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Music

Earthless n'a pas l'intention de copier qui que ce soit

Mais si tout le monde les copie, pas de problème.

1 heure, 3 morceaux instrumentaux. Voilà, en gros, à quoi ressemble un album d'Earthless. Déluge sonique total, improvisations interminables, le trio originaire de San Diego est du genre à s'en tenir au minimum syndical quand il s'agit de faire des concessions. Ultra talentueux (et donc loin d'être chiants), ces mecs ont fait leurs classes dans des formations aussi prestigieuses que Rocket From The Crypt, Nebula ou OFF!, avant de devenir l'un des groupes de rock psychédélique les plus consistents et les plus révérés des années 2010, dont la majorité de la discographie est composée d'albums live. Au lieu de profiter de leur statut de superstars de la scène en se la jouant un max, Isaiah Mitchell, Mike Eginton et Mario Rubalcaba restent plutôt discrets, multipliant les sorties avec une promo quasi-inexistante à chaque fois - ce qui ne les empêche pas de remplir la grande salle du Roadburn Festival quand ils y jouent. J'ai essayé de leur soutirer un maximum d'informations en les rencontrant avant un concert impressionnant au Glazart. Sans mentionner une seule fois la drogue, ce qui est presque un exploit compte tenu du fait que sur leur stand merch, des T-shirts aux planches de skate en passant par les refroidisseurs de canettes de bière, absolument tout crie « LSD » .

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Noisey : J'ai entendu dire que vous aviez formé Earthless avec l'intention d'être un groupe de Krautrock. Vous étiez partis pour faire des motorik beats en boucle ou plutôt des trucs expérimentaux à la Parson Sound ?
Mike Eginton : Je crois qu'on avait plus Amon Duul II et Ash Ra Tempel à l'esprit. On voulait explorer le côté psychédélique de cette musique, plutôt que le côté motorik et noise. Enfin, on ne s'est pas non plus dit qu'on allait être un groupe de krautrock pur et dur.
Mario Rubalcaba : On aimait beaucoup Guru Guru aussi.

Je vous ai vus citer des groupes comme Groundhogs et Blue Cheer comme influences aussi - mais jamais de groupes « Space Rock » à proprement parler. Pourtant, c'est un terme qui est souvent utilisé pour décrire votre musique. C'est un délire qui est venu plus tard dans votre vie ?
Mike : Pas nécessairement. J'écoutais Hawkind depuis pas mal d'années avant de former ce groupe.
Mario : J'ai grandi avec du rock classique, eux avec du heavy metal. Mais d'une manière générale, ce qui nous a poussé à faire de la musique, comme beaucoup de mecs à cette époque, c'est le punk et le hardcore.

Il y a un gros revival de ce que les gens appellent « Stoner Rock » ces dernières années. C'est devenu un marché autant qu'une scène. C'est un truc dans lequel vous vous sentez à l'aise ? Ou que vous rejetez ?
On ne la rejette pas. Ça ne veut pas dire non plus qu'on veut être absolument classé dans la même catégorie que ces groupes « Stoner » ou « Doom » . Mais il y a vachement plus de groupes comme ça aujourd'hui, c'est sûr. C'était pas la même histoire il y a 10 ans, je peux te dire.

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Vous pensez que c'est juste une mode ? Un truc qui va disparaître bientôt ?
Mike : J'ai l'impression que ça va, ça vient… C'est un cycle de plusieurs années. Certains groupes réussissent à traverser les différentes vagues. Mais à chaque fois que le genre perd en popularité, il y a toujours des groupes qui subsistent et continuent à jouer.
Mario : Par exemple, quand tu regardes la période où tout le monde était à fond sur Nebula et Fu Manchu, tous ces riffs rentre-dedans, beaucoup de mecs ont copié ça. Et après ça, les gens ont préféré copier Sleep et Electric Wizard. Ces temps-ci, le truc qui marche, c'est les jam bands… Qui sait combien de temps ça va durer ?

Du coup, certains de ces groupes, comme Harsh Toke, vénèrent Earthless autant qu'un groupe des années 70. Être une influence pour les autres, c'est un truc que vous recherchiez quand vous avez commencé à jouer de la musique ? Quelque chose qui vous lie aux artistes que vous écoutiez quand vous étiez plus jeunes ?
Mike : Je pense que c'est plus un compliment qu'autre chose. On veut pas accomplir quoi que ce soit, juste profiter et jouer de la musique. On met 5 ans à sortir un album, on est clairement pas le meilleur modèle à suivre.
Mario : C'est vrai qu'on a entendu quelques groupes dont la musique semble un peu inspirée de la nôtre. Le truc, c'est que beaucoup de ces mecs sont nos potes. Gabe, le guitariste de Harsh Toke, arrêtait pas de nous dire : « Ouais, on venait tout le temps vous voir jouer à vos débuts ! » . Ils viennent du même coin que nous, le nord de San Diego. Je trouve ça génial. Quand j'étais gosse, je ne voulais pas copier trait pour trait les groupes que j'aimais. Surtout pas. Juste m'en inspirer un peu. C'est assez normal, quand tu admires quelqu'un. Et si des groupes plus récents pensent la même chose de nous, c'est cool.

