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Comment survivre à la meilleure fête du monde : le Carnaval de Trinité-et-Tobago

55 jours de folie ininterrompue, des sound systems de la taille de votre salon, des orgies en pleine forêt tropicale et deux ou trois heures de sommeil.

Toutes les photos ont été prises par l'auteur de l'article, sauf mention. Soyons clairs : je ne suis pas allé me promener à Port-d’Espagne pour faire la bringue et profiter des soirées malade qu’offre ce carnaval. En réalité je n’aime pas ça. Je suis narcoleptique, donc je vais en soirée seulement si mon quota de sommeil me le permet. Je suis allé à Trinité-et-Tobago car comparé aux autres pays des Antilles, celui-ci à quelque chose d’intriguant et d’incongru. Contrairement aux îles voisines, l’archipel de Trinité-et-Tobago ne vit pas du tourisme, qui représente seulement 8 % du PIB du pays. C’est juste un petit plus pour l’économie de cette manne pétrolière qu’on surnomme « l ‘Amérique des Caraïbes. »

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Loin du cliché qu’on se fait souvent des Antilles, la population de l’archipel est très diverse et se compose d’indiens, d’africains, d’asiatiques, d’arabes. Ces populations coexistent et se sont mélangées, donnant lieu à un métissage culturel incroyable. Les habitants de l’île ont aussi un accent très particulier, résultat direct de cette pluralité. Malgré tout cela, l’archipel reste relativement méconnu et est souvent comparée ou confondu, à tort, avec la Jamaïque— je dis à tort, car comparer Trinité-et-Tobago et la Jamaïque, c’est un peu comme de comparer son bras à une nageoire de phoque. Si la Jamaïque est devenue la vitrine des Caraïbes grâce à Bob Marley, Trinité-et-Tobago reste cantonnée dans le rôle du petit garçon muet du fond de classe dont on se souvient à peine du prénom. Et pendant que le capitaine de l'équipe de foot —la Jamaique— fanfaronnait en dégueulant des litres de punch, le petit gars tranquille —Trinité-et-Tobago— est devenu milliardaire à 25 ans dans la discrétion la plus totale. Avec un peu de recul, je me dis que je n’aurais jamais du m’embarquer là-dedans. Mais j’étais jeune, il y a trois semaines, et trop naïf pour ne pas répondre à l’appel du carnaval de Trinité-et-Tobago.

Photo - Mark Romany

L’histoire a commencé à la fin du 18ème siècle quand les colons français sont arrivés sur l’île. En plus de quelques esclaves, les français avaient ramené dans leurs bagages une religion et son lot de célébrations. Ainsi, avant le mercredi des Cendres (le jour qui marque le début du Carême), les esclavagistes avaient pour habitude d’organiser des soirées et d’y inviter leurs amis riches et racistes pour festoyer à plein ventre. Les esclaves y étaient bien sûr interdits et ont donc commencé à organiser leur propres propres fêtes (qui consistaient globalement à s’habiller différemment de d’habitude et à se foutre de la gueule de leurs maitres).

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Après l’émancipation de 1838, les anciens esclaves ont mis en place leur propre carnaval dans les rues, afin de célébrer la fin de l’esclavage en dansant et en chantant. Mais en 1881, le régime colonial britannique a mis fin à cette liberté et a réprimé le carnaval avec violence. Ils ont interdit les percussions et les chants africains sur l’île. Cinquante ans plus tard, les classes ouvrières se sont remobilisées, pour former un véritable orchestre, fait de couvercles de poubelles et de barils de pétrole vides avec lesquels ils ont fabriqué le steel-drum — le seul instrument acoustique non-électronique inventé au court du 20ème siècle. Après l’abolition de l’esclavage, un grand nombre de travailleurs Chinois, Indiens ou Orientaux sont venus s'installer sur l’île pour maintenir la croissance commerciale du pays. Ce sont également eux qui ont participé à faire renaitre les festivités, en y incorporant le folklore de leur pays respectifs.

Dès le début des années 60, les sonorités des différentes cultures qui composaient le pays se sont mêlées pour former un genre musical spécifique: la Soca. Garfield Blackman ( a.k.a Lord Shorty, a.k.a The Love Man, père de 23 enfants) a été l’un des pionniers de ce style. La Soca est devenu la voix des oppressés mais elle a infiltré toutes les classes sociales dix ans plus tard, quand les légendes du calypso Lord Kitchener, Mighty Sparrow et David Rudder ont commencé à y intégrer des textes provocants. Les insinuations sexuelles associées aux rythmes syncopés ont séduit les masses.

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Voilà pourquoi, après quelques siècles de lutte, les trinidadiens ont ce goût si particulier pour s’ambiancer, ou plutôt faire la fête en « limant ».

Photo - Mark Romany

L’un des particularités de ce carnaval c’est sa taille. C’est le deuxième plus gros au monde, juste derrière Rio. Et ce qui est encore plus impressionnant, c’est l’énergie qui en émane. D'autant plus qu'il dure deux mois. Je suppose que c’est pour ça qu’on a tendance à dire que une fois qu’on a participé à ce festival, on ne veut plus partir de l’île.

Je n’ai pas pu prendre 55 jours de congés d’affilée (et je n’aurais de toute façon pas pu rester éveillé aussi longtemps) mais je me devais d’aller sur l’île au moins pour la Semaine Bacchanale, les sept jours les plus intenses du calendrier grégorien. En fait, je n'appellerais pas vraiment ça des journées car on y perd très vite la notion du temps, vu qu'on ne se couche jamais. C’est le pire cauchemar du narcoleptique: des cuites à la pelle pendant des petites croisières, des soirées improvisées avec des frigos pleins, des street parties qui feraient rougir les brésiliens de honte, des sets de Major Lazer, et un show surprise de Machel Montano, qui ne s’est pas produit sur scène (ça aurait été trop conventionnel) mais en pleine foret tropicale où se déroulait une paint party. Cette orgie nationale a duré cinq jours et a atteint son paroxysme le lundi, à 2 heures du mat avec le show J’ouvert, qui marquait ma dernière soirée avant de retrouvé le monde que j’avais quitté quelques jours avant.

