Le chanteur de Crowbar nous parle de son amour pour U2, de son départ de Down et de ses tracas avec l'alcool

« Tant que le téléphone ne sonne pas, je suis à toi. Mais ne profite pas de la situation pour me prendre l’anus » me sort le chanteur et guitariste de Crowbar, Kirk Windstein. Ce gros barbu natif de la Nouvelle Orléans est en pleine session promo du prochain album de Crowbar, Symmetry In Black. Ce sera le dixième album des poids lourds du sludge depuis 1989, l’année où Windtsein a formé le groupe aux cotés du guitariste de Eyehategod, Jimmy Bower. Trois ans plus tard, Bower rejoignait Phil Anselmo (de Pantera) et Peper Keenan (de Corrosion Of Conformity) pour créer Down, le supergroupe de metal sudiste destiné à anéantir tous les autres supergroupes. Windstein a joué simultanément dans les deux groupes pendant deux décennies, faisant de longues pauses avec Crowbar pour tourner avec Down. L’année dernière, il a annoncé qu’il quittait finalement Down, en tout bien toute amitié, pour se focaliser sur Crowbar – et surtout sur sa famille. « Ma femme et moi nous levons tous les matins à 6h30 pour emmener mon fils et le sien à l’école » a t-il ajouté. « C’est pas vraiment rock’n’roll. » Par le passé, Windstein ingurgitait des quantités de drogue et d’alcool qui auraient assommé un troupeau d’éléphants. Mais cet homme a changé… Noisey : Tu aurais imaginé que Crowbar sortirait un 10ème album et fêterait son 25ème anniversaire en 2014 ?
Kirk Windstein: Ca me tue. Pour être honnête, je pensais vraiment que j’aurais été mort à l’heure qu’il est. Mais je ne le suis pas, c’est une bénédiction. Comment faire comprendre ça à un mec de 24 ans ? Jamais j’aurais imaginé que le groupe serait là où il est aujourd’hui. On est en 2014, on parle d’un groupe qui a commencé après une jam session dans les années 80. Je viens d’avoir 49 ans en avril, et beaucoup de mes amis n’ont pas franchi le cap. Pour mes 50 ans, j’ai envie de faire une énorme fête parce que je n’ai plus le même train de vie qu’avant, l’abus de substances, tout ça… Maintenant, ce qui me préoccupe, c’est cet examen de la prostate et être sûr que mon taux de cholestérol n’est pas trop élevé. J’ai vraiment de la chance d’avoir pu accomplir tout ça, moi et les autres. C’est dur comme environnement, très dur, tu sais. Mais aujourd’hui, je suis assis sur le capot de ma bagnole et c’est un beautiful day. Pas le morceau de U2 hein, tu me suis.

Je n’aurais jamais cru que t’étais fan de U2.

Ce morceau, « Beautiful Day », il a changé ma vie. Vraiment. Un jour, je me suis réveillé à deux heures de l’après-midi, après une nuit à me défoncer à la cocaïne, et je zappe sur VH1. Et là le morceau passe. J’ai aussitôt pris ma bagnole et j’ai filé directement au disquaire pour acheter le disque. C’est un de mes morceaux préférés de tous les temps. Et que tous ceux qui pensent que c’est gay aillent se faire enculer. Tu sais quoi ? Phil [

Anselmo

] écoute les Smiths et Morrissey, et ça n’a évidemment rien à voir avec ce qu’on fait. Donc je suis supposé écouter Motörhead à fond, tout le temps ? C’est mon groupe préféré hein, mais je suis déjà à moitié sourd.

Tu as suivi un peu ce qui se disait sur votre nouvel album,

Symmetry in Black ?

J’ai l’impression que Crowbar obtient rarement de mauvaises chroniques.

Je vais prendre ça comme un énorme compliment. Mais je suis d’accord avec toi. Je n’aime pas apposer mon nom sur un truc auquel je ne crois pas. J’ai vu quelques chroniques du dernier album et elles sont toutes positives. Après mon départ de Down, je savais à quel point ce disque était important. Ca passait ou ça cassait, littéralement. C’était à moi de choisir : piloter un manitou dans une grande surface de bricolage, ou faire ce taf. Donc on s’est tous donné à 200 %. Avant de commencer à bosser dessus je discutais avec Dwayne, notre co-producteur. Je lui ai dit, « Dude, le bien n’est pas acceptable. Ce disque

doit

être excellent. » J’étais dans la cabine à m’exploser au micro avec Dwayne qui me disait « Je pense que celle-là est bonne ». Et moi « Non je peux mieux faire. » On a vraiment poussé le truc au maximum.

