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Music

Eilon Paz a photographié les plus incroyables collections de disques de la planète

Plus de disques que vous n'en aurez jamais, dans un livre de la taille d'un annuaire.

Toutes les photos sont de Eilon Paz. Ci-dessus, le DJ de Los Angeles Cut Chemist. Quand le photographe Eilon Paz a déménagé d'Israël pour New York en 2008, il n'avait pas pris en compte l'ampleur de la crise économique, qui allait le laisser, lui et des millions d'autres Américains, sans emploi. Nouveau en ville, au chômage, et sans rien de mieux à faire, il a commencé à traîner chez les disquaires locaux, dépensant le peu de cash qui lui restait dans des piles de vinyles. Paz a alors découvert le monde obscur des collectionneurs et des DJ's, qui passent la plupart de leur temps libre dans ces territoires désolés, à la recherche de disques capables de réveiller les morts ou de faire pleurer n'importe quel être vivant normalement constitué. Il a vite réalisé que les photos qu'il prenait de ces types et de leurs collections montraient une part de leur intimité et mettant à nu leur passion. Sur son élan, il a fait sa valise et a parcouru le monde pour documenter la vie de ces collectionneurs – avec pour objectif d'illustrer le rapport entre l'Homme et la musique. Il a ainsi photographié des vendeurs de disques en Afrique de l'Ouest et des producteurs hip-hop japonais, a rencontré tout le monde, de Gilles Peterson au Gaslamp Killer en passant par Joe Bussard -qui possède ce qui semble être la plus grosse collection de 78 tours de la planète, dans le Maryland. Le résultat de cette quête est aujourd'hui immortalisé dans le livre Dust & Grooves - Adventures in Record Collecting, un monstre de 416 pages de la taille d'un annuaire. On a passé un moment avec lui pour savoir, entre autres, ce qu'on pouvait apprendre d'une personne en consultant uniquement sa discothèque. Noisey : Comment cette aventure a commencé ?
Eilon Paz : J'étais au chômage, et je voulais faire un truc productif, j'ai donc eu l'idée de monter ce projet pour tuer le temps. Ensuite j'ai lu l'histoire de ce DJ et collectionneur de disques africains, Frank Gossner, dans le Village Voice, et ça m'a époustouflé. On s'est rencontré un peu plus tard et je lui ai dit que j'avais cette idée de photographier les collectionneurs de disques et les disquaires. Et il m'a présenté plein de gens.
Je me suis ensuite pointé au Tropicalia in Furs, le magasin que tenait ce type, Joel, qui m'a immédiatement ouvert son arrière-salle et m'a montré un tas de trucs. C'était le premier post de mon blog. Et les réaction furent instantanées : tout le monde trouvait ça super. Joe Bussard de Frederick, Maryland, et son énorme collection de 78 tours. À ton avis, pourquoi les gens ont aussi bien réagi ?
Habituellement, ces collections sont cachées. Ce sont des biens précieux – des trophées. Je n'étais même pas au courant de ça quand j'ai commencé. Je voulais juste faire de belles photos pour mon projet. Mais j'ai très vite réalisé que ça allait bien au-delà de ça. Et il y a aussi le fait que je ne photographiais pas de grands noms. Juste des gens comme toi et moi qui font un boulot de fou en collectionnant et en archivant de la musique. Ils sauvegardent notre patrimoine, en quelque sorte. Certains d'entres eux recherchent des disques très rares que tu ne reverras probablement jamais, d'autres comme Frank sortent des rééditions. Ils ont un rôle important dans la préservation de la culture mais ils agissent dans l'ombre. Pourquoi les disques suscitent beaucoup plus d'intérêt que les CDs à ton avis ?
Au-delà de l'élément nostalgique, il y a la taille de l'artwork, c'est plus concret, plus palpable. C'est cliché de le dire mais il y a aussi un truc chaud quand tu l'écoutes, avec ce craquement. Le son n'est pas parfait. Je pense que d'une certaine façon, le vinyle permet aux gens de se connecter différemment à la musique, et de la ressentir bien plus que sur un CD. On a perdu tout contact physique avec la musique, depuis le CD, et ce contact a désormais complètement disparu avec le MP3.
C'est se compliquer la vie aussi, chercher de la musique à tout prix – partir en chasse et l'acheter au lieu de la télécharger ou de l'écouter en streaming. Ça te permet d'en garder un souvenir bien plus fidèle et de l'apprécier encore plus. Mickey McGowan de San Rafael, Californie.