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Photo - Mark Romany

Au lever du jour, on a eu droit à la plus grosse fête de la semaine. Et on parle d’un vrai truc là, pas de quelques milliers de personnes habillées en débardeur fluo avec des fleurs dans les cheveux qui fument des joints dans un champ. Le lundi et le mardi au Carnaval, c’est un véritable film porno où l’alcool et les corps nus s’entremêlent pour donner au Carnaval un petit style qui rappelle la parade Amish de Thanksgiving.

Les morceaux de soca endiablés de Olatunji, Farmer Nappy, Fadda Fox et Flipo envoient des subs de la taille de mon salon, provoquant un véritable cataclysme qui balaye tout sur son passage sauf, bien sûr, les soca trucks, ces gros camions équipés d’énormes enceintes.

Je peux vous assurer que le Carnaval de Trinité-et-Tobago est l’expérience la plus drôle du monde. Et si vous avez une once d’estime de vous-même et que vous ne voulez pas quitter ce monde sans avoir vécu la plus incroyable des expériences, alors je suis persuadé que vous ferez le pèlerinage au moins une fois dans votre vie.

LA DESCENTE POST-CARNAVAL

Comprenez bien que tous les festivals et les carnavals ne sont pas comme ça, il faut que vous soyez conscient du risque que vous prenez en allant à celui-ci : toutes les autres fêtes auxquelles vous irez vous paraitront complètement nazes à côté. Pourquoi il n’existe pas de groupe de soutien pour les dépressifs post-carnaval ? Avant de me rendre à Trinidad, « soirée en boite » rimait avec « soirée de merde », mais depuis que je suis rentré de l’île, je suis obsédé par la fête. J’ai l’impression d’être un drogué en manque qui ne sait pas où et quand chopper sa dope.

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On sait que la vague de dépression Post-Carnaval, connue sous le nom de Carnival tabanca, est le revers de la médaille de ce festival. Après une grosse période d’euphorie, les participants reviennent à la réalité. Un grand nombre d’entre-eux sont américains ou européens et la plupart hésitent à retourner chez eux pour retrouver la dure réalité des sociétés occidentales.

Cette maladie est incurable car, quoi qu’il arrive, le monde paraitra toujours morne et merdique face à la folie de ce carnaval. Mais avec les bonnes méthodes, on peut s’en sortir. Si vous pensez que vous, ou un de vos proches, êtes atteint par cette Dépression post-carnaval, notez bien la liste de choses qui vont suivre et souvenez-vous qu’en un clic, tout peut s'arranger.

DJ PRIVATE RYAN

Walshy Fire de Major Lazer et DJ Private Ryan à la soirée Soca Brainwash.

Ce natif de Trinidad a participé à presque tous les carnavals. Ryan Alexander de son vrai nom, est à l’initiative d’un des meilleurs remèdes pour lutter contre la dépression post-carnaval. Son mix post-carnaval « Road Remedy » réalisé chaque année, juste après le carnaval, regroupe tous les meilleurs morceaux des meilleurs DJs présents tout au long des festivités. Cette année, le mix comprend des hits soca de Kerwin du Bois, du groupe KES, de Bunji Garlin, Erphaan Alves, Machel Montano Lyrikal, Olatunji, Farmer Nappy, Benjai, Fadda Fox et Skinny Fabulous.

FEEL UP RECORDS

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Le label Feel Up de Brooklyn est né grâce à Chris Leacock, a.k.a Jillionaire, membre de Major Lazer et fervent représentant de la soca, qui lutte pour que le style soit connu de tous. Sa dernière oeuvre est un remix de Circles, l’un des plus gros morceaux de ce cranaval. Le label Feel Up a aussi balancé différentes mixtapes gratuitement, suite au lancement de leur concept Free Ting Fridays. Mais tout n’était pas gratuit car pour assister aux events organisés par le label, comme le Chicken & Beer Tour par exemple, il fallait payer. Le 9 mai, ils commenceront leur tournée à Toronto pendant le Canadian Music Week. Ils s’arrêteront ensuite à Miami, à NYC et à L.A. De nombreuses autres dates sont prévu, pour en savoir plus, vous pouvez suivre Feel Up et Jillionaire.

MAJOR LAZER

Même s’ils ne sont pas exactement des producteurs de soca, les membres de Major Lazor sont bien déterminés à faire connaitre le style au niveau international. Avec Sound Bang et It’s A Carnival, ces activistes de la soca, ont ouvert le style à tous.

J

’ai malmené Jillionaire pour qu’il vous concocte une playlist des plus grosses tueries entendues pendant ce festival. C'est juste en-desous et ça va vous permettre d'oublier un instant votre open space de merde.

LA PLAYLIST DU CARNAVAL MADE IN JILLIONAIRE

Jillionaire de Major Lazer au Canrnival Tuesday.

Si vous ne pouvez pas aller à Trinité-et-Tobago l’an prochain, pas de panique. Plusieurs versions de ce carnaval existent à Londres, New-York, Miami, Houston et Washington. Machel Montano transposera, lui, l’ambiance de l’orgie cette année à L.A avec Epic Mass Band. Même la Caesar’s Army sera présente pour l'accompagner. Et si vous avez prévu de vous rendre à ce Carnaval de fou, je vois conseille de lire ce livre pour vous préparer correctement.