Va chier Coachella : le meilleur festival du moment se passe à Tijuana

Photo - Will Kinser

Oubliez Coachella (franchement, ça intéresse qui en 2014 de voir Woodkid et Arcade Fire au milieu d'un public principalement composé de bouffonnes en blanc et de pignoles sans chemise ?) : le festival le plus excitant que vous pourrez voir cette année sur le continent américain se déroule au Mexique, à 2 km au sud de la frontière, et l'affiche est composée de 20 groupes dont vous n'avez jamais entendu parler, et qui sont soit trop fauchés, soit trop bronzés pour avoir le droit de jouer aux USA. Ça s'appelle Burnouts En Baja Volume 1, ça se passe le 26 april à Tijuana, et si vous voulez mon avis, il n'y aura probablement pas de Volume 2.

Durant 2 jours, vous pourrez voir, au TJ Art & Rock Café de Tijuana (où se déroule le festival), les crusts mexicains de Bio Crisis, le groupe pop-punk de L.A., Generacion Suicida, ou les canadiens ultra-vénères de Proxy, dans un univers parallèle où les gens portent des perfectos à clous avec des patches en espagnol. Burnouts En Baja Volume 1 a été organisé en soutien au groupe Los Monjo, qui s'est récemment vu refuser l'entrée sur le territoire américain.

« Pour jouer aux USA, il nous faut un VISA. Mais pour avoir ce VISA, il faut prendre un rendez-vous avec le consulat, et verser 200$, qui ne vous seront pas restitués, que le VISA vous soit accordé ou non. Le souci, c'est qu'on n'a pas de compte en banque, parce qu'on est trop jeunes et que le travail qu'on fait n'est pas légalement reconnu. »

Los Monjo sont originaires d'Oblatos, un des quartiers les plus pauvres de Guadalajara. Les membres du groupe sont tous frères et la plupart d'entre eux travaillent pour le Birria y Barbacoa [stand de restauration ambulant] de leur père. Ce qui ne les a pas empêché de tourner en Europe sans le moindre souci (« L'Espagne, c'était vraiment génial, mais en France et en Allemagne, les gens ne nous connaissaient pas, l'accueil était un peu plus froid »). Pour les USA, c'est une autre histoire. Los Monjo n'ont pas le droit d'entrer sur le territoire parce qu'ils n'ont pas de compte en banque. Soit, par extension, parce qu'ils appartiennent à une classe économique et sociale défavorisée.

Ce genre de situation est évidemment courante, mais y répondre en organisant un festival, ça c'est plutôt nouveau. Le projet a été lancé par Jose et Josh du label Discos MMM (qui jouent également dans le groupe Ruleta Rusa). Discos MMM est un label de la Bay Area, qui existe depuis novembre 2012, et qui a sorti une poignée de disques géniaux, parmi lesquels ceux de Proxy et de Decraneo. Il fait également partie, aux côtés de Silencio Statico, Todo Destruido, Overdose Records, et Lagua Armada (le label de Martin de Limp Wrist), de la nouvelle génération de labels punks bilingues et trans-frontaliers qui refusent la nostalgie, la facilité et les pleurnicheries.

L'idée du festival Burnouts En Baja a été lancée dès 2012. « On a vu jouer Los Monjo, se souvient Josh, et ils étaient tellement bons, tellement habités par leur musique, qu'on s'est dit qu'il fallait absolument faire quelque chose pour les aider ». Cette première tentative a échoué, mais cette année, les étoiles se sont alignées. Plus exactement, Los Monjo ont sorti leur premier album et Proxy sont partis pour leur première tournée américaine, ce qui faisait de 2014 le moment idéal pour la réalisation du projet. « C'est la première fois que ce genre de chose nous arrive, racontent Los Monjo. On a déjà énormément joué, donc on ne se sent pas particulièrement stressés, même si ça fait un moment qu'on n'a pas répété et qu'on ne pourra sans doute pas le faire d'ici le festival. »

À l'heure où ressurgit le désespérant débat des « vrais groupes DIY » contre les « faux groupes DIY », Burnouts En Baja s'impose comme une des initiatives les plus sincères et rafraîchissantes du moment. Josh et Jose ont passé de longs mois à mettre cet évènement sur pied, uniquement pour l'amour d'un groupe qu'ils adorent et qu'ils veulent faire découvrir à un maximum de gens. Les choses devraient toujours se passer comme ça. Et la vie ne peut définitivement pas se résumer à un rassemblement de moutons se pressant sous le soleil pour voir un putain de groupe canadien déjà adoubé sur les cinq continents.

Zachary Lipez est sur Twitter - @ZacharyLipez