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Music

Dej Loaf est en contact permanent avec le Saint-Esprit

La rappeuse de Détroit a une mission très simple : tout défoncer. Et c'est bien parti.

Le rap en 2014 se rapproche énormément de la féodalité au Moyen-Âge. Les rois-philosophes comme Drake, Wiz Khalifa ou Kanye contrôlent des parts immenses du territoire Internet et délivrent des titres et des propriétés à certains paysans productifs en remixant des morceaux à la mode ou en citant des lyrics sur Instagram. Au moment où Drake a cité les paroles de « Try Me » de DeJ Loaf, la rappeuse de Détroit est passée de « buzz régional » à « sujet de statuts ponctués par OMG ou WTF sur toute la planète », même en France oui. Le royaume de Drake a ainsi gagné quelques hectares supplémentaires et Dej a récolté le bouclier d'émeraude des Chevaliers du Hip-Hop. Et le peuple festoya, en se réjouissant d'avoir un Roi si généreux.

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Mais s'il y a bien quelqu'un qui n'a rien à foutre de ce festival de cirage de pompes, c'est bien DeJ Loaf elle-même. Sa voix au téléphone est mesurée mais elle déborde de confiance : « Mon panel est extra extra large, mec. Les gens veulent entendre plein de styles différents et je défonce dans chacun d'entre eux. » Un élément divin domine son travail : quand elle est inspirée, elle dit qu'elle « contacte le Saint-Esprit ».

Il y a quelques jours, Dej a sorti les clips de « Try Me » et du suffocant « We Good ». Dans ce dernier, elle prend son destin en main avant de l'enculer à sec : elle dit à Interscope et Def Jam d'aller « se faire foutre s'ils ne sont pas capables d'aligner un ou deux millions », avant d'ajouter : « On se démerde seuls ici. »

Noisey : Dans quel genre d'environnement as-tu grandi à Détroit ?
C'était taré, mec. J'ai vu une tonne de trucs complètement fous dès mon plus jeune âge. J'ai été élevée dans le East Side. Et j'étais le genre de gosse qui reste dans son coin, je sortais pas beaucoup, ça m'a évité d'être impliquée dans des tas de mauvais plans. C'est pour ça que je fais de la musique, j'écris beaucoup, je suis pas mal renfermée.

Depuis quand ?
J'écris depuis que j'ai 9 ou 10 ans. J'ai attendu 2012 pour sortir ma première mixtape, Just Do It.

Tu as fait une vidéo, « College », sur ton expérience à l'université. C'était comment ?
Je suis allée à l'Université de Saginaw State après le lycée, en 2010. C'est à une heure et demie de Détroit. J'y suis allé pour trois semestres, et ça n'a pas vraiment fonctionné. Je voulais bosser sur ma musique et la fac ne m'aidait pas vraiment. J'étais pas assez concentrée, du coup je me suis tirée. L'histoire est vraie, tout ce qu'il y a dans le morceau est vrai. Après ça, j'ai sorti ma mixtape, je me suis barrée de la fac pour faire de la musique et raconter mon histoire.

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Elle se porte comment la scène à Détroit ces temps-ci ?
De mieux en mieux. Il y a des tonnes des gens doués à Détroit, c'est incroyable. Mes potes voient la chose différemment, ils se demandent pourquoi on n'a pas déjà explosé. Mais Détroit est vraiment une ville géniale. Les gens me demandent c'est quoi le délire avec mon crew, IGBM. Ça veut dire « I've Been Getting Money ». Il y a moi, SAYITAINTTONE, Oba Rowland, DJ Limelightz, DDS, mon manager Tears Of Joy. Beaucoup de gens pensent qu'on est juste là pour le fric, mais on se la joue pas. On fait ce qu'on a à faire, et ça ne nous dérange pas d'aider les autres à y arriver aussi. C'est le but : aider les gens autour de nous.

D'où sort DDS, le producteur de ton dernier morceau ?
Il y a quelques mois, ce mec m'envoyait des paquets de beats, c'est le seul qui le faisait régulièrement. J'étais dans une mauvaise passe musicalement parlant, j'allais pas bien, j'avais zéro beats et j'étais là : « putain, comment je vais faire ? ». Et lui m'envoyait plein de messages, de beats et tout, j'avais pas d'autre choix que de lui répondre. Je l'ai rencontré en avril, on a enregistré ensemble et maintenant il fait partie de l'équipe.

