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Où qu'il soit, Roger Miret est toujours prêt à parler de NYHC et des premières démos d'Agnostic Front

« Ne fais jamais confiance à un hardcore kid qui n’a jamais écouté de punk »

Quand je trouve un moment pour me demander ce qui m’a conduit à écrire un livre de 300 pages sur la scène hardcore de New-York, et tous les groupes et les mecs tarés qui la composaient, je me retrouve à chaque fois téléporté dans la chambre de mon frère, un samedi matin de l’été 84, avec cet exemplaire du premier album d’Agnostic Front, Victim in Pain, gisant au pied de son lit. Il dormait tellement profondément que je n'ai pas pu l’écouter immédiatement, mais je me revois très bien défaire le plastique et devenir fou à la vue de cette photo du groupe atomisant la scène du Rock Hotel. Une fois réveillé, mon frère a enfin posé le disque sur sa platine… et c’était cuit pour moi.Victim in Pain est le disque qui m’a fait sombrer dans le NYHC.

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30 ans plus tard, les historiens du hardcore Radio Raheem (déjà évoqués par ici) ont décidé de sortir No One Rules, soit la préhistoire d’Agnostic Front, les démos antérieures au EP United Blood et au mini-album Victim in Pain, sortis respectivement en 1983 et 1984. Comme d’habitude, leur travail d’archive est phénoménal.

Quand j’ai su que ce disque allait sortir, j’ai fait tout ce qu’un humain normal aurait fait : j’ai foutu un coup de poing dans mon bagel pendant la pause dej à mon taf merdique et je me suis magné d’appeler le chanteur d’Agnostic Front, Roger Miret, pour lui causer de ces démos « foireuses », du producteur new-yorkais de légende Don Fury et de la prise d’assaut du hardcore américain par les skinheads au cours des années 80.

Noisey : Comment cette réédition de No One Rules a vu le jour ?
Roger Miret : Rich de Radio Raheem Records m’a contacté par l’intermédiaire de Chris Wrenn chez Bridge 9. Il cherchait des vieilles démos d’Agnostic Front qui étaient sorties sur un CD intitulé Raw Unleashed il y a des années. Il voulait vraiment sortir tout ça en vinyle et m’a envoyé quelques disques qu’ils avaient déjà sortis, comme le LP de The Abused, les gars avaient vraiment l’air passionnés, très authentiques, donc ça me paraissait une bonne idée.

Tu as des souvenirs de ces sessions d’enregistrement ?
Oh mon Dieu ! On répétait toujours aux studio Don Fury et pour deux dollars de plus tu pouvais avoir un enregistrement de ta répète sur une cassette deux titres. On le faisait de temps en temps quand on réusssisait à dégoter deux balles, c’était juste pour avoir un truc à écouter sur le radiocassette de Vinnie Stigma dans sa piaule de Mott Street. Rien de plus.

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Comment avez-vous rencontré Don Fury ?
Qui ne connaissait pas Don Fury ? C’était un vieux de la vieille dans le punk new-yorkais ! Un vieux punk qui trainait dans la scène depuis des lustres et adorait Agnostic Front. Il avait ce groupe appelé Balls. Un jour il nous a dit : « si vous trouvez assez de blé pour louer un 16 pistes, je produirai gratuitement votre disque ». On a donc organisé un concert au CBGB avec Agnostic Front et Balls et on a eu suffisamment d’argent pour louer la machine. Je me souviens du jour où on s’est pointé à son studio de Prince Street. On a descendu le truc dans sa cave, en bas des escaliers, il était tellement content d’avoir cette machine. Cette technologie était rare à l’époque. On a branché tous les fils et on a enregistré Victim in Pain. Tout le monde connaît la suite.

Tu étais dans le groupe depuis longtemps avant d’enregistrer les sessions de No One Rules ?
Depuis un mois ou deux, très peu de temps en fait. J’ai rejoint Agnostic à l’automne 82, et direct je me suis retrouvé en studio à enregistrer ces titres. J’ai juste ajouté deux morceaux que je jouais déjà avec mon groupe précédent, The Psychos. Tout le reste, Vinnie l’avait déjà.

Agnostic Front

« Fight » et « Discrimate Me » c’est ça ?
Ouais, je crois que c’est ça. Tu le sais probablement mieux que moi.

