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Music

Automelodi veut remettre des êtres humains derrière les synthés

Le chanteur du groupe Américano-Canadien a répondu à nos questions et nous a envoyé le dernier clip du groupe, « Métropole Sous la Pluie ».

En 2014, il y a plein de façons différentes de se servir des synthés. Vous pouvez vous appeler oOoOO et vous lancer dans un périlleux crossover witch house/R&B, vous appeler Trust et hésiter entre la synth-pop des années 80 et celle des années 90, vous appeler Ausmuteants et la jouer crade et cinglant ou vous appeler Avicii et régner tranquillement sur l'empire EDM. Le trio Automelodi, partagé entre Montréal, Québec City et New-York, a choisi une toute autre voie, qu'il sillionne depuis 2009, date à laquelle le chanteur Xavier Paradis a lancé le projet. Avec un son évitant l’écueil « goth » en faveur d’un côté pop néo-romantique plus frais et plus eurocentré, Automelodi a assez logiquement trouvé refuge chez Wierd Records, pour un premier album qui sonnait comme si OMD avait digéré la pop des années 60.

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Surlendemains Acides, le deuxième album du groupe sorti en 2013 sur Electric Voice Records, serait lui plutôt un genre de bande-son pour maraude nocturne en moto sur le périph. Malgré la familiarité 80's des sons utilisés, on est désormais loin de toute tentation rétro-vintage et les nouveaux morceaux d’Automelodi pourraient très bien se retrouver dans une playlist coincés entre Twin Shadow et M83. On a discuté avec Xavier Paradis de leur dernier album (qui sort en vinyle ce mois-ci) et de leur future tournée européenne.

Noisey :

Surlendemains Acides

est plus agressif que ton précédent album, avec des titres plus froids comme « Digresse ». D’où vient ce changement ?

Xavier Paradis :

Je crois que musicalement parlant, la froideur est quelque chose d'assez subjectif. Tout dépend vraiment de la perspective émotionnelle, culturelle et sensorielle de chacun. Personnellement, je trouve cet album plutôt chaud… Plus que celui d’avant, en fait. C’est une chaleur faite de confrontations et de drames. Ces titres ont été composés de manière très spontanée, durant une période assez sombre et violente de ma vie.

Les thèmes de la déconnexion et de la crise d'identité reviennent souvent dans tes chansons, surtout sur cet album.

J’imagine que ces thèmes sont tout simplement ceux qui sont le plus présents chez moi. J’ai la sensation que c’est maintenant que je dois exprimer ces sentiments plus durs et humains dans ma musique, même s’ils sont laids, parce qu’il se peut qu’il ne me reste plus beaucoup de temps pour le faire. Si tu analyses les lyrics des groupes des années 70 et 80, tu remarqueras cette peur de la « déshumanisation », toujours présentée avec un angle inspiré de la science-fiction. La déshumanisation a fini par s’opérer, moins spectaculairement que prévu, mais d’une manière bien plus perverse et cynique. Le « futur » dans lequel on vit aujourd’hui ressemble souvent aux ruines de ce qu’on nous vendait au 20ème siècle, et les ombres de Orwell et Huxley planent sur toutes les news. Et ça ne va pas aller en s'arrangeant. Hélas, peu de gens y feront attention. La plupart sont déjà en train de mourir, occupés à prendre des selfies ou à photographier leurs assiettes.

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Beckett s’est mis à écrire en français pour éviter la familiarité, les conventions linguistiques et pouvoir écrire « sans style ». Toi qui es bilingue, pourquoi as-tu choisi le français ? Pour des raisons similaires ?

Non, je dirais même que c’est tout le contraire. Je respecte l’approche de Beckett, mais ma motivation est complètement à l’opposé. Je suis techniquement bilingue mais ma relation avec la langue anglaise est presque fonctionnelle. En terme d’écriture, mon inspiration puise nettement plus dans le vocabulaire et la culture française. Je suis le premier à admettre que mes morceaux en anglais sont souvent plus plats, plus conventionnels.

Tu utilises l’étiquette « Impossible Folk Music » pour décrire Automelodi. Quel sens a le mot « folk » pour toi ?