Quand il t'a envoyé l'instru de « Try Me », tu t'es tout de suite dit : « c'est exactement ça qu'il me faut » ?
Pas exactement, mais j'étais quand même bien excitée. J'ai écrit les paroles dans ma chambre et j'étais impatiente. J'étais en « contact avec le Saint Esprit », comme je dis toujours. J'étais à fond, j'avais besoin de l'enregistrer direct. Il y a un truc avec ce morceau qui m'a fait aussitôt ressentir l'urgence de le sortir. Mais sincèrement, je ne pensais pas que ça deviendrait aussi big. Je l'aime bien, et j'espère que les gens l'aiment bien aussi.

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À quoi tu pensais, en l'écrivant ?
Comme je le dis tout le temps, ma musique, c'est un dialogue avec le Saint Esprit. Je suis à fond. Sans vouloir frimer, je reconnais de la bonne musique quand j'en entends ou quand j'en compose, et il y a d'autres morceaux que j'aime et quand je vais écrire les paroles, ça sera pareil. Un truc se passe à chaque fois.

J'ai connu « Try Me » grâce au remix de Kafani, un rappeur de la Bay Area. On dirait que le morceau a eu un gros impact sur la Bay avant d'exploser partout ailleurs. Comment ça se fait ?
Ouais. Un pote à moi qui est artiste à Détroit, Pablo Skywalkin, a pas mal de followers là-bas. Il a posté une vidéo où il danse sur le titre et a récolté une autre centaine de followers qui venaient presque tous de la Bay. T'écoutes beaucoup de rap de la Bay Area ?
J'adore E-40, c'est un de mes rappeurs préférés, et il vient de là-bas. J'aime son style et je l'écoute depuis toute petite. Mais à part lui, j'ai jamais écouté trop d'artistes de la Bay non plus, et quand les gens me disent « tu sonnes comme si tu sortais de la Bay », je suis un peu perplexe.

C'est quoi ton morceau préféré de E-40 ?
« Sprinkle Me » [Rires] Mon père le passait beaucoup quand j'étais petite. C'était soit « Captain Save a Ho », soit « Sprinkle Me ». Mon père me faisait carrément m'asseoir sur ses genoux et passait ce morceau. Je crois qu'il y a une rappeuse qui chante dessus, Sugar T. Ça m'avait vraiment marqué qu'elle soit dessus, j'étais vraiment à fond dans le rap féminin à l'époque.

Tes paroles à propos du fait que tu ne portes que du blanc ou que du noir ont interpellé un max de gens, dont Drake. Quand est-ce que tu as commencé à t'habiller comme ça ?
J'ai toujours eu un style en fonction de mon humeur. Je vais porter du blanc, et me sentir propre, pure et libre. Voilà le délire avec tout ce blanc. Et le noir me va bien, donc j'y suis habituée maintenant. Je porte que ça, du noir et du blanc. J'ai d'autres sapes mais il faut savoir les assembler.

C'est quoi tes prochains projets ?
Devenir la meilleure. Je veux juste être différente mec, je ne pense pas que l'industrie musicale possède quelqu'un qui me ressemble. C'est comme ça : si le rap venait d'être inventé, ou même la musique en général, je serais moi-même, à l'écart des autres.

Qu'est-ce qui te différencie à ce point des autres ?
Je sais pas, ma passion pour la musique. J'aime ça et je n'ai pas peur d'oser des trucs différents. J'espère que les gens ne vont pas se dire que « Try Me » est ce qui me représente le plus. Ça a mis les choses en route, mais c'est plus profond que ça. Je vais leur montrer ce que je sais faire pour qu'ils soient tous là : « Putain, comment j'ai fait pour passer à côté ? » Il y a clairement un max de trucs que j'ai hâte de faire. Un album, un EP, une mixtape. Je n'ai pas envie de me reposer sur mes lauriers.

Ezra Marcus est perpétuellement sur le pénis du Seigneur de l'Ontario. —@ezra_marc