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Music

Coubiac vont vous faire vomir de joie

Oubliez l'Eurovision et les Cramps : le clip de « Break » est la plus belle union qui ait jamais existée entre punk et handicapés mentaux.

Allergiques au barnum glucosé de la charité correcte, réjouissez-vous : les Bruxellois de Coubiac ont pondu l'antidote définitif au Téléthon. Dans le clip de « Break » - un avant-goût du premier album du groupe, Lunch, qui sortira dans quelques semaines, on voit des gens faire la fête. Tout simplement. Sauf que l'audience est composée de personnes handicapées mentales qui fréquentent le Créahm de Liège, une structure dont l'objectif est, depuis 1979, d'initier ce public à différentes formes d'art. On a contacté Fabian et HP, guitariste et bassiste de ces cousins belges de Jesus Lizard et Killdozer, pour parler vomi, slams et dignité.

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Noisey : Tu peux résumer l'histoire qui vous a conduit à tourner ce clip, et vos rapports avec le centre ?
Fabian : En fait, c'est la photographe Laetitia Bica qui est à la base du projet. On travaille avec elle depuis le début pour tout ce qui est visuel (pochettes, teaser, etc). Dans le cadre des 6e Rencontres Internationales du Créahm, Jean-Paul Lespagnard, directeur artistique de la biennale, a proposé à Laetitia de réaliser une œuvre audiovisuelle avec les artistes du centre. Comme on sortait de studio, elle leur a proposé d'utiliser un de nos morceaux. Le choix du clip a permis de faire collaborer différents ateliers, arts plastiques et arts vivants confondus. C'était une expérience nouvelle, à la fois pour eux et pour nous. Comme tu peux imaginer, le tournage a été riche en émotions. A la fin, certains pleuraient et d'autres ont même vomi… de joie. Mais c'est surtout du travail en amont qu'on garde le meilleur souvenir. Le processus est bien souvent plus important que le résultat.

Les participants s'éclatent comme des dingues… Il y a eu des réactions un peu démesurées ? Vous avez réussi à gérer un enthousiasme aussi débordant ?
Fabian : En effet ! La première fois qu'on leur a fait écouter le morceau, on appréhendait un peu leur réaction. Mais ils se sont directement mis à danser et à crier. C'était complètement inattendu ! Quand il s'agit de se lâcher, ils n'ont aucune retenue. On se sentait presque coincés à côté d'eux. Lors d'une des répétitions, on leur a soumis l'idée de faire des slams. Ils étaient un peu réticents alors on a porté un des animateurs de l'équipe pédagogique. Après ça, ils voulaient tous le faire. Les animateurs ont fait un travail admirable. La plupart d'entre eux travaillent depuis des années avec des personnes handicapées mentales. Ils savent comment canaliser leur énergie, notamment par des exercices de relaxation.

Vous avez maté les dernières prestations de PKN préparatoires à l'Eurovision ?
HP : Non mais ce groupe est incroyable !
Fabian : Je les avais découverts dans le documentaire The Punk Syndrome il y a 2 ou 3 ans. Pendant le montage de « Break », j'ai appris qu'ils allaient représenter la Finlande… Quelle belle coïncidence ! Même si je me moque de l'Eurovision, je leur souhaite de gagner. Non pas parce qu'ils ont un chromosome en plus mais parce qu'ils sont vraiment punk, au sens noble du terme. Par exemple, ils refusent d'habiter dans un foyer et ne comprennent pas pourquoi ils doivent aller chez le médecin. PKN est un modèle qui ne mérite aucune pitié, juste de la reconnaissance.

Tu penses quoi de la filiation et de l'identification historique entre le punk rock et la maladie mentale, la déficience -en France on a eu les Porte-Mentaux, Gogol 1er ou Trisomie 21, qui ont fait grincer des dents…
HP : C'est que le rapprochement entre ces deux milieux met en avant leurs points communs, les punks veulent être pris comme des marginaux, les handicapés mentaux le sont malgré eux. La folie est comme la musique, les deux ont un goût de liberté.
Fabian : Le punk rock, par sa simplicité rythmique et mélodique, est accessible à tous. C'est ce qui fait sa force. Pour peu que t'aies envie de déverser ta rage à la face du monde, c'est le style idéal. Concernant le handicap mental et la manière dont il est perçu dans notre société, il y a énormément de choses à dire. Le film belge Ex-Drummer traite le sujet avec pas mal d'humour. Il y a aussi le concert des Cramps à l'hôpital psychiatrique de Napa State. Merveilleux !

Certains sur le tournage écoutaient déjà du punk ou des genres agressifs ? Ou alors c'est vous qui êtes passés pour les « anormaux» de service avec vos tatouages et votre musique de barbares ?
Fabian : Certains, oui. Sam Cariaux, qui a créé tout le stylisme, a une vision très claire du rock'n'roll. Pour lui, ce n'est pas tant un genre musical qu'un style vestimentaire, une attitude. Il est le fondateur des Mad's City Rockers, un gang de « rockers » fondé au sein du Créahm. Ils ne font pas de musique mais portent des blousons conçus par Sam avec l'aide de l'artiste Moolinex. A part ça, il y avait des b-boys et plusieurs musiciens. Même un beatboxer ! Sinon, vis-à-vis de nous, ils n'ont porté aucun jugement. Ils sont tellement au-delà des apparences. On a reçu que des bisous et des câlins. Comme on dit : « les fous ne sont pas ceux qu'on croit » Coubiac est sur Facebook. Iris de Saint-Aubin d'Aubigny ne vomit pas sur Twitter.