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C'est une expérience qui se mérite ?
Complètement, quand tu demandes aux gens quel était le premier disque qu'ils ont acheté, ils s'en souviennent. Mais demande leur s'ils se rappellent ce qu'ils ont téléchargé pour la première fois, personne ne le sait. C'était quoi ton premier disque ?
Pipes of Peace de Paul McCartney. Un truc vraiment cheesy. Tu as fait le tour du monde pour Dust & Grooves. Ca fait combien de temps que tu bosses là-dessus ?
Je travaille sur ce projet depuis 5 ans et demi maintenant. Parfois c'est intense ; parfois c'est juste un shooting par ci par là. Je n'ai aucun fonds pour ça. Tous les voyages que j'ai faits étaient liés à mon boulot ou à ma famille, qui vit en Israël. Je planifie tous mes séjours en Europe.
Les gens me demandaient toujours ce que je comptais faire avec ce projet, et moi je ne répondais rien. J'étais déjà occupé avec mon job et tout ça ne payait pas mes factures. Certains me suggéraient d'en faire un livre. Mais je n'avais pas assez confiance en moi. Quand King Britt est venu me voir, tout a changé. Philip Osey Kojo du Ghana

Tu t'es senti soutenu ?
Ouais, quand je l'ai rencontré pour notre séance photo, il m'a dit : « Écoute mec, tu dois sortir un livre. » Ça me semblait tellement simple dit comme ça. Je crois que c'est ce qui m'a poussé à le faire. Ça a été le déclic. Ensuite, je me suis demandé comment je pouvais faire, j'ai créé un Kickstarter et les gens se sont emballés autour du projet, ça a tout bouleversé. King Britt m'a fait prendre conscience que tout était possible. Combien d'argent as-tu réuni ?
Le plan était de faire un road-trip de deux mois à travers les Etats-Unis et d'enquêter sur les collectionneurs. Je voulais partager cete aventure avec les gens. J'ai demandé 27 000$ pour imprimer 500 livres. Je n'y connaissais rien à l'époque. Le livre devait avoir une couverture souple, en 8 par 8, et il s'est transformé en un monstre cartonné de 416 pages. Il a triplé de volume et est devenu bien plus approfondi et professionnel. Ça t'a pris combien de temps pour atteindre l'objectif ?
Au bout de deux semaines et demi, on avait atteint 43 000 $. C'était fou. Keb Darge de Londres Tu as visité des lieux inhabituels comme la réserve de Eddie 3 Way à la Nouvelle-Orléans. Cet endroit était incroyable.
Ouais, tu devais grimper dans un grenier à l'aide d'une échelle et plonger dans une mer de 45 tours. C'était mémorable. On pensait qu'on allait se poser après ça, mais aussitôt redescendus, on a eu un tuyau d'un pote sur un autre endroit à Holy Springs, dans le Mississipi. Ce vieux type là-bas, Mr. Caldwell, est un vrai personnage. Il tient la boutique Aikei's Pros Records et vend des clopes qu'il sort de la poche de sa chemise. On a passé la journée entière avec ce mec. Il nous a raconté des tonnes d'histoires, sur la Deuxième Guerre Mondiale, au cours de laquelle il a servi dans les Tuskegee Airmen. Il a pleuré à un moment. Il était tellement gentil. Il y avait des montagnes de disques dans son magasin, avec seulement un minuscule passage pour circuler. Quand on est allé au Ghana, on a rencontré ce type, Philip, qui n'avait pas écouté ses disques depuis 30 ans parce qu'il n'avait pas de platine. On avait un tourne-disque sur nous, on lui a prêté, et on l'a regardé réécouter ses disques pour la première fois depuis des années. Comment les gens réagissent quand tu arrives et que tu leurs demandes si tu peux les prendre en photo avec leur collection ?
Dans 99 % des cas, ça ne pose aucun problème. Je suis vraiment curieux et passionné par ce qu'ils font. Je pense que les gens le comprennent et n'hésitent pas à m'ouvrir leur univers. De temps en temps, certains se montrent plus craintifs. Parce qu'ils ont peur que quelqu'un entre chez eux pour leur piquer leurs disques ou un truc du genre. Margaret Barton de Brooklyn, New York Il y a une citation de Colleen Murphy dans ton livre : « Ma collection de disques raconte probablement mieux ma vie que je ne pourrais le faire. » Tu es d'accord avec ça ?
Bien sûr. Tu collectionnes ces trucs, ces objets musicaux qui ont un impact tellement énorme sur toi. Ça devient une sorte d'habitude mais la musique est une passion qui modifie ton existence. J'écoutais de la pop et je suis passé au metal. Qu'est ce qu'il s'est passé ? Si tu conserves tous tes disques, ils peuvent raconter ton histoire et représenter les différentes étapes de ta vie. Le premier disque de Brett Koshkin était Falco 3 de Falco, et il n'a même pas honte. Il est sur Twitter@bkoshkin