Je pense simplement que la plupart des titres que j’ai écrit pour Automelodi s'inscrivent dans une longue tradition d’expression populaire, même si mon choix d’instrumentation n’est pas considéré comme « traditionnel ». J’assume totalement la nature post-moderne de ma musique. Je ne suis certainement pas en train d’essayer de présenter le « futur » aux masses. Des groupes comme Kraftwerk l’ont très bien fait dans les années 70 et 80 mais pour moi ce concept est devenu caduque vers le milieu des années 90. Je suis simplement un des nombreux témoins culturels de la contre-utopie dans laquelle on vit. Aujourd’hui le bruit est permanent et nous pénètre comme l’air qu’on respire. Le bourdonnement d’un néon est devenu de la musique. Utiliser des instruments électroniques est juste une manière logique de réinterpréter cet environnement et est, en soi, un processus folklorique.

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Tu as commencé à faire de la musique à l’époque post-grunge où des groupes comme Creed régnaient en maître. Est-ce que l'omniprésence de la musique synthétique dans les charts et dans l’underground actuels te surprend ?

Pas vraiment, non. Ce sont évidemment des cycles de tendance inévitables, mais je crois que ce dont nous sommes témoins depuis quelques années est en partie dû à la culture « rock », qui tend à devenir de moins en moins pertinente. Même si les ados des années 90 étaient massivement influencés par une certaine nostalgie de « l’âge d’or » du rock n’roll, tu ne peux plus attendre des ados d’aujourd’hui qu’ils s’inspirent spontanément de valeurs culturelles et d’icones des années 50, 60 ou 70. En attendant, la technologie continue d’évoluer. On peut maintenant produire un tube avec un ordinateur portable et il est logique qu’une grande partie de la « génération digitale » soit attirée par cette option en tant que forme d’expression. Quand j’ai commencé, au début des années 90, produire de la musique avec des synthétiseurs et des ordinateurs était encore relativement excentrique, c’était un truc « nerdy ». Certains de mes amis pensaient que j’étais légèrement fêlé pour me construire un home-studio dans la cave de mes parents. Aujourd’hui, c'est devenu quelque chose de très courant et naturel.

C’est une bonne période pour la musique synthétique et minimale, il y a des tonnes de labels et des vieux groupes ressortent des choses de leurs cartons. Qu’est ce qui t’excite en ce moment ?

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Pas forcément la musique synthétique « minimale » en fait. J’ai récemment redécouvert mon intérêt pour une certaine vague de compositeurs japonais qui faisaient des choses vraiment intéressantes à l’époque où les premiers samplers digitaux comme le Fairlight CMI ont vu le jour. Ryuichi Sakamoto est évidemment l’exemple le plus célèbre mais il y en a des tas d’autres. Il y a aussi des nouveaux groupes qui font de la musique excitante ;

Essaie Pas

et

Nouveau Zodiaque

de Montréal,

Violence

de Ottawa, ou

Keluar

de Berlin… En tant que musicien, je n’ai jamais vraiment fait en sorte que mes productions sonnent « cold » ou « minimal », et j’ai l’impression que c’est la même chose pour les artistes suscités. Au-delà du fait que nous utilisons tous du matériel analogique jusqu’à un certain degré, l’idée est de développer un son personnel qui n'est pas (selon moi) strictement basé sur l’expérimentation sonore, mais qui dépend énormément de l'atmosphère et des personnalités qui sont derrière.

Tu retournes en Europe pour quelques dates cet automne. T as remarqué des différences entre l’Europe et l’Amérique au niveau de la réception de ta musique et des concerts ?

On dirait que le public européen et les promoteurs sont un peu plus organisés quand il s’agit d’inviter et de soutenir des groupes en tournée, surtout dans certains cercles spécialisés. C’est fréquent pour les fans de musique de bouger dans un autre pays pour un festival ou juste un concert. Bien sûr, les distances sont moins gigantesques entre les grandes villes, puis ils ont des inventions fabuleuses comme ce truc qu’on appelle le « train », chose qui n’a jamais été correctement mise en œuvre dans nos pays Nord-Américains sous-développés.

Automelodi jouera à l’Espace B à Paris le 3 octobre prochain.

Patrick Short écrit, joue du synthé et vit à Toronto - @KindestCuts

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