Le packaging du disque est incroyable. Je sais que Rich et Chris de Radio Raheem sont fanatiques de tout ce qui touche au NYHC mais je me demandais si certains trucs du booklet provenaient de ta collection personnelle ?
J’ai aucun crédit là-dessus, tout provient d’eux. Tout ce que je peux revendiquer, c’est l’horrible musique qu’on peut entendre dessus ! [Rires] Mais ils ont fait du super boulot, vraiment. Ils sont allés très loin. Ils ont vraiment une passion d’archiviste.

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Agnostic Front

Quand tu vois quelqu’un qui collectionne autant de trucs plus ou moins liés à ta propre vie, ça ne te fait pas un peu flipper ?
[Rires] Non, non, non. Je suis content qu’il existe des types comme eux, quand je regarde ce qu’ils font je ne peux que me dire « Wouah ! » et me rappeler cette époque. Ce sont des dingues d’Histoire et c’est une bonne chose. Mais pour revenir au disque, je ne pense pas qu’un truc comme ça pourrait sortir aujourd’hui et bien marcher, tu vois ? Je ne sais pas trop, peut-être que j’ai tort.

New-York a été la première des scènes hardcore américaines à s’enticher des skinheads. Pourquoi tu penses que la ville est devenue le berceau des bretelles au début des années 80 ?
En fait, on a toujours été dans ce délire skinhead américain. On n’essayait pas du tout de ressembler à des Anglais. Tout ce qui comptait pour nous c'était la fierté, le respect, le partage et le soutien. Plus tar, le phénomène s’est développé dans tous les Etats-Unis, mais dans un délire plus britannique. Nous, on était du côté de groupes comme Iron Cross, The Effigies et plus tard, The Anti-Heroes. On s’inspirait des pionniers SS Decontrol ou Minor Threat en essayant de développer une scène skinhead à l’américaine.

Agnostic Front

Quand est-ce qu’Agnostic Front est devenue une tête d’affiche du NYHC ?
On était encore un groupe de première partie au début des années 80. Il y avait eu ce concert au Great Gildersleeves avec dans l’ordre : Agnostic Front, Cause for Alarm et G.B.H. Mais tu sais quoi ? Tout le monde s’en tapait ! Le concert devait bien débuter un jour de toute façon. Au A7, les concerts ne commençaient jamais avant une heure du mat’, qu’il y ait du monde ou pas. On jouait, tout simplement, sans se soucier de l’ordre des groupes.

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Est-ce qu’il y a des groupes de cette époque qui, selon toi, n’ont pas eu la reconnaissance qu’ils méritaient ?
Absolument ! C’est Urban Waste qui m’a poussé à venir jeter un œil downtown pour voir ce qu’il se passait. J’étais encore un punk à l’anglaise à l'époque et ils m’ont introduit au hardcore. Un de mes groupes préférés reste Mark Truthe and the Liars, tu les as déjà entendus ?

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Je ne peux pas dire que je les connais bien.
Allez, Tony ! Tu as écrit un livre sur le NYHC et tu ne connais pas les Liars ? C’était un groupe phénoménal ! Ils avaient un morceau taré qui s’appelait « Subway Man ». Leurs concerts étaient plus punk que tous les autres !

J’ai l’impression que tu te fous de ma gueule ! C’est un vrai groupe ?
Ouais ! Il y avait aussi The Influence, qui était l’autre groupe « afro-punk » de la scène à l’époque. Personne ne parle jamais de Killer Instinct non plus.

Revenons au présent. Agnostic Front vient de terminer un nouvel album, c’est ça ? Quoi d’autre ?
Le disque sort le 7 avril et je vais te dire quelque chose Tony, ce nouvel album a carrément un esprit Victim in Pain. Kirk Hammet nous a même demandé de jouer à son festival, The Fear FestEvil, qui a lieu en avril en Californie, c’est vraiment cool de sa part.

Agnostic Front

Bon, tu as passé toute l’interview à diminuer l’importance de la musique enregistrée sur ce disque, mais c’est important, tu dois réaliser ça.
Oh non, je sais. L’histoire est toujours importante. C’est comme ce que je dis toujours : « Ne fais jamais confiance à un hardcore kid qui n’a jamais écouté de punk ». Tu dois connaître ton passé. C’est très, très important. Et je ne parle même pas à l’échelle du hardcore. Si tu es branché par un truc, passionné, tu dois connaître ses racines. Et ce disque – pour le meilleur et pour le pire – (haha) fait partie de l’histoire.

Commandez votre copie de No One Rules directement chez Radio Raheem.

Le livre de Tony Rettman, NYHC 1980-1990 est toujours disponible sur Bazillion Points.