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Music

Deryck Whibley revient de loin

Alcoolique au dernier degré, le chanteur de Sum 41 est passé à deux doigts de la mort il y a un an. On est revenu avec lui sur cette douloureuse expérience.

Toutes les photos ont été publiées avec l'aimable autorisation de Deryck Whibley.

L’été dernier, les photos de Deryck Whibley sur son lit d’hôpital ont choqué la Société-Internet. Il y a un an jour pour jour, le leader de Sum 41 et dernier membre originel du groupe, s’effondrait dans sa cuisine, un verre à la main. Conduit aux urgences par sa fiancée, le mannequin Ariana Cooper, il apprend que son foie et ses reins viennent de lâcher, suite à une consommation excessive d'alcool.

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L'excès à été le maître-mot de Sum 41, dès son premier album, All Killer, No Filler en 2001, où Deryck et sa bande faisaient tout pour coller à l’image de teenagers-hooligans-skateurs qu’ils cherchaient à incarner. Durant ces dix années de bamboche, Whibley est progressivement passé du stade de petit mec chétif et coincé à celui de pochard XXL. « Faire la fête était devenu mon quotidien, je ne pensais plus qu'à ça, et le pire c’est que j’en étais conscient », nous raconte-t-il depuis sa maison de Los Angeles. Entre 2001 et 2002, Sum 41 a enchaîné plus de 300 dates, propulsant le groupe au sommet des charts. Un schéma qui se reproduira avec les quatre albums suivants, le groupe s'avérant particulièrement productif et régulier. Ce n'est un secret pour personne : l'abus de drogues ou d'alcool est souvent la seule manière de supporter un environnement et un rythme de travail particulièrement intenses.

À 35 ans, Whibley se bat aujourd'hui pour répondre à la fois aux demandes de son label et à celles de ses fans. Il déclare s'être laissé submerger et avoir laissé trop de gens profiter de lui. Ajoutez à ça une personnalité particulièrement sensible et un ou deux traumatismes, et vous obtenez un aller-simple pour la cure de désintox. « On a un rythme de vie difficile, très stressant. C’est dur de suivre la cadence si tu ne prends rien pour décompresser. L'alcool me maintenait éveillé et me redonnait de l’énergie. Souvent, je n'avais pas envie de boire mais les shoots de Jack Daniels était la seule chose qui me motivait à monter sur scène. » Après les trois ans de tournée qui ont suivi la sortie de Screaming Bloody Murder en 2011, Whibley a atteint un point de non-retour. « La tournée a été très longue. Pour la première fois depuis nos débuts, j’ai voulu faire une pause. Les autres fois, je rentrais et je me lançais directement dans l’écriture de l’album suivant. Mais cette fois, j’avais vraiment besoin d’une pause, donc j'ai dit 'allez tous vous faire foutre' et j'ai organisé une petite fête qui a, en gros, duré un an. »

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Sa dépendance à l'alcool a pris une toute autre dimension quand il a commencé à boire dès le matin pour chasser la gueule de bois. Pour Deryck, l’addiction est « un cercle vicieux dont il est dur de sortir. » Après avoir été admis à l’hôpital, Whibley a immédiatement été plongé dans un coma artificiel et placé sous sédatifs, son corps n'étant pas en mesure de supporter le sevrage. « Une semaine plus tard je me suis réveillé et je me sentais plutôt bien. J’ai réalisé que j’étais mal en point quand j'ai vu tout ce qu'on m'avait enfilé sous la peau. Les docteurs m’ont dit que j’avais eu beaucoup de chance mais que mon état restait inquiétant. » Durant les mois qui ont suivi, le chanteur a souffert d’atrophie musculaire et du faire face à plusieurs hémorragies internes. Très vite, les médecins lui ont annoncé qu’il ne pourrait plus jamais boire la moindre goutte d’alcool.

« De toute manière j'ai tourné la page. Si je n’avais pas été aussi loin, je ressentirais peut-être un manque, mais là, c'est terminé. Pour de bon. J'ai eu mon compte et maintenant j'en paye les conséquences. Je morfle vraiment pour m'en sortir. » Whibley s'est mis au vert pendant de longs mois, avant de refaire surface, il y a quelques semaines, dans les rues d'Hollywood avec sa fiancée, qui a été —avec sa mère— son plus gros soutien lors de cette période difficile. Whibley avoue avoir fait le tri dans son cercle d’amis : « l’une des premières décisions que j’ai prises, c’était de couper les pont avec certaines personnes. » Dernier pilier de la royauté pop-punk des années 2000, Whibley souhaite conserver son trône aussi longtemps que possible. Ce mois-ci, Sum 41 enregistre d'ailleurs les premiers titres sixième album et le groupe serait déjà en train de planifier une tournée. On a profité de l'occasion de parler un peu avec Deryck et faire le bilan, un an après le drame.

