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Music

Cheveu raconte la face A de son nouvel album, Bum

Drogue, séquestration, concours de baffes, mec fou qui conduit une charrette.

Photo - Dezoteux Pour son nouvel album, Cheveu aurait pu se contenter de réitérer les multiples tours de force de l'intouchable 1000, deuxième LP du trio parisien, qui avait déboulé à pleine vitesse dans 2012, comme un concentré d'essence de vie de merde balancé avec la force des gueux, la rage des seigneurs et le désespoir des justes sur une nation de veaux assommés par l'ennui. Un disque qui à permis aux sultans du shitgaze d'exploser à la face du monde dans un épais brouillard d'écume, et qui est aujourd'hui réduit à néant par Bum, troisième album, clairement le disque le plus beau, fou, excessif, et juteux que vous entendrez cette année, et sans doute les 7 ou 8 prochaines. Afin de célébrer la Toute-Puissance de Bum, nous avons décidé de consacrer une semaine entière à Cheveu et à cet album pandémoniaque où se croisent pirates, dealers, Claude Pompidou et mecs chelous qui roulent en charrette. Comme le disque s'écoute de préférence sur vinyle et que j'aime que les choses se fassent dans l'ordre, j'ai demandé à David (chant/machines), Etienne (guitare) et Olivier (machines) de commencer par me raconter l'histoire derrière les cinq titres de la face A de Bum.

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01. PIRATE BAY

Noisey : C'est à la fois le morceau le plus pop de l’album, et le plus surprenant. Bizarrement, d’entrée, ça déstabilise un peu.

David :

Oui, surtout que jusqu’à présent, on avait pris l’habitude de commencer par un truc qui envoyait direct.

Olivier :

On voulait prendre le contrepied de ça, avec un titre plus accessible, mais en même temps assez débile, quand tu écoutes bien.

David :

En plus, c'est un peu tordu, parce que le premier morceau est généralement censé donner la tonalité du disque. Sauf qu'après, ça change complètement, et du coup, tu ne comprends plus rien.

Ça donne quand même une indication sur le fait que l’album va être plus clair, plus produit.

Olivier :

Oui, il y a déjà pas mal d'arrangements, et des parties d’orgue, qu'on a enregistré avec Xavier Klaine à l'église Saint Merri.

David :

Il y a un petit clin d’œil à Metronomy. Le disque commence avec un bruit de vagues, comme

English Riviera

. C’était pas voulu, mais on s’est rendu compte de la ressemblance après coup. Ça nous a fait tiquer, parce que c’est un disque qu’on a pas mal écouté, Olivier et moi.

Olivier :

Au moment où on l'a composé, j'écoutais pas mal Ricardo Tobar, aussi. On va faire un clip pour quasiment chaque morceau de l’album. Pour « Pirate Bay », on travaille sur un dessin animé, illustré par

Pierre Ferrero

, qui publie aux

Requins Marteaux

et qui joue dans

Le Pêcheur

, entre autres. Ça va être très naïf, avec de gros aplats de couleur [

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il montre un petit extrait

], ça va avec l’ambiance un peu baléarique qui se dégage du titre.

David :

C’est complètement raccord avec les paroles aussi, qui parlent d’un type qui veut avoir des yeux de pirate, un pour avoir l’air gentil, un pour avoir l’air méchant, un pour regarder à l’intérieur de lui, un pour regarder au dehors…

Olivier :

C'est très « on part en mer chasser des baleines, on est des pirates. » [

Rires

] Mais le chant casse tout. Sur les couplets par exemple, ça me fait penser à Ol Dirty Bastard.

David :

Ouais, il y a un truc un peu agressif, hyper lourd.

02. SLAP 'N' SHOT

David :

L'histoire de ce titre, ça vient d’une anecdote de tournée, un concert un peu lose à la Nouvelle Orléans où on a juste joué trois ou quatre morceaux, parce qu'on on a pété tous nos transfos. Ça se passait dans un rade de la Nouvelle Orléans qui s’appelait le Siberia, un endroit hyper bizarre, un gros bar de blancs au milieu d’un quartier noir, avec une ambiance bien chelou et un club un peu chaud juste à coté. On s’est retrouvé à 3 heures du matin, à la rue, sans endroit où dormir, et là, sur le trottoir, il y’a un petit mec qui déboule, genre 17 ans, tout gentil, qui nous dit dans un français impeccable qu’il peut nous héberger chez lui.

Etienne :

Et qu’il nous invite pour une dernière bière, tout ça. Et en fait, on arrive chez lui et là il nous fait « bon alors maintenant, vous arrêtez de parler français, ça me saoule » et il sort un énorme flingue.

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Olivier :

En fait, il s’est avéré que c’était un dealer de coke.

David :

Mais genre un super gros, quoi. Dans son jardin y’avait un arbre gigantesque et à chaque branche il avait accroché des bouteilles de Jim Beam vides.

Etienne :

Son appart était vraiment dans le ghetto, il y avait des mecs chelous qui passaient avec des charettes de meubles…

David :

Et bref, le mec nous oblige à nous lancer dans un jeu à boire avec sa nana, pendant qu’il nous regardait, avec son flingue et son sac de coke. Sa nana se déshabillait progressivement au cours de la soirée, et à la fin, elle a terminé complètement à poil. Le jeu s’appelait « Slap & Shot » : tu bois un shot de bourbon cul-sec, après quoi tu colles une énorme baffe à la personne en face de toi, en l’occurrence sa meuf. Et c’est monté en pression comme ça, avec la fille qui se désape, le flingue, la coke, le bourbon. À un moment on devait tous se taper des traces sur la cuisse de la fille. L’angoisse absolue.

