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Music

Bane sort un dernier album avant de quitter définitivement la scène

Avant de se séparer pour de bon, le groupe hardcore du Massachussets nous parle de straight edge, de bastons et de l'endroit où ils ont mis la démo que vous leur avez filé en 2003.

Ça faisait un moment que personne n'avait plus de nouvelles de

Bane

. Le groupe hardcore du Massachusetts n'avait rien sorti depuis l'album

The Note

en 2005. Bon, et bien vous pouvez ressortir vos hoodies zippés à 4 lettres et vous préparer à marcher sur une mer de crânes rasés, parce leur quatrième et dernier album,

Don’t Wait Up

, sera disponible le 13 mai prochain sur

Equal Vision Records

. Après quoi, ils raccrochent définitivement les gants. Ce qui vous laisse largement le temps de faire un ou deux selfies dans le mosh-pit, de lancer deux-trois débats sur la room straight edge de Soulseek et de rafraîchir votre profil Myspace… Ah mais, attendez, on n'est plus en 2005 ?

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Écoutez le nouveau morceau extrait de l'album, « All the Way Through », il devrait vous téléporter instantanément à l'époque des shorts mous et de l'Internet fun. On a d'ailleurs profité de ce petit voyage dans le temps pour poser quelques questions au chanteur du groupe, Aaron Bedard. C'est juste en-dessous.

Noisey : Une question que tout le monde va vous demander : pourquoi vous arrêtez ?

Aaron Bedard :

Parce qu’on est vieux, putain. Et qu’on vieillit chaque jour un peu plus. Le hardcore, c’est un truc pour les jeunes et il est temps qu'on s’éclipse avant qu’on devienne VRAIMENT embarrassants.

Puisque vous allez bientôt vous séparer, avez-vous un secret à nous révéler ?

Je n’ai jamais écouté une seule des démos, CDs ou 45 tours qu’on m'a filé aux concerts. Désolé les gars, votre musique a été soigneusement enfouie dans tout un tas d'endroits au quatre coins de la planète. J’aime bien imaginer que des gens tomberont dessus un jour. Et c’est pareil pour les T-shirts… Mec, tu n’as même pas envie de savoir ce que j’ai fait avec.

Vous allez faire quoi après le groupe ?

Honnêtement, j’y réfléchirai le moment venu. C’est comme ça que j’aborde la plupart des moments difficiles de l'existence. J’ai l’impression que je m’en sors toujours mieux une fois le dos au mur. Je vais devoir trouver autre chose, c’est sûr. Je ne suis doué pour rien, à part traîner, pioncer, manger des conneries, perdre mon temps, et jouer au poker. Si quelqu'un cherche un mec spécialisé dans tout ce que je viens de citer, qu'il m'appelle !

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Vous avez des boulots à côté ?

Je n’ai jamais trop su ce que les autres faisaient. Dilly promène des chiens. J'ai passé l'hiver à jouer au stud poker, à Foxwoods et au Mohegan Sun, en en profitant pour dévaliser leurs buffets.

C’est quoi le truc le plus pété qui vous soit arrivé en tournée ?

On était en tournée avec Agnostic Front. En Floride, une bande de skins nazis s’était pointée et une baston générale a éclaté à la fin de leur concert. Il y avait des putains de cinglés dans la salle avec des armes, il y en a même un qui avait un sabre. C’était le chaos total. Les gens à l’intérieur essayaient de bloquer les énormes portes en métal, et les mecs forçaient pour entrer. Je ne savais même pas où se trouvaient les autres membres du groupe et s’ils étaient en sécurité. Mais l’image qui me reste en tête est celle de cet énorme type de la sécurité qui se faisait traîner par ses dreadlocks, le visage ensanglanté et les vêtements complètement déchirés. Les flics sont arrivés peu de temps après. Le sentiment d’impuissance que j'ai ressenti en voyant ce nazi géant traînant le vigile par terre, pour lui faire Dieu-sait-quoi, je ne l'oublierai jamais. C’était affreux.

Vous êtes toujours straight edge ? Un avis sur cette scène aujourd’hui ?

Ouais, moi, Dilly et Zach on l’est toujours, depuis le début. Notre nouveau bassiste James Siboni porte fièrement le flambeau lui aussi. Chacun a une vision différente du truc dans le groupe. Ce milieu peut être constitué de personnes vraiment ridicules et puériles. Des gamins te hurlant à la face qu’ils ont tout compris et qui, huit mois plus tard, ont disparu et sont passés au nouveau truc cool. C’est le risque de chaque culture jeune. Et c’est aussi ce qui rend tout ça attachant. Des gamins qui s’accrochent à un truc qui leur permet de braver la réalité. D’autres viennent de l’autre bord, et sont meilleurs parce qu’ils ont découvert le straight edge sur le tard. Certains l’envisagent comme un engagement sur toute une vie, comme un état d’esprit courageux, et je trouve ça tout simplement beau. Ce n’est pas nécessairement un moyen de se rallier à un groupe, mais plutôt de chercher à faire les meilleurs choix possibles et mener une vie respectueuse.

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Je trouve toujours ça génial quand je vois des jeunes mecs avec des X sur les mains, ou des groupes qui se revendiquent straight edge. Je suis curieux de voir ce qu’ils vont devenir et s’ils vont autant s’éclater que moi et mes potes. Mais je le répète, si tu demandes ça à Zachy ou James, ils te sortiront un truc complètement différent.

« Wasted On The Young » sur votre dernier album a été interprété comme une critique de la scène straight edge. Tu as un commentaire à faire là-dessus ?

