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Music

Personne ne dit à Danzig ce qu'il a à faire. Personne.

Le prince des ténèbres nous a parlé de blues, de longévité, de Christina Ricci et de son album de reprises « Skeletons », qui sort aujourd'hui.

Cinq minutes d’interview avec Glenn Danzig, et on essaye de ne plus penser au mythe (ou au meme) et de se convaincre que tout va bien se passer. C'est à dire que même si on sait qu'il achète de la litière pour chat par palettes entières, le type se traîne une formidable réputation de connard - on parle du type qui a qualifié la chimiothérapie de « conspiration » par les ondes - et reste une légende absolue qui, non contente d'avoir formé les Misfits, Samhain et Danzig, a également influencé les trois-quarts de la scène punk, hardcore et metal de ces 35 dernières années, de Crowbar à Kyuss en passant par Soundgarden et un petit quatuor de la Bay Area baptisé Metallica. Inutile de dire que mon stressomètre était à son maximum au moment de le recontrer pour discuter avec lui de son album de reprises, Skeletons, qui sort aujourd'hui même.

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Noisey : Pourquoi sortir un album de reprises maintenant ?
Glenn Danzig : Eh bien, ça s’est fait comme ça. Il n’y a pas eu de grosse stratégie derrière [Rires]. Ce n’est que très récemment qu’on a trouvé le temps d’enregistrer ces covers ainsi qu’un partenaire pour mon label puisque j’aime bien tout sortir sur ma propre structure. Ça s’est bien goupillé, on allait aussi tourner au même moment. Bref, le timing a été bon.

Le spectre des artistes repris est large sur Skeletons, penses-tu que la diversité de tes influences a justement été la clef de ton succès en tant qu’artiste ?
Je ne sais pas. J’ai grandi en écoutant des tas de choses différentes c’est vrai, mais au final, toutes les musiques fonctionnent autour d’un élément qui est le facteur temporel. Donc tu peux leur trouver des points communs, que ce soit Wagner ou Black Sabbath, Elvis ou Howlin’ Wolf ou encore Willie Dixon ou je ne sais qui. Ce point commun les rassemble. Et même si j’ai eu du mal à choisir parmi tous les morceaux que je voulais réinterpréter, je trouve que les titres de l’album ont des affinités.

Tu évoquais le blues. Pour moi, on sent son influence dans tous les projets que tu as pu mener. Ça te paraît rare dans les musiques heavy actuelles ?
C’est rare oui. Je ne crois pas qu’il y ait beaucoup d’artistes actuels qui s’y replongent. Bien sûr, ça n’est pas valable pour tous, il existe des musiciens qui écoutent des tas de trucs, mais je pense que pour la majeure partie des artistes contemporains, ça n’est pas le cas et qu’ils s’en foutent. Ils s’en balancent, et c’est leur droit, mais ça s’en ressent dans ce qu’ils font [Rires]. Il y a un vieux proverbe assez juste qui dit « Tu dois savoir d’où tu viens pour savoir où tu vas. »

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Probablement oui. On entend cet héritage dans de nombreux groupes fondateurs – Metallica, Motörhead, etc. — mais leurs influences ne sont pas aussi mises en avant. Au point que ça semble moins tenir de l’oubli que d’une véritable mise à l’index.
Oui. Et chacun fait comme il veut mais moi, et quelques potes aussi, on est toujours là 30 ans après. On verra où seront certains des musiciens actuels dans 30 ans. Je doute qu’on les revoie. Il y a tellement de feux de paille ! La coqueluche du mois, un gros hit et trois-quatre ans plus tard, les mecs ont disparu. Ou alors ils se font coffrer [Rires]. Mais c’est eux qui prennent leurs décisions, non? Chacun fait ce qui lui plait, moi ça me va. Je ne veux donner de leçons à personne. J’aurais pu moi-même prendre des décisions plus malines commercialement parlant, mais ce n’est pas mon idée de la musique. C’est pour ça quand je rencontre des collaborateurs, ils captent qui je suis, comme quand j’ai rencontré Rick Rubin. Il a vu que je faisais les choses à l’instinct, vu qu’on était un groupe taillé pour faire des albums. Donc on a a fait un album. Et si ce disque fait un carton, tant mieux ! Alors tu pourras tourner, revenir, tourner à nouveau, refaire un album. C’est ce qui se passe quand tu es un groupe à albums. On s’était entendu sur ça, je lui avais dit « Tu sais quoi ? Je veux être dans une formation à la Black Sabbath ou Velvet Underground. » et on avait parlé d’artistes blues. Des gens qui ont fait des disques importants que les gens n’écoutent plus forcément aujourd’hui mais qu’ils se remettront à acheter dans 20 ou 30 ans. On était d’accord sur ça et c’est ce que je vis depuis longtemps : que ce soit avec les Misfits ou Danzig, j’ai toujours voulu qu’il en soit ainsi.

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Pour parler un peu de cette notion de longévité, qu’est-ce qui te pousse à créer encore et encore ?

