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Music

DJ Harvey est le sultan incontesté du dancefloor

Non, pas PJ Harvey, tas de pingouins.

DJ Harvey

est passé par pas mal de phases : graffeur, membre fondateur du Tonka Sound System, pote de Soul II Soul et Larry Levan, et fondateur du label Black Cocks, avant de devenir célèbre pour ses sets au Zap Club, au Ministry of Sound, ou encore au Blue Note. Il lui arrive de mixer 12 heures lors de ses

Sarcastic Disco Parties

à Los Angeles, dans des entrepôts pandémoniaques plein de gens hyper beaux et complètement pétés. Pour tout dire, les fêtes de DJ Harvey sont tellement tarées que même Beyoncé s'est fait refouler de l'une d'entre elles. J'ai discuté avec Harvey de la mort du disco, de la mafia japonaise et des problèmes d'érection très répandues dans la scène musicale.

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Noisey : Salut Harvey, comme s'est passée ta journée jusqu'ici ?

DJ Harvey

: Bien. En fait, j'ai chopé quelques putains de bonnes vagues ce matin. J'ai eu un problème pour revenir d'Australie ; mon ticket en première classe m'a fait passer par Melbourne, Syndey, Singapore, Hong Kong et San Francisco… Une petite ballade de 30 heures. Je n'ai pas beaucoup dormi la nuit dernière, du coup j'ai décidé d'aller me taper l'océan vers 7h30 et de faire passer mon jet-lag en surfant.

Beau gosse ! T’es souvent en studio ces derniers temps?

La plupart du temps oui, je bosse sur mon nouvel album – ça m'excite à fond, il va entrer dans l'histoire du disco. On doit accueillir une nouvelle fille dans l'équipe et je pense que ça va vraiment créer la surprise quand ça sortira. J’espère que d'ici le milieu de l'année, on pourra faire quelques sets live, si toutefois on parvient à rendre tout ça assez fun, puisque c'est tout ce qui compte au final.

Je me rappelle de toi au Meredith Music Festival, quand t’avais éclaté 10 000 dollars de matériel sur scène [voir la vidéo ci-dessous], pour rendre justice au concept de rock star. Qu'est-ce que tu penses de cette nouvelle vague de DJs associés à l'EDM qui se jettent dans la foule pendant leurs sets ?

Ça devait arriver, parce qu'il faut avouer que n'est pas super marrant de regarder un DJ. D'où ce qu'on appelle « la déficience érectile de la scène musicale ». Les mecs débarquent dans des vaisseaux spatiaux ou au beau milieu de feux d'artifice pour tenter d'améliorer l'aspect visuel de leur performance. Personnellement, je n'arrive pas à comprendre comment on peut jouer un disque et se jeter dans le public. Je veux dire… Peut-être quand tu en passes un très long. Et je ne sais toujours pas pourquoi les gens continuent à regarder le DJ, moi je préfèrerais regarder ceux qui dansent autour de moi.

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Plus de 10 ans après sa création, tu as ressorti ton mix disco

Sarcastic Study Masters

. Pourquoi ?

Beaucoup de gens ne l'avaient pas entendu et se revendiquaient du « cosmic disco », alors je me suis dit que ce serait pas mal de le ressortir pour que les gens réalisent… C'est simplement une façon de leur dire, d'une manière un peu narcissique, « Ecoutez les gars, vous voulez savoir qui… »

Qui a inventé ce bordel…

[

Rires

] J'essaye de ne pas trop me la péter, mais je ne peux pas nier les faits !

J'aime les pauses dans ce mix, et j'ai l'impression que les DJ's n'utilisent plus jamais les silences. C’est un truc hyper important dans un DJ set non ?

Ce mix a été enregistré en une prise ; je voulais que ça reste naturel. C'était sur des platines Belt Drive de Thorens, les TD 125 qui étaient utilisées au Paradise Garage, au Zanzibar, au Studio 54, des endroits dans le genre. Je voulais vraiment un mix OG, un retour à la forme originelle du mix. C'est assez difficile de mixer avec ces platines. Elles n'ont que 3 % de pitch control, tu dois donc connaître tes disques sur le bout des doigts.