T’étais plus nerveux sur cet album que sur les précédents de Crowbar ?

Pour être honnête, j’étais moins nerveux. Je suis faible sur pas mal de points dans la vie, mais je suis capable de prendre une décision, une grosse décision, comme quitter Down… Je n’ai ni jeté l’éponge et je ne suis pas fait jeter non plus. Il faut le préciser, c’était une séparation mutuelle. Les mecs savaient que mon cœur n’y était plus. Et quand ton cœur n’y est plus, tu es ailleurs. Donc j’ai dit à Phil : « Ecoute, je veux être le capitaine de mon propre navire. Je veux contrôler ma vie – où je joue, quand je joue, combien de temps je joue—et tout le reste. » Et en aucun cas c’est un coup porté à Phil. La plupart des gens sont très intimidés par Phil, pas moi. Et je le dis avec amour. Je le connaissais déjà quand il était tout petit et maigrichon – moi aussi j’étais un petit maigrichon à l’époque. [

Rires

] En fait c’est un mec très tranquille. Tout ce que j’ai fait c’est l’observer et apprendre. Pour moi, c’est le meilleur frontman du heavy metal. Et notre amitié est très solide. Seules trois autres personnes peuvent se vanter d’avoir passé 22 ans dans Down - Phil, Pepper et Jimmy. Mais pour moi l’histoire est terminée. Et comme ce qu’a récemment dit Phil dans une interview : « Kirk s’est simplifié la vie. » C’est exactement ce que j’ai fait.

Ça a dû être une décision difficile quand même.

Ma vie est relativement intense. Je suis marié, je suis papa, beau-père et grand-père depuis peu. Etre en mesure de contrôler ma vie est un grand soulagement pour moi. Je ne pouvais pas le faire quand j’étais dans Down. J’allumais mon ordi et je recevais un email : « Tu pars en Amérique du Sud. » La plupart du temps je ne savais même pas ce qui se passait. Down va très bien s’en remettre – et moi je vais être enfin au courant de ce qui se passe chez moi.

Il y a pas mal de temps morts pendant les tournées de Down et je crois que tu détestes ça.

Le mois dernier, j’ai traîné avec King Buzzo des Melvins au Scion Fest en Californie, et on est sur la même longueur d’ondes. Lui veut jouer tous les jours. Moi c’est pareil. L’emploi du temps de Down n’est pas vraiment compatible avec ma vision des choses. Phil doit reposer sa voix entre les concerts pour pouvoir livrer la meilleure performance possible, et je respecte totalement ça. Moi je n’ai pas ce type de voix et je n’ai pas besoin de la reposer. J’ai joué dix fois d’affilée au Royaume-Uni, quinze fois en Europe et là nous repartons et je vais encore faire une vingtaine de dates à la suite. Quand je suis loin de la maison et que je ne joue pas, j’ai l’impression de gaspiller mon temps. Et je ne suis pas éternel. Je n’ai pas besoin de me poser dans un hôtel. Je respecte Phil et il prend vraiment soin de ses fans mais nous sommes deux types de chanteurs différents. Donc je comprends pourquoi les tournées de Down sont étalées dans le temps, mais ça ne fonctionne pas pour moi.

Tu as écouté le nouveau EP de Down ? C’est le premier disque du groupe enregistré sans toi.

On est allé l’acheter avec ma femme. C’est un peu bizarre d’acheter un disque de Down, mais on l’a fait. Et il tue. Il tourne dans mon lecteur CD en ce moment même. J’ai grandi avec ces mecs – ce sont mes frères, et je vais continuer à les soutenir. Je n’attends pas d’eux qu’ils aillent acheter le nouveau Crowbar, c’est pas la question, mais je vais continuer à les soutenir parce que c’est un des mes groupes préférés. Ceci étant dit, la transition a été très facile pour moi. Je travaille tous les moins maintenant. Je bosse pendant trois ou quatre semaines et ensuite je prends trois semaines de congés. Je contrôle parfaitement ma vie, je ne me sens pas du tout surmené. Je me sens super bien même. On vient juste de faire un deuxième trou du cul au Scion Fest, du Crowbar tout craché.

Durant toutes ces années où tu étais concentré sur Down, Crowbar a dû passer au second plan.

Absolument. Et je n’ai pas à m’excuser pour ça, le groupe est passé au second plan parce que c’était comme ça, c’est tout. Mais au fil du temps, on prend de la bouteille, on a tous des enfants maintenant et on ne peut plus passer les deux tiers de l’année à tourner. Mais même sans parler de ça Down me prenait énormément de temps.

