Comment faire chier les hippies en festival

Les hippies ont inventé le concept de festival. C'est chiant à admettre – surtout lorsqu'on aime les festivals – mais c'est indéniable. Ceux qui iront me soûler avec des commentaires type « Non mais tu vois, les Romains et les Celtes avaient aussi des festivals. Un festival est un rassemblement où les gens convergent pour célébrer un événement particulier, genre la fin des moissons » peuvent retourner à la Sorbonne choper leur putain de doctorat en Histoire. Ce guide n'a rien à voir avec les Saturnales romaines, on parle des Francofolies de La Rochelle ici. On ne parle pas de druides, mais de fluides.

Donc débarrassez-vous de votre musique folklo de merde et de vos connaissances sur l'histoire pré-années 1960 et admettez que les festivals de musique sont l'engeance générée par Woodstock ; une horde de babos chevelus qui rassemblent leurs corps gluants dans la joie éternelle jusqu'à la vallée des mille orgasmes. Aujourd'hui un festival comme les Solidays est là pour le prouver. Ou ces putains de Vieilles Charrues, le Altamont des Français de la génération Y. Étant donné que les hippies ont défini le festival moderne, vous êtes en droit de penser qu'ils seront la catégorie de gens la plus difficile à faire chier. Vous aurez probablement raison pour les raisons précitées, mais ce n'est cependant pas impossible ; j'en ai fait l'expérience.

L'année dernière, je me suis retrouvé sur les « Green Fields » de Glastonbury avec un pote – qu'on appellera Alex. On a traîné avec une vieille de 60 piges. Elle s'appelait Gardienne du Jardin ou Conscience Sociale de Joan Baez ou une autre connerie psychédélique du genre. On a parlé avec elle pendant une heure avant qu'elle – pas nous ! – ne puisse plus le supporter. Pour s'excuser, elle nous a sorti qu'elle « devait aller vérifier un truc dans le jardin » alors qu'en vérité elle s'est juste tirée un peu plus loin pour se cacher avec d'autres hippies de merde. Elle n'en avait plus rien à battre de nous. On avait réussi L'IMPENSABLE : faire chier le chiant. Notre rêve était devenu réalité. Vous aussi y serez en mesure à partir de maintenant.

SUJETS À ABORDER

Vos arbres préférés

Vous pensiez que ce thème serait doux à l'oreille de nos chers amis velus ? Vous vous trompiez. C'est justement lorsqu’Alex a demandé à Conscience Sociale quel était son arbre préféré que notre conversation a commencé à capoter. En gros il l'avait battue sur son propre terrain, il avait été plus hippie qu'une hippie. Personne ne veut se faire enlever sa singularité comme ça – un peu comme le punk de service, gêné par votre connaissance encyclopédique de la discographie des Dead Kennedys, bootlegs inclus. Cette hippie – confrontée à la douloureuse mais saisissante description de l'âme d'un chêne millénaire – n'avait pas d'autre choix que de se casser.

Faire revivre Altamont

Altamont marque le déclin du rêve hippie. Du coup votre désir d'en voir une version moderne sera perçu par le cerveau hippie comme une menace potentielle, non seulement contre lui, mais contre tous ses principes, idées et jus de fruits biologiques de merde.

Être docteur ès hippie

Vous savez tous sur Stonehenge ? Vous connaissez l'histoire du druidisme ? Vous avez obtenu un diplôme en philosophie slave ? Une connaissance détaillée des sujets traditionnellement placés au cœur de la culture hippie inspireront la crainte – et la crainte inspire toujours l'ennui.

La musique agressive

La Jungle, la Techno hardcore, en gros tout ce qui se rapproche esthétiquement de la vie citadine et de l'agressivité. Imaginez que vous êtes assis sur un botte de foin avec Cat Stevens au début des années 1970 puis imaginez le truc qu'il détesterait le plus écouter et enfin, parlez-en.

Être pragmatique

Dire qu'il est réaliste (et possible) de penser à un éventuel retour de l'humanité vers un mode de vie idyllique, pastoral et chiant dans lequel la soupe à la carotte constituerait la base de tout régime alimentaire. Voire même, envisageable. Cette réflexion provoquera une blessure si profonde qu'elle mènera votre interlocuteur vers l'ennui ultime.

LES SUJETS À NE PAS ABORDER

Les différents types de weed

Tout comme les ados attardés, les hippies aiment à se vanter de leur savoir en matière de weed, hash, beuh, teuteu ou ganja. Qu'il s'agisse de Purple Haze, de Jack Herer ou de « naturelle », ne soyez pas surpris, elles y passeront toutes. Quand un hippie vous fait une description des différentes espèces de cannabis c'est pour lui – à l'inverse du reste de l'humanité – le contraire d'un « truc relou ».

Les médocs

Vous êtes tous accrocs à l'Anadin, au Nurofen ou n'importe quel autre produit fabriqué par les laboratoires Pfizer, GlaxoSmithKline ou Roche. Vous devrez cacher votre amour pour ces médicaments de consommation de masse. Le dévoiler vous verra contraint et forcé d'embarquer pour un long voyage dans la nuit et le brouillard où vous vous ferez laver le cerveau à coup d'inhalations de zestes d’échinocactus tropical et autres pépites de menthe séchée.

Le mouvement indigné

Tenez-vous prêt à ce que votre cerveau, votre corps et votre esprit soit occupés pendant des jours durant si d'aventure, vous abordez ce sujet.

Crosby, Stills, Nash ou Young

Même si les explorations musicales de Young du côté du rock expérimental et du punk à la fin des années 1970 le rendent moins dangereux qu'il n'y paraît.

Le shampoing pour cheval

J'aimerais qu'il s'agisse d'une blague, mais pas du tout. Avec leurs dreads qui volent dans toutes les directions et ce duvet brillant qui recouvre leur torse et leur dos, ces types savent tout sur le shampoing. Et sur tous les shampoings. Abordez la question et vous vous retrouverez dans un cours sur les produits de beauté pour bourrins – et ça durera trois heures minimum.

Les multinationales

Jamais. Parler de votre amour pour la bouffe d'hypermarché, les carburants Shell ou les nouveaux missiles Dassault ne fera qu'exciter en eux le hippie que vous essayiez d'emmerder. Vous vous retrouverez vite en plein débat, et le mot « débat » impliquant le mot « arguments », inutile de vous dire que vous en aurez encore pour quelques années avant de pouvoir rentrer chez vous et enfin, dormir.

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