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Les Black Lips sont toujours partants dès qu'il s'agit de parler d'armes à feu

On a interviewé le groupe d'Atlanta dans un état second mais ça ne les a pas empêché de nous répondre.

Toutes les photos sont de Melchior Ferradou Tersen On a été rencontrer les Black Lips au lendemain de leur premier concert au Nouveau Casino. L’attachée de presse nous prévient d’emblée : « ils ont passé la nuit dehors et n’ont qu’une envie : retourner se coucher. Il y en a un qui est rentré à l’aube par ses propres moyens et il en manque un, qui a disparu dans la nature ». Un coup d’œil suffit pour vérifier la véracité de ces informations : avachis dans des fauteuils, Cole Alexander (guitare/chant), Joe Bradley (batterie/chant) et Jared Swilley (basse/chant) répondent mollement aux questions du journaliste qui nous précède. En attendant mon tour, je repense au concert de la veille, aussi court que brillant (56 minutes). Un set des Black Lips procure toujours l’impression jouissive d’être dans un continuum spatio-temporel où se télescopent sixties punk, punk rock et garage. Et tant pis si quelques peine-à-jouir, comme seul Paris peut en produire, s'indignent au son de « c’était plus sauvage avant » et autres « on est bien loin de la Boule Noire ». Depuis ma place, je vois Cole Alexander disparaître dans son fauteuil et Jared Swilley devenir de plus en plus livide, tandis que le batteur semble, lui, s'être littéralement pétrifié. L’arrivée inopinée du guitariste Ian Saint Pé, de toute évidence frais comme un gardon, réveille un peu tout le monde. Il était temps.

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Noisey : Alors, il paraît que vous avez passé une nuit agitée ? Joe : Tu m’étonnes, on a eu une super nuit !
Cole : Ouais, c’était vraiment, vraiment une sacrée nuit !
Jared : Ouais, énorme !

Du genre ?

Jared : Oh ! Arrh ! Arrh ! Hé, hé, hé… [Ricanements et borborygmes divers]
Cole : [Tentant de noyer le poisson] C’est pour quel magazine déjà ?

Noisey.

Oooh, Vice ! [Exclamations collectives]

Hier soir, la scène a été une fois de plus prise d’assaut dès les premiers accords de « Bad Kids ». Vous souvenez-vous de la première fois où le public a envahi la scène pendant cette chanson ?

Jared : Hem… Je ne me souviens pas dans quelle ville ça s’est passé pour la première fois mais c’était en Angleterre. Les gens ont vu la vidéo sur YouTube et ont fait la même chose à la date suivante, et ainsi de suite.
Cole : Comme la chanson s’appelle « Bad Kids » elle encourage d’une certaine manière les gens à se comporter comme ça. On ne peut pas leur dire de ne pas le faire, ça serait un oxymore. Mais c’est vrai que c’est parfois lourd : on se fait frapper, l’équipement est cassé…
Joe : La moitié de ma batterie a été démolie deux fois pendant cette chanson. Elle a été cognée. Les types la balancent et lui tapent dessus…
Cole : Ouais, ils tapent…

Ça se passe aussi comme ça aux Etats-Unis ?

Cole : Non, c’est surtout en Europe…
Jared : Et au Canada.
Cole : C’est un concept étranger !
Jared : Cela dit, c’est arrivé quelques fois aux US : à New York et, je crois, à Chicago.

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Vous vivez toujours à Atlanta ?

Cole : Oui, sauf Ian qui habite à Nashville.

Les Sudistes sont souvent fiers de leurs origines. Vous ressentez cette sorte de patriotisme autour de vous ?

Cole : On ne le sent pas envers les Etats-Unis, car notre région était dans le camp des Rebels pendant la Guerre de Sécession.
Jared : En fait, on vient de la région la moins patriote…

Pardon, je voulais parler de patriotisme sudiste…

Cole et Jared : Ah, ça oui, oui !
Jared : C’est clair que les gens ont plus de fierté pour leur région qu’en ont, mettons, les habitants du Maine, du Colorado ou du Vermont…

Et vous-mêmes, vous éprouvez ce patriotisme ?

Cole : Ouais, un petit peu.
Jared : Le Sud a une culture vraiment différente du reste du pays. Il ne faut pas prendre ça trop au sérieux mais c’est sans aucun doute une région à part et, quand on naît là-bas, on ne peut pas combattre ça.

Y avait-il des membres de vos familles qui jouaient dans des groupes de rock ?

Jared : Du rock pas vraiment mais ma famille a publié un tas de disques de gospel dans les 60's, 70's et 80's.
Cole : Mon père jouait de la guitare et bossait dans un magasin de disques.

Vous avez eu très tôt la réputation d’être un groupe qui bossait beaucoup et qui jouait partout. Jared : Au début, comme on n’avait pas l’âge d’aller dans les bars, on jouait chez les gens, dans des fêtes.
Joe : Si tu es d’Atlanta, tu risques de ne jamais quitter la ville et d’aller autre part. Même les tourneurs ont ce qu’on appelle « le syndrome d’Atlanta » qui fait référence à tous ces bons groupes qui ne quitteront jamais la ville alors qu’il faut la quitter.

