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Music

On est allés voir Tangerine Dream et Mayhem. En même temps.

Les patrons de la New Age rencontrent les patrons du Black Metal.

Deux salles, deux ambiances. Ce jeudi 22 mai, deux groupes « cultes » donnaient chacun un concert dans le 18ème arrondissement de Paris. Noisey s’est dédoublé pour pouvoir y assister. En premier lieu, Tangerine Dream célébrait leur tournée d’adieu à la France (pays qui n’a jamais réellement compris leur musique et leur démarche, « Krautrock ? Nein !»), à l’Europe et à la Musique avec un grand M (leur leader ayant fêté ses 70 ans cette année). Le célèbre groupe de « rock planant » des années 70, depuis transformée en formation ambient électronique métamorphique, auteur de centaines de disques (du dernier GTA, oui) et surtout de bandes-son inoubliables (sûrement les meilleurs du cinéma des années 80, soit dit en passant) avait convié son fervent public au Trianon, lieu intimiste et coquet s’il en est. Mayhem, eux, jouaient quelques mètres plus loin, au Divan du Monde. Groupe formé en 1984 à Oslo, Norvège, Mayhem sont devenus avec les années et les meurtres, les ambassadeurs de la scène Black Metal scandinave. Eux ne faisaient pas du tout leurs adieux, mais étaient venus présenter leur nouvel album : Esoteric Warfare. Rapport.

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Le public de Tangerine Dream en 2014.

PUBLIC

Tangerine Dream :

Installé au centre du balcon n°1, c’est à dire la meilleure place qui soit (merci l’orga), je peux d’ores et déjà constater que la moitié du public est chauve. Mais pas de mauvais esprit, on est là pour kiffer les vibrations. Quelques personnes ont quand même en dessous de 30 ans (disons 7%, le prix du ticket n’aidant pas vraiment), avec ou sans barbe, le reste du public se partage entre vieux

zicos

’, couples qui y étaient dans les années 70 (« ah ça fait du bien de voir des jeunes ! »), ingénieurs du son, gérants de magasins de la rue Victor Massé, passionnés et nostalgiques. En bref, aucun « défricheur de tendances ». Présence du sexe féminin : 5%.

Mayhem :

Un mélange de bobos, collègues de bureau et

metalheads

. Pas mal de gens avec des T-shirts de groupes, contrairement à Tangerine Dream : Inquisition, Taake, Burzum… Bon esprit. Et des T-shirts Mayhem, évidemment. Ce qui nous permet de relancer cet éternel débat : est-ce que porter le T-shirt du groupe qu’on va voir en concert est une chose qui se fait ? Je vous laisse y réfléchir. Présence du sexe féminin : 17%.

PREMIERE PARTIE

Tangerine Dream :

Tangerine Dream n’a pas besoin de première partie.

Mayhem :

Merrimack. Leur nom signifie en celte « profondeurs de l’enfer ». Ils sont de Paris, existent depuis 1995 et ont livré un concert black metal de facture classique. Je n'attendais rien d'eux donc j'ai pas été déçu. Il y a même eu de bonnes phases de gratte.

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ENTRÉE EN MATIÈRE

Tangerine Dream :

Rideau satiné bordeaux. 15 minutes de bruits de vagues. Le même couple à qui ça faisait plaisir de voir des jeunes nous alerte : « Dans les années 70, c’était 40 minutes de vagues minimum avant qu’ils débarquent ! ». Le rideau se lève, les mains claquent et le jeu de lumière s’affole. Jaune, vert, rouge, bleu glacial. Le rêve démarre avec à la barre : Edgar Froese (seul membre originel du groupe depuis… 25 ans) et son fidèle manant : Thomas Quaeschning (dans la bande depuis 2005). Avant d’être rejoints par les amazones Linda Spa et Iris Camaa.

Mayhem :

Cris, growls, roulements de tambour de plus de 20 secondes chacun. Départ de moshpit de deux minutes. Et Attila Csihar débarque, muni d’os et d’un crâne.

TENUES ET SPECTACLE

Tangerine Dream :

Archéo-futurisme vs Koh Lanta. La percussionniste à la crinière blonde était clairement prête à l'éventualité d'une attaque nucléaire (façon

Miracle Mile

). Puissance et testostérone. En face d’elle, la saxophoniste au synthé, en manteau design aux manches coupées, tout aussi sauvage, mais dans un autre style. Au premier plan, Edgar Froese et son chapeau de cowboy du futur, plus ou moins assis, entouré de synthés et de gros ordinateurs (de marque allemande, sûrement). Sociologiquement, leur performance est à situer entre des geeks spaciaux de Düsseldorf, des mecs en costumes blancs sniffant de la poudre sous les palmiers et des couples améliorés élevant des chèvres en communauté. Ce qui, vous en conviendrez, est l’apanage d’un seul et unique groupe : Tangerine Dream.