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Vous avez tous fait du skate, non ? Mario a été pro, si je ne me trompe pas.
Isaiah Mitchell : Disons que j'avais toujours un ou deux skates qui traînaient chez moi. J'aimais descendre des rues à fond, aller super vite, traverser les carrefours au milieu des voitures…
Mario : Isaiah m'a ramené chez moi un jour où je me suis pété la cheville !

Ça vous a apporté quelque chose en particulier, de skater ?
Oh, mec. Ça a fait de moi ce que je suis aujourd'hui. Ça m'a permis de découvrir le monde. C'est un peu pareil que la musique : c'est un style de vie. Faire ce que tu veux, quand tu veux. Partir en tournée. Le pied.

Tu as eu des parts dans des vidéos ?
Ouais, mais c'était il y a super longtemps. Ça doit être introuvable, même sur Internet.

T'as pu skater avec Tony Alva ? Il te sponsorisait, non ?
Ouais ! C'était mon boss. On a skaté ensemble plusieurs fois, c'était mortel.

Respect. On a parlé des touches hard rock et krautrock dans votre musique. Vous écoutez quoi d'autre ?
Isaiah : Perso, j'adore la country et le bluegrass. Je crois que ça s'entend dans ce que je joue, parfois.
Mario : On apporte tous un truc particulier au son du groupe. Quand Mike et moi on s'est rencontrés, et qu'on a commencé à jammer, on était à fond dans le garage australien…

Du genre ? The Scientists ?
Ouais ! Plus des trucs des années 60, du proto-punk, et du jazz, évidemment. Mais il y a des classiques absolus dont j'avais jamais entendu parler pendant très longtemps. Dave Mason de Traffic, par exemple.

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Vous continuez à découvrir des choses ?
Isaiah : Carrément. Il y a tellement de trucs à écouter…

Vous avez aussi bossé avec J.Mascis récemment, pour un album plutôt heavy. Vous vous voyez enregistrer des trucs plus… indie rock 90's avec lui ?
Nan, je pense pas. Mais c'est vrai qu'il peut jouer à un volume indécent quand il veut. Il aime faire du bruit. À vrai dire, de tous les guitaristes que je connais, c'est l'un de ceux qui jouent le plus fort.
Mario : La plupart des gens seraient surpris par ce qu'il écoute. Des trucs pas du tout indie ou quoi. Il est méga fan de Humble Pie et Rory Gallagher.

Sinon, vu que votre musique est principalement improvisée, j'imagine que vous avez des jours avec et des jours sans. Vous avez pas envie de faire une pause des fois ?
Je trouve pas que notre musique soit si improvisée que ça. Il y a beaucoup d'espace entre chaque structure, c'est vrai. Mais c'est dans cet espace que notre alchimie agit. Avoir une structure de base, un beat, est nécessaire. Mais la liberté de sortir un peu de la mélodie, puis d'y revenir, c'est ce qui fait notre musique.
Mike : C'est là que l'influence du jazz entre en jeu. Ça nous permet de faire des solos de guitare, de basse ou de batterie sans trop de soucis.

C'est pas trop la roue pour enregistrer vos morceaux super-longs sur bandes ?
Sur le dernier album, on a dû enregistrer un morceau en digital, From The Ages. On pensait qu'il allait durer 40 minutes, et on voulait pas être obligés de couper la bande pour le terminer. Mais en fait, une fois fini, il faisait 31 minutes. On aurait pu l'enregistrer en analogique ! Au moins, on a pu rajouter des trucs - c'est ce qu'on voulait faire au début, sur la version studio. C'est un vieux morceau en fait, on l'avait joué au Roadburn pour la première fois.

Vous faites beaucoup d'overdubs ?
Isaiah : Généralement, on aime garder les choses assez crûes. Mais c'est pas mal de profiter d'être en studio pour rajouter deux-trois trucs. J'aime bien foutre des samples sur les morceaux. L'atmosphère, voilà ce qui compte, mec.