[Rires]

Tellement de choses ! Il y a toujours matière à écrire et je crois que tout le délire punk m’a beaucoup poussé. « Si c’est chiant, fais bouger les choses, change-les. » L’envie de te renouveler, de déconstruire, de rendre le truc pertinent à nouveau. Et c’est ce que j’ai fait, sans sacrifier la musique. Je m’y emploie en tout cas. J’essaye de faire des disques qui m’enthousiasment moi, et ensuite j’espère que ça va aussi parler aux gens derrière. C’est dans cet état d’esprit que j’aborde un nouveau disque et je ne commence jamais sans avoir des trucs à dire. Personne ne vient me voir en me disant « Hey, ça fait un an ou deux que tu as sorti le dernier album, il faut que tu en composes un autre et que tu le sortes dans les mois qui viennent. » Personne ne me dit ça, personne. Le disque de reprises est un projet que j’ai depuis un moment mais les dernières compos originales de Danzig datent de 2010. Un nouvel album est prêt à 75 % mais je pense qu’il sortira six ans après le précédent, si tu mets de côté les reprises et le disque

Danzig Sings Elvis

.

Le fait de ne pas forcer les choses, ça a toujours été ta façon de faire ?

Oui. Enfin, j’étais plus productif avant

[Rires]

. Je crois que dans Misfits et Samhain, je sortais un disque tous les deux ans, et pareil avec Danzig. Plus tard ça s’est espacé, mais c’est comme ça que ça s’est fait naturellement. Entre

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Danzig IV

et

V

deux années se sont écoulées, puis trois ans entre

V

et

VI

. Aujourd’hui c’est quatre ou cinq. Un élément qui est entré en jeu :

Deth Red

nous a énormément fait tourner. Les offres de tournées en Europe et aux États-Unis se sont enchaînées. Ce disque a bénéficié d’un succès vraiment réjouissant, surtout dans les critiques qu’il a reçues, et j’espère que le prochain recevra un accueil similaire.

Tu parlais d’attitude punk et d’avoir du recul, or c’est intéressant de voir la trajectoire (et l’acceptation progressive) de ce qui est d’abord perçu comme extrême dans la culture pop. Je me souviens que ma mère était tombée sur mes cassettes de Danzig et Slayer et qu’elle avait pété un plomb…
[Rires] Oui, Danzig et Slayer étaient vues comme des insanités musicales à l’époque. Mais tu vois, des jeunes comme moi sont devenus parents à leur tour, et notre perception est désormais autre, plus désinhibée. Que penses-tu de ce changement de paradigme ?
Je crois qu’à plusieurs reprises j’ai dit des trucs qu’on a qualifiés de dingue. Puis le temps les a validés, et c’est comme si c’est toi – ta personne – qui te retrouvais justifié. Tout d’un coup, toutes ces mises en garde que tu as proférées deviennent le discours ambiant à la télé. Maintenant c’est partout autour de nous mais je ne le dis pas négativement, quelque-part, ça fait plaisir.

Moi j’ai au moins le plaisir de me dire que mes gamins n’auront jamais à planquer leurs cassettes de Danzig.
[Riress] Oui ! C’est drôle parce qu’on m’a récemment raconté que Christina Ricci avait déclaré dans une interview qu’elle avait grandi avec Danzig et je me suis dit « Wow, c’est cool » [Rires]. J’essaye toujours de composer une musique qui permette aux gens de se laisser aller. C’est simple, nul besoin de mode d’emploi, et si tu n’as pas envie d’en tirer une leçon ou quoi que ce soit, aucun problème. Tu peux juste écouter et t’abandonner. Tous ces niveaux d’écoute me vont !

Tes fans aiment beaucoup le fait que tu chantes vraiment là où d’autres se contentent d’hurler ou brailler. Ça t’est venu comment cette approche lyrique ?
C’est juste ma façon de chanter [Rires]. Ma voix n’est pas aigüe. Je n’ai pas la voix traditionnelle braillarde des chanteurs de heavy-metal. Ma voix est profonde si bien que lorsque je crie, ça tient plus du rugissement que de la sirène perçante. Et c’est d’ailleurs probablement à l’image de la musique que j’écoute, de Elvis à tous ces trucs que tu peux retrouver sur le disque de reprises. Ça ne veut pas dire que je n’aime pas le reste, mais ma voix est ma voix, et je ne peux pas la changer.

Pour en revenir à Skeletons, et aborder ton approche de la musique en général, tu dirais que tu redeviens ce gamin batteur du New Jersey quand tu sors de scène, que tu es toujours le même ?
Bien sûr, c’est très diffèrent aujourd’hui. Incroyablement différent mais je reste passionné par les mêmes trucs. Les choses qui me motivent et me poussent à faire ce que je fais sont restées les mêmes même s’il y a eu quelques changements. Par exemple, je ne peux pas me barrer en plein milieu d’une tournée. J’ai des gens qui bossent pour moi et qui dépendent de moi donc je ne peux pas les laisser tomber. Alors que j’ai déjà fait ça par le passé [Rires]. Mais plus maintenant. Bref, des tas de trucs ont évolué, mais ce qui me donne envie de jouer de la musique, de continuer de chanter et de jouer live, ce sont les mêmes choses qu’avant.

Skeletons sort aujourd'hui, 27 Novembre, sur Evilive Records/Nuclear Blast Entertainment.