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C’est difficile de la quitter ?

Joe : Il faut se barrer du Sud, c’est un des trucs essentiels. Tu apprécies plus un endroit quand tu l’as quitté et que tu y retournes. Il est facile de prendre racine là-bas : la vie ne coûte pas cher, le climat est agréable, la nourriture est bonne… Il est vraiment très facile de se la couler douce à Atlanta.
Jared : Et c’est une ville assez éloignée des autres grandes villes. Hormis Memphis et Nashville, il n’y en a pas. La Nouvelle-Orléans est une ville fun mais elle est malgré tout assez éloignée d’Atlanta.

Jouer à Atlanta représente quelque chose de particulier pour vous ?

Jared : Ah oui !
Cole : Absolument. Nos familles et tous nos amis viennent aux concerts et on ressent toujours quelque chose de spécial de jouer dans sa ville. On essaie de faire ça une ou deux fois par an.

Vous pensez rester longtemps à Atlanta ou vous envisagez de déménager ?

Jared : Je voyage tellement que ça me va d’y revenir. Comme disait Joe, la vie est bon marché et le climat est bon. Et comme je vois toute l’année plein d’autres endroits cools…

Vous vous voyez souvent en dehors du groupe ?

Jared : Nous habitons pas loin les uns des autres sauf Ian mais comme on se voit tout le temps, ça fait du bien de faire un break de temps à autre.

En moyenne, combien donnez-vous de concerts pas an ?

Jared : Quand on a un disque qui vient de sortir, on peut aller jusqu’à 250 par an. Je crois que le plus qu’on a fait était 300 !
Joe : Cette année, on en donnera pas loin de 200…

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Pour en revenir avec la Géorgie, que pensez-vous de la nouvelle loi qui assouplit encore le port d’armes…

Jared : Elle ne me pose pas de problème. Il y a tellement de flingues là-bas…
Joe : Cette loi ne change pas grand-chose. Si tu as un flingue, un policier ne pourra plus exiger que tu produises ton permis de port d’armes sauf si tu as commis quelque chose d’illégal. Donc si tu portes un flingue sans en avoir le droit, la police ne pourra plus te demander d’explications.
Jared : Je suis plutôt OK avec cette loi. La veille de notre départ pour l’Europe, j’étais assis sous mon porche avec notre tour manager américain. Tout à coup, nous avons vu deux gamins qui pourchassaient mon voisin dans la rue. Ils brandissaient des flingues et ils se sont mis à s’en prendre à un passant qu’ils ont frappé au visage à coups de gun. Mon flingue n’étant pas loin, je suis allé le chercher. À ce moment, j’ai souhaité que mon voisin en ait un, il aurait pu riposter.
Cole : Cette histoire de flingue est culturelle et la situation ne va pas changer de sitôt. C’est inscrit dans notre Constitution.
Joe : Il y a plus de flingues par habitant en Suisse qu’en Georgie. En Suisse, il est tout à fait normal de rapporter son arme de service chez soi après avoir quitté l’armée.
Jared : C’est cool d’aller dans des endroits comme la Hollande ou la Suède où personne n’a de flingues. On a un sentiment de sécurité mais il y a 400 millions de flingues en Amérique et on ne va s’en débarrasser avant la fin de mes jours. La culture du cow-boy est enracinée chez beaucoup d’Américains et ils vivront toute leur vie avec.

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Vous avez repris des chansons de groupe 60s punk comme le « Wild Man » des Tamrons ou le « Again & Again » des Iguanas [groupe dans lequel Iggy Pop jouait de la batterie]. Envisagez-vous de faire un album uniquement constitué de reprises comme l’avaient fait les Damned et les Ramones ?

Jared : La seule fois où on a parlé d’enregistrer un album de reprises était à un moment où on voulait quitter une maison de disques à qui on devait encore pas mal de disques. En dehors de ça…
Cole : Je ne verrais pas d’inconvénient à enregistrer un album de reprises. Ça a bien marché pour d’autres artistes comme Cat Power. Les gens aiment bien entendre des chansons qu’ils connaissent déjà. Je suis ouvert à cette idée.

Comment procédez-vous pour écrire vos chansons ?

Jared : Généralement, je sifflote des airs dans mon téléphone et ensuite je bosse sur ces idées la nuit.
Ian : J’écoute du bruit blanc et je me mets à entendre des chansons dans la tête. J’ai l’impression que les chansons existent. Le bruit blanc devient le véhicule pour mes pensées qui deviennent presque tangibles.

Quel conseil donneriez-vous à un groupe qui débute ? Joe : Faites-vous des amis ! [Rire général]
Cole : Faites un bon clip !
Ian : Joe en a parlé plus tôt : sortez, ne restez pas dans votre ville et faites ce qu’il faut pour jouer à différents endroits.
Jared : Soyez sûrs qu’il y a un million de gens qui travailleront plus dur que vous. Et bien, essayez de travailler encore plus dur qu’eux ! Olivier Richard réussira toujours à caser les Ramones dans une interview. Il n'est pas sur Twitter. Plus de Black Lips sur Noisey