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Noisey : Comment tu te sens aujourd’hui?
Derick Whibley : Après ce long séjour à l’hôpital, j’ai toujours du mal à marcher, je n’ai pas retrouvé 100 % de mes capacités mais je travaille dur chaque jour. Les docteurs m’ont dit que je me débrouillais bien et que je récupérais rapidement, mais perso, je commence à trouver le temps long. Je crève d'envie de remonter sur scène. C'est le seul truc qui m'aide à tenir le coup. Même sur mon lit d’hôpital je n'ai jamais abandonné l’idée de faire de la musique. Avec le recul, je me dis que j'ai eu beaucoup de chance. Ça aurait pu bien plus mal se terminer.

Accepter sa dépendance est une étape primordiale pour s’en sortir.
C’est vrai que ça joue énormément. Mais c’est dur car tu as l’impression de n’être qu’un abruti. Mais tu dois l’accepter. Quand t'es dans ta bulle, tu ne vois pas où est le problème. Et puis au fur à et à mesure, tu réalises que ce que tu fais est mal et porte préjudice à tout ton entourage. Beaucoup de gens m'ont dit « Pff, c’était sûr que ça allait arriver » ou « On t’avait prévenu ». Moi, je pensais que j'étais trop jeune pour niquer mon foie ou mes reins. Ouais, après 30 ans de picole, peut-être. Mais non, c'est arrivé quand même.

D'une certaine façon, c’est un mal pour un bien.
Je pense oui, et c’est arrivé au bon moment. Si ça m’était arrivé à 50 ans, je ne m’en serais sûrement pas sorti. Mais c’est quand même triste d’en arriver là. Aujourd’hui, je me sens beaucoup mieux. Je n’ai jamais été en si bonne santé et je n’ai jamais été aussi productif. Enfin, j’ai toujours été très productif mais avant, je n’étais qu’un poivrot qui pouvait continuer à réfléchire, alors qu'aujourd’hui, je suis sobre.

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Depuis quand as-tu commencé à réécrire ?
À l’hôpital déjà, je recommençais à chanter et écrire. Quand les docteurs m’ont dit que ma période de convalescence serait longue, je leur ai dit « Comment ça, 'longue' ? J'ai un album à sortir dans l’année ! » Ils m’ont répondu qu'il était impossible que je parte en tournée, pendant au moins un an, peut-être même deux. Quand je leur ai dit que j'allais quand même faire cet album, ils se sont bien marrés. Mais regarde, j’en suis déjà à la moitié !

Dans tes textes, tu reviens sur cette épreuve ?
En quelque sorte, oui. Des trucs pareils, ça ressort forcément dans ce que tu fais, et comme de toute façon je parle de ma vie dans les morceaux… J'essaye juste de ne pas être trop direct. En ce moment, j’écris un morceau qui s’appelle « Goddamn, I’m Dead Again », par exemple. Il y a un ou deux autres morceaux dans lesquels j’aborde le sujet, mais ce ne sera pas le thème central de l’album. En ce moment, je passe 80 % de mon temps à essayer de retrouver la forme et le reste, je le consacre à l’écriture et l’enregistrement.

C’est une sorte de seconde chance pour toi?
Exactement. J’ai carrément l’impression de redécouvrir le monde. Il y a des trucs que je n'avais jamais fait sobre. Depuis que j’ai 17 ans je passe mon temps à boire, à faire la fête et à tourner, sans jamais me reposer. Aujourd’hui, je me rends compte que j’ai perdu beaucoup de temps et que j’ai énormément de choses à rattraper. Je ne dirais pas que je suis passé à coté de plein de choses, cela dit. Plutôt que je n'y ai pas apprêté attention jusqu'à aujourd'hui.

Reprendre les tournées te fait peur ?
[Longue pause] Un peu, oui. Je n’ai pas peur de retomber dans l’alcool mais j’ai peur de ne pas être au top physiquement. Il faut que je retrouve toutes mes capacités physiques si je ne veux pas chuter sur scène. Pour le moment je préfère ne pas me projeter, mais si j'y arrive, ça pourrait être la plus belle chose que j’ai fait de ma vie. Si on pouvait déjà être sur la route, on le ferait mais ce n’est pas possible pour le moment, donc en attendant, on continue de travailler. Adria Young est sur Twitter.