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Mayhem:

Je vois une double croix inversée (en fait une Croix de Lorraine inversée). Ces mecs détestent-ils le Général de Gaulle ? Le chanteur est peinturluré et surplombé d’une cape en velours noir avec un revers violet. Ils sont quand même putain de vieux et leurs styles sont douteux : capuches pointues, muscles, absence de cheveux. Bouc. Sociologiquement ? La solitude et la haine.

Tangerine Dream ou Mayhem ?

AMBIANCE

Tangerine Dream :

Ambiance conciliante et chaleureuse. Une des rares personnes de moins de trente ans s’est mise à danser frénétiquement au son des algorithmes agrumes. D’étranges effluves de pâté de foie ont alors lentement commencer à se diffuser le long du balcon, ce qui compte tenu de la température avoisinant les 50° (ventilation, vite !) créait une ambiance encore plus post-apocalyptique. Le molosse de la sécu, muni de sa puissante micro-lampe, venait régulièrement vérifier que tout le monde était bien assis et en règle. Comme si l’on avait tous payé 70€ pour embarquer dans une navette destination le paradis New Age.

Mayhem :

Ambiance détente cool. Un mec à ma droite prenait du

snus

. Un mec à ma gauche m'a filé des filtres de clopes à rouler « pour ma soirée ».

SCÉNOGRAPHIE

Tangerine Dream :

VJ psychédélique, textures maléfiques, spirales, cylindres, trigonomes, crop circles de l’espace, chutes de météorites… De la fumée sortait du côté gauche de la scène, en plein dans la violoncelliste qui devait en avoir un peu marre. Les jeux de lumière étaient bien bien colorés, contrairement à ce qui se faisait en

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Roumanie dans les années 70

, et tout est bien resté à sa place. C’était un concert assis.

Mayhem :

Juste les drapeaux des groupes. Et une putain de cage pour la batterie de Mayhem (double grosse caisse de batard). Niveau lumières : pas mal de stroboscopes. Un mec avec une Go Pro était présent dans le pit (c’est une chose récurrente), pit qui est devenu de plus en plus violent au fur et à mesure que le concert avançait. Mayhem jouent pour eux, devant des amplis placés sur le côté de la scène et tournés vers eux. Au milieu du concert, le chanteur a sorti une corde de pendu. Vous pouvez en conclure ce que vous voulez.

POINT MUSIQUE

Tangerine Dream :

C’était le

Phaedra Farewell Tour

, mais ça ne signifie pas pour autant qu’ils allaient jouer leur disque culte de 1974 (premier album réalisé avec LE MOOG). Trop évident les mecs. Seul Dieu connaît la setlist. Les morceaux étaient courts, c’est mieux. Leur tube a été performé relativement tôt (trop peut-être ?), «

Sorcerer

», la fameuse B.O. du film de William Friedkin. La puissance a parlé. Et ne criez pas au playback ! Edgar Froese s’est fendu d’un solo de guitare périlleux. La percussionniste, de son côté, s’est un peu trop donné niveau solo de djembé, quant à son homologue, elle a joué de la flute-uriste traversière, et surtout

un morceau au saxo

assez… taré. Entre kitsch et fulgurances, donc.

Mayhem :

Ils ont joué un nouveau morceau qui était nul, puis un ancien qui était cool, et plein d’autres nouveaux morceaux encore plus nuls (plus de blast, moins de guitares épiques, plus de vrai chant). C'était chiant et tout le monde a patiemment attendu la fin pour entendre des trucs des 90’s. Ce qu’ils ont fini par faire.

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FINAL

Tangerine Dream :

J’ai dû filer pendant l’interlude de 20 minutes, après une heure et quart de spectacle, pour cause de surchauffe. Je n’ai donc pas pu assister à la deuxième partie du show, et au retour des musiciennes masquées, ce qui a sans aucun doute dû apporter une dimension supplémentaire au spectacle.

Flippant

.

Mayhem :

Ils ont enfin joué quelques vieux morceaux pour rattraper les longueurs infligées au public (en tout cas à moi) pendant la majorité du concert. Ils ont remercié ce même public après un rappel assez long pour quitter la scène sur fond de « I Put A Spell On You ». Sans blague.

Rod Glacial supporte mal la chaleur. Il est sur Twitter - @FluoGlacial

Kamal Mental est la deuxième tête de Super Drakkar, qui organise tous un tas de bons concerts. Il est sur Twitter - @kamalmental