ai tenu bon.
Dans tous les cas, c’est toujours cool de jouer à Austin. Le jour suivant on a mangé dans ce qui était sensé être « le meilleur restaurant barbecue d’Austin ». À chaque fois que je mange dans un restaurant à Austin, c’est ce qu’on me dit, et très honnêtement, je trouve qu’ils ont tous le même goût.
Une fois que tu mets de la sauce barbecue dans ton plat, tu peux manger n’importe quoi, ça aura toujours le même goût.
C’est comme ça.
Dans ces restaurants, il n’y a que la sauce qui change, et encore, ça fait rarement la différence.
J’ai raison, et vous le savez. Plus tard à San Antonio, on a mangé dans un restaurant grec dans la rue de la salle de concert. La salle de concert semblait ne jamais avoir été nettoyée et la scène était encore plus crade. Elle était recouverte d’une couche de crasse et d’autres trucs dégueulasses. Près de la scène, du matos cassé s’amoncelait ainsi que des pots de peinture et des débris.
Bizarre.
J’ai vu des bus dans lesquels des clodos avaient élus domicile qui étaient plus propres que ça.
Ce qui me sidère c’est que cet endroit appartient à quelqu’un et qu’il le laisse dans cet état.
Il pourrait tout de même demander à ses employés de le nettoyer, mais je parie que le type n’y a jamais pensé. Ou peut-être qu’il veut laisser la salle dans cet état, que ça lui plaît de laisser un endroit aussi dégueulasse dans lequel on peut à peine circuler.
Et je n’imagine même pas l’état des toilettes.
J’ai pris mes précautions et je suis allé aux toilettes du restaurant grec, puis j’ai pissé sur le parking juste avant d’entrer dans la salle.

Le jour suivant on a tracé à travers le Texas, sur mon autoroute préférée. On est finalement arrivé à El Paso, à mi-chemin de Tucson.
Après m’être installé dans la chambre, j’ai rejoint les autres dans un restaurant mexicain qui nous avait été recommandé par le staff de l’hôtel.
J’ai commandé une salade que personne n’avait jamais commandée dans ce restaurant selon le serveur. Je n’ai pas eu le temps de lui demander pourquoi elle était restée au menu dans ce cas, mais le serveur était déjà parti, pour revenir ensuite vers une table de quatres latinos, 8 verres de double margarita sur son plateau.
J’étais soufflé, ils allaient boire 2 verres chacun !
J’ai tout de suite compris pourquoi ce restaurant n’avait encore jamais servi la salade que j’avais commandée, les gens n’ont juste pas le temps pour ça. Le concert à Tucson était prévu dans une salle très renommée, le Club Congress.
La salle a été pas mal rénovée depuis mon dernier passage ici, et je pense que c'est aujourd’hui l’une des meilleures salles de concert de la ville.
J’ai fait les sound-checks puis on a mangé un bout dans le restaurant de la salle avec Dave, c’était très bon.
Ensuite, je me suis baladé dans le hall et j’ai apporté une part de tarte au citron à Brian.
Avant de monter sur scène, je me suis installé dans le van pour écouter les morceaux de notre nouvel album, Hold it In.
Une heure et demi plus tard, j’ai joué et après le concert, j’ai remballé mes affaires. C’était le dernier concert de la tournée américaine ! On a pris la route vers l’ouest à travers le désert. Elle m’a paru très longue, encore plus longue que prévu, je me disais que je venais de jouer ma dernière date et ça me stressait un peu. Bizarre, je n’avais jamais ressenti ce genre d’anxiété pendant mes précédentes tournées.
J’avais déjà joué une fois au Pappy and Harriet’s, le concert était cool donc j’avais hâte d’y retourner.
Les gens qui y bossaient étaient très sympa.

Les villes dans le désert ont une atmosphère assez étrange. Sur l’un des murs du club, il y avait un photo encadrée du chanteur de country Gram Parsons, qui trônait comme le gosse de riches toxico qu’il était, mort bien trop jeune, au milieu d’une faune de défoncés et de dealers d’héro.
Génial…
Bon, il nous a quand même laissé toute une discographie de morceaux country à moitié finis et plutôt médiocres, que tout le monde adore mais que personne n’écoute vraiment.
C’est donc comme ça qu’on doit tous finir ? D’une overdose dans un hôtel miteux avec pour seule compagnie une paire de toxicos sans âme ?
C’est exactement ce qui est arrivé à Gram.
Putain…
Après ces toxicos infernaux ont volé sa dépouille à l’aéroport de Los Angeles, l’ont conduite au milieu du désert pour la faire cramer dans un déchèterie paumée au milieu de nulle part.
C’est déprimant, mais ça collait au personnage, je suppose.
J’ai repensé à tout ça sur le chemin de Los Angeles après le concert.
Je roulais vite à travers cette belle nuit, et plus je m’éloignais de ce désert et des mystères de corps brûlés qui l’habitaient, mieux je me sentais. La partie américaine de la tournée venait de se terminer, j’étais content de rentrer passer la semaine à la maison avec ma femme et mes chiens.
Eux au moins ne veulent pas me voir mort dans un trou perdu du désert.

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