Ouais, comme je l’ai dit plus haut, ça peut paraître un peu débile à 16 ans, de parler comme si tu savais parfaitement ce que tu allais devenir. Mais il n’y a aucun moyen d'expliquer la vie à un gamin de 16 ans. Il va devoir tout apprendre par lui-même et c’est très bien comme ça.

Quand j'ai écrit « Wasted On The Young », j'avais cette idée en tête de l'adolescence, où tu es capable de rebondir très facilement après un échec, où les erreurs sont pardonnables, les leçons pas encore assimilées. Alors, pourquoi ne pas désobéir un peu ? On peut tout essayer. Et trouver ce qui te correspond plutôt que de suivre bêtement la meute, en jurant fidélité à des trucs que tu as vu écrits sur un T-shirt sans savoir vraiment qui tu es vraiment, et comment tu vas évoluer. Et ensuite tu vieillis et tu apprends comment marche le monde et une pression inouïe va s'abattre sur toi, pour te pousser à rentrer dans le rang, c'est peut-être à ce moment là que le straight edge te sera le plus utile, et qu'il te permettra prendre un engagement sur le long terme.

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Mais peut-être que non. Mon meilleur pote m'a dit un jour : « Arrête tes conneries. Le straight edge c'est pour les gamins de 16 ans, il a été créé pour eux, et ce seront toujours eux qui entretiendront la flamme. » Et je comprends parfaitement ce qu'il veut dire.

Vous parlez de quoi sur votre dernier album ?

Comme tous les disques de Bane, les chansons reflètent mon état d’esprit au moment de l’écriture, mes expériences. C’est le seul et unique moyen que j’ai trouvé pour écrire des chansons. L’année dernière, j’ai dû me mettre dans la tête que tout a une fin. J’ai perdu un être cher qui s’est suicidé, mon corps se désagrège et la plupart des choses que j’ai aimées et qui me gardaient en bonne santé depuis des années se sont fanées, décomposées ou ont tout simplement disparu.

Je dois maintenant me préparer à dire adieu à la chose que j’ai le plus aimé dans ma vie. Après une longue route, ce qui m’est arrivé de mieux sera bientôt terminé. C’est dur de s’y faire, mais sur

Don't Wait Up,

vous verrez un mec qui essaie vraiment d’affronter ça.

Tu as constaté de grosses différences entre la scène en Europe et aux USA ?

Oui. Les kids américains dansent mieux, ils font de plus gros slams et sont bien plus doués pour se plaindre et geindre comme des petits morveux de 5 ans. Je ne sais pas vraiment à quel point on devrait être heureux et reconnaissant d'avoir cette scène. Mais c'est vrai qu'on produit de meilleurs rappeurs et de meilleurs groupes de hardcore (même si je ne suis pas sûr que les deux soient liés). En Europe, je suis toujours impressionné par ce sens de la communauté, cette entraide et ce soutien. Les gens ont l'air beaucoup moins égoïstes et prêts à t'aider. Bon, c'est une généralisation, hein. J'ai également rencontré des gens très superficiels et hypocrites en Europe. On y joue depuis 15 ans maintenant, et on voit TOUJOURS les mêmes visages… Qui organisent les concerts, font la bouffe pour les groupes, conduisent les vans, sont impliqués d'une façon ou d'une autre. C'est rare aux États-Unis. J'ai l'impression que la réalité vient souvent te barrer la route ici. En Europe, on a davantage l'impression que cette scène, ce mouvement, ça peut vraiment être pour de bon, toute la vie. Tu vois des types, les cheveux gris, qui viennent aux concerts, soutiennent les groupes et s'intéressent vraiment au truc. Et puis les immeubles sont plus cool en Europe, par contre les sneakers et les sodas le sont beaucoup moins qu'ici.

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C’est quoi la base de Bane ?

Je ne sais pas. Si tu me demandes ce qu’on espérait faire quand on a commencé, je me rappelle clairement une conversation avec Dilly, qui a formé le groupe en tant que side-project de Converge à l’époque. On voulait à tout prix que Bane soit aussi fun que le hardcore pouvait l’être, bourré de fougue et d’énergie, et que tu chantes les refrains en pointant ton doigt en l’air, tout ce qui fait la magie de ces 30 minutes quand un groupe de hardcore pur et dur joue sur scène. Ça te donne envie de conquérir le monde. Ces 30 minutes étaient tout pour nous et on voulait leur rendre hommage et faire sentir à tout ceux qui voulaient participer qu’ils étaient les bienvenus. Pas simplement les mecs cool, les durs, etc. On voulait monter un groupe pour les hardcore kids qui, comme nous, adoraient ça jusqu’à en chialer… Et c’est toujours ce qu’on veut.

Qu’est ce qui vous inspirait quand vous étiez gamins ?

Youth Of Today a tout changé pour moi, l’esthétique, l’attitude, l’énergie. Il n’y a rien eu de comparable depuis. Minor Threat étaient OK, pour ne pas avoir joué la carte des mecs durs, et

Burn

a transformé les concerts en un truc tellement dynamique, quasi-mythique, j’ai essayé de capter une fraction de ce feeling tout au long de l’existence de Bane.

Tu reviendras ?

Oui, je serais toujours dans les parages. Mais Bane c’est fini pour de bon. Passez nous dire au revoir avant que ce soit définitivement plié.

Vous pourrez faire votre mosh d'adieu à Bane en août prochain, au Ieperfest, en Belgique, où ils donneront leur ultime concert.