Etienne :

[

il chante

] « Le bourbon c’est la vie »

David :

C’était vraiment très bizarre

Olivier :

C’est marrant, à la base c’était un morceau super krautrock, hyper répétitif, et c’est totalement parti en brioche.

Etienne :

C’est aussi un des premiers titres sur lesquels on a fait des choeurs avec Olivier.

03. POLONIA

Là encore, un morceau assez paradoxal, puisque c'est à la fois le titre le plus ambitieux, le plus « autre », et en même temps, c'est celui qui résume le mieux le disque.

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David :

Complètement. C’est celui qui fait la révolution chez Cheveu. En terme de silences, d’espace, de tempo, de son, de paroles…

Olivier :

C'est aussi celui qui définit la trame de

Bum

, tout ce truc de voyage imaginaire, en appartement, calé dans un fauteuil club en cuir, dans un décor un peu années 30. On l’a écrit en revenant d’une tournée en Angleterre, en plein hiver. On était super fatigués, et on avait mal aux oreilles, alors on a commencé à jouer des trucs minimalistes, très calmes.

Etienne :

On essayait de penser à l’été.

Olivier :

On a calé assez vite les bases du morceau, sur lesquel sont ensuite venus se greffer les choeurs, arrangés par Maya Dunietz [

musicienne israëlienne, déjà responsable des arrangements de cordes sur

, le précédent album du groupe

], et l'orgue de Xavier Klaine. Je trouve que le rythme sonne limite jungle. Je l'ai fait avec un Korg MiniPops, en appuyant sur plein de boutons à la fois.

Le morceau, vous l'avez structuré comme ça dès le départ, ou bien c'est une association de plusieurs plans ?

Olivier :

Non, c'est venu comme ça assez vite, on a juste ajouté une partie mélodique à la fin, le truc qui ressemble un peu à « Madame Rêve » d’Alain Bashung

Etienne :

Oui, un petit peu [

Rires

]

David :

Si on avait vraiment voulu faire un disque sombre, glauque, bien assumé, on aurait pu démarrer le disque par ce morceau.

Il vous est venu comment ce titre, « Polonia » ?

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David :

Par hasard, en composant le morceau. J'avais cette impression d’ambiance désertique, glaciale, terrible, genre « No Future » total. Les paroles sont basées sur un dialogue extrait de

Buffet Froid

, de Bernard Blier. Pour ce morceau là aussi il y aura un clip. Un truc futuriste, avec de la motion capture.

Olivier :

On joue sur une table avec nos avatars, comme dans

Star Wars

.

David :

Ça a été tourné dans

la maison futuro des puces de St Ouen

. Tout est filmé à l'intérieur.

04. JUAN IN A MILLION

David :

Bon, outre le fait que c'est un jeu de mots un peu pourri, c'est aussi une référence à une autre anecdote de tournée. Il y a 3-4 ans, on a joué au SXSW à Austin, et on a croisé un type dans la rue avec une charrette pleine de tableaux sur lesquels il y avait son portrait, avec marqué « Juan in a million » dessus. Après, on a checké sur le net, et on a découvert que le mec avait tout un business autour de sa tronche, avec des t-shirts, des mugs…

Etienne :

Le morceau est parti d’une boucle automatique sur un clavier, un vieux Hohner que Julie Normal, l'ancienne guitariste de Crash Normal, a trouvé dans la rue. Je tiens à préciser également que c'est le morceau sur lequel figure mon anti-solo, un morceau de bravoure qui sera, je l'espère, relayé dans les pages tablature de

Guitar Part

.

Olivier :

C'est aussi notre morceau tuning. Beaucoup de grosses basses. Par contre, on est pas encore certain de faire un clip pour celui là.

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05. STADIUM

Olivier :

Pour « Stadium », en revanche, il y aura un clip,

c’est même le premier qu’on va balancer

. C’est aussi un des premiers titres de

Bum

qu’on a enregistré. Les orgues de Xavier Kleine lui ont donné un côté hyper grandiloquent.

Etienne :

Ça sonne un peu « morceau de stade » à pas cher, genre MGMT super foireux. Le titre vient de là.

David :

Pour les paroles, je voulais faire un genre d'hymne nerd, genre glorieux et raté à la fois. « Je suis nase, mais c'est pas grave »

Pour l’orgue, vous avez eu l’idée après avoir joué à l'église Saint Merri avec Xavier Kleine ?

Olivier :

Oui, du coup ça a pu se faire assez facilement. On nous a donné les clés de l’église, et on a enregistré les parties d'orgue avec Xavier, en une demi journée.

Pendant l’enregistrement ou après ?

Olivier :

Après. On a d'abord tout enregistré en studio et, même si on était contents du résultat, on trouvait que les morceaux étaient un peu vides, trop minimalistes. Du coup on eu l'idée de l'orgue et des choeurs, mais tout ça est venu se greffer après, et on a laissé Xavier et Maya faire exactement ce qu'ils voulaient. On n'est pas du tout intervenu sur les arrangements.

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Lelo Jimmy Batista est le rédacteur en chef de Noisey France. C'est un fou de cheveux. Un seul des siens suffirait à vous briser la nuque. Il est sur Twitter - @lelojbatista