Je n’ai aucun mépris pour Down, ils gèrent leur affaire et ils s’en sortent très bien. Le problème vient de moi. C’est moi qui veux jouer vingt concerts d’affilée, ce qui avec Down, représenterait un mois et demi. Avec Crowbar, je peux jouer vingt concerts en trois semaines.

Ok, je vois que l’inactivité c’est pas ton truc.

C’est un secret pour personne, j’ai eu des problèmes avec l’alcool. Si j’ai un concert à donner chaque jour, ça me responsabilise, je suis plus fort et je me concentre uniquement sur la musique et sur ce qu’il y a à faire. Avec Down, j’avais parfois deux jours à tuer et ce n’est pas bon du tout. Je ne gagne pas d’argent, je suis loin de ma famille et j’ai du temps pour picoler. Quand j’en ai parlé avec King Buzzo, il m’a aussitôt compris. Il est sobre depuis vingt ans ou un truc comme ça. Maintenant je suis sobre aussi, mais il sait ce que ça représente : c’est beaucoup de boulot. Je ne veux pas me comparer à lui, parce que je ne pense pas être à son niveau mais le fait est qu’il a compris ce dont j’avais besoin pour me sentir bien.

Est-ce que tout ce temps que tu as passé avec Down a créé des tensions au sein de Crowbar ?

En fait, on n’en a jamais vraiment discuté. C’est un peu ce qui s’est passé avec Pat Bruders, notre ancien bassiste, qui a rejoint le groupe deux/trois ans avant que je parte, il joue toujours dans Down. Quand j’ai annoncé à tout le monde que je quittai le groupe pour me consacrer à Crowbar, il n’a pas semblé comprendre. Je lui ai dit : « Pat, ça veut dire que tu vas devoir faire un choix. » Il a choisi Down, évidemment, et je ne lui en veux pas. Mais je pense qu’il y a une raison à tout. Je ne connais pas celle de Pat mais de ce que je sais, c’est le bassiste le plus incroyable avec lequel j’ai jamais joué, excepté Rex Brown [

le premier bassiste de Pantera

]. On a un nouveau bassiste maintenant, Jeff Golden, on le surnomme le « Gentil Géant ». Il fait 1m90 et chausse du 52. Ses mains sont gigantesques, elles font deux fois les miennes. J’imagine même pas la taille de sa bite, ça me foutrait la haine je crois. C’est un gentleman et ce qu’il apporte à Crowbar est inestimable. Techniquement, Pat est meilleur mais l’attitude de Jeff est incroyable. Il faisait déjà partie du groupe sans avoir joué une note.

Vous avez essayé beaucoup de musiciens avant Jeff ?

Seulement trois, parmi des centaines qui nous avaient envoyé des trucs des quatre coins du monde. Un des trois, Danny Cook, est le beau-fils de mon père. [

Rires

] On est une famille toute tordue, mais très soudée. Lui et ma femme ont fait un bel enfant ensemble et je suis très bon pote avec Danny, y’a pas de problème. Quand il vient déposer son fils à la maison, on discute pendant une heure à chaque fois. C’est un mec super et un bon bassiste. On a finalement décider que ça ne pourrait pas le faire parce que ma femme part en tournée avec nous pour s’occuper du merchandising. Si Danny partait avec nous, qu’est ce qu’on ferait de Chase, mon beau-fils ? Et Danny a parfaitement compris la situation.

Tu penses que toutes ces années passées dans Down ont finalement profité à Crowbar ?

Oui. Tout ce que j’ai appris aux côtés de Phil, Pepper, Jimmy et Rex n’a pas de prix. Ce sont des musiciens et des compositeurs brillants. J’ai beaucoup appris, surtout avec Phil. Il m’a appris comment écrire une chanson, composer des riffs pour en faire un truc qui tient la route, comment un bon riff donne forcément un bon morceau. Quand il a produit notre premier album il y a vingt ans, il m’a montré comment couper dans le gras. Et ça a été la devise de Down et de Crowbar les vingt années qui ont suivi. Ils ont probablement appris quelques trucs de moi aussi, du moins j’espère.

J. Bennett a les mains tatouées, joue dans Ides of Gemini et n’est pas sur Twitter.

Crowbar jouera à la Flèche d’Or le 10 juin en compagnie de Hangman’s Chair. On a évidemment des places à vous faire gagner ici.