Mais au-delà du mix, je crois que la sélection surpasse tout le reste, et aujourd'hui, les gens insistent trop sur le mix et pas assez sur la sélection. Tu dois sélectionner le disque que tu veux jouer après, sans forcément penser au mix. Si ça ne peut pas être mixé, ça n'a aucun sens d'essayer, donc pourquoi ne pas laisser un blanc pour que les gens puissent applaudir ?

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Et ça te laisse quelques secondes pour reprendre ton souffle.

Il y a aussi ce que j'appelle la « culture de la rupture » ; tu as souvent des disques sans section rythmique, et je dis souvent au gens : « considère ce silence entre ces deux disques comme une rupture », ça ouvre toutes sortes de possibilités. Le silence peut être quelque chose de très bruyant, et il peut faire une grosse impression sur un public. Si tu t'embrouilles pour lancer le disque suivant, ça a moins de gueule. Si tu as la situation sous contrôle, tu peux vraiment faire impression en calant un silence.

Mélanger deux trucs qui collent pas, c’est un peu débile.

Et plus particulièrement si ils ne sont pas en harmonie, ou sur le même tempo/ Et puis, les voix commencent à sonner vraiment bizarre au-delà de 2 ou 3 % de pitch. Mais pour revenir au mouvement cosmic disco, mixer était en réalité très important pour des gars comme Beppe Loda. Il pouvait jouer un morceau comme « Enola Gay » à la mauvaise vitesse, et le faire sonner comme un truc démoniaque. Evidemment, à l'époque tu avais ces touristes anglais qui venaient voir le DJ dans sa cabine et qui lui demandaient « Qu'est-ce que tu fous, mec ?! Arrange-moi ça tout de suite ! », mais pour des mecs comme Beppe, c'était juste une façon de se mettre dans le mix.

Dans ce mix, une des pauses est épelée « poz », qui signifie en fait « séropo », et ça m'a fait repenser à une interview dans laquelle tu parlais du fait de chercher des vinyles dans des entrepôts qui avaient récupéré les collections de mecs morts du SIDA. Pour toi, le disco est indissociable de son contexte social ?

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Oui. C'est une fuite totale, hors du monde, sur de nombreux aspects. C'est comme si toutes les factions pouvaient danser ensemble et oublier… On oublie beaucoup de choses sur le dancefloor. La musique disco est particulièrement hédoniste et permet de s'évader. On aurait pu lui donner un aspect politique avec tout ce truc à propos de Stonewall,

la mort du disco

, et tout ça. Mais moi c'est comme ça que je le vois. Il y a de la douleur, de l'extase et de la tragédie là-dedans, mais tu finis par profiter de tout. La chose ultime à propos du disco : c'est la célébration de la vie, quelque soit sa dose de drame et de pathos. C'est comme le blues, le blues est un produit de la douleur, mais, à l'arrivée, il exorcise ces douleurs.

Tu vas souvent au Japon, tu as entendu parler de

ces nouvelles boites qui veulent interdir la danse

?

Oui, ce ne sont pas de nouvelles lois du tout. Ce sont en fait de très vieilles lois de clubs qui ressurgissent à chaque fois qu'un nouveau maire veut nettoyer la ville. Ils ne s'occupent pas vraiment des vrais problèmes comme le trafic d'êtres humains, la drogue ou les gangs. Mais plutôt « Oh, on va aller coffrer quelques hipsters qui dansent » – c'est quoi ce bordel, sérieux ? La loi est apparue après la seconde guerre mondiale et elle a commencé avec les Geishas.

Oui, de nombreux bordels avaient des pistes de danse ; du coup les lois contre le travail sexuel sont en quelque sorte également devenues des lois anti-danse.

C'est une énorme connerie, vraiment. Le Japon est comme n'importe quel autre pays. C'est un pays qui tourne autour du sexe, de la drogue et de la violence, comme l'Amérique. Et sous cette image d'un Japon soumis, ça reste un pays très puissant. Espérons que la loi finira par disparaître. Les hipsters devront juste apprendre à vivre avec la mafia.

Brendan est sur Twitter - @brendan_a