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Music

Ce que vous ne saviez pas sur Assassin

Des séries policières bancales, des B.O. de légende, des plans foireux avec NTM, des directs à la télé qui partent en brioche et des complots en veux-tu en voilà.
Genono
par Genono

Quand on présente Assassin, on commence toujours par une tonne de banalités, qui vont de « groupe mythique » à « pionniers du rap underground » en passant par le fabuleux « écologistes avant l'heure » (j'invente rien, c'était dans Libé). Des qualificatifs que personne n'ose nier - sauf MC Jean Gab1, peut-être - mais qui sentent un peu le renfermé. Auteurs de deux albums classiques, L'Homicide volontaire (1995) et Touche d'espoir (2000), et de multiples maxis, le groupe a toujours pris soin de shooter Babylone en restant sérieux dans ses affaires. Voici quelques à-côtés et anecdotes peu connues du groupe, ou qui méritaient simplement d'être rappelées, à quelques heures de leur retour sur la scène du Nouveau Casino, pour les 30 ans du groupe.

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LE CREW DES « TAGGERS »

Entre 1990 et 1992, la série policière Le Lyonnais tente de se faire une place sur la chaîne qui s'appelle encore Antenne 2. Mémorables, surtout pour leur degré d'amateurisme, ces 9 épisodes auront tout de même eu le mérite de lancer la carrière d'acteur de Joeystarr et de Guilaume Depardieu (eh ouais), ainsi que, plus discrètement, celles de Solo, Rockin Squat ou Marco Prince (qui fait déjà partie à cette période du groupe FFF). La petite bande joue quasiment son propre rôle dans un épisode culte consacré au graffiti, même si les traits sont évidemment très forcés, avec notamment Joeystarr en mégalomane raciste anti-Blancs. À noter également une jolie scène prémonitoire (rendez-vous à 7'37), où notre Joey national s'embrouille gentiment avec Rockin Squat, hyper impressionnant de charisme lui lançant un terrible : « Alors bâtard ! ».

LA B.O. DE LA HAINE N'AURAIT JAMAIS VU LE JOUR SANS ASSASSIN

Le rap français comptabilise une chiée de compilations de qualité, même si la dernière restée dans les mémoires date d'une époque où Kool Shen n'était pas encore féru de poker. Parmi les plus légendaires, la B.O. de La Haine et ses titres qui ont traumatisé toute une génération : « Sacrifice de Poulets », « Dealer pour survivre », « L'État Assassine … En 1995, réunir autant de têtes d'affiche –IAM, Ministère Amer, les Sages Poètes de la Rue, sans compter MC Solaar, présent uniquement sur la première édition du disque, et NTM, qui s'est retiré au dernier moment - sur un seul projet, est déjà en soi une performance remarquable, qui ne tient qu'à l'énergie de Solo. Solo venait de quitter Assassin, un an plus tôt, après quelques mésententes avec Rockin' Squat et afin de « vivre d'autres expériences dans le monde de la musique et du cinéma ». Il se retrouve donc D.A. de ce « La Haine, musiques inspirées du film ». 10 des 12 titres présents seront des morceaux originaux conçus spécialement pour cette compilation qui s'inspirent directement du scénario et des thèmes abordés dans le film. Solo n'est réapparu sur scène aux côtés de Squat que 15 ans plus tard, en 2009, sans nouveaux morceaux mais avec une alchimie toujours intacte, et l'impression d'avoir perdu trop d'années à bourlinguer chacun de son côté. À l'heure où Matthieu Kassovitz continue d'évoquer la perspective –réelle ou non- de réaliser La Haine 2, on peut se prendre à imaginer une B.O. où seraient réunis Booba, Rohff et Kaaris, non ? Non, ok.

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Madj, Colt et Squat - Pigalle, 1993.

MADJ, L'HOMME DE L'OMBRE DU GROUPE DE L'OMBRE

Assassin est souvent présenté comme un groupe de l'ombre. La capuche de Squat, le mystère Solo, le côté underground revendiqué, les DJs très peu mis en avant, mais le véritable homme de l'ombre du collectif s'appelle Madj. Pas vraiment manager, mais plutôt administrateur, il se charge dès 1991 de toutes les formalités autour du groupe, de la création du label à la mise en place de la distribution : en gros, Madj est le Suge Knight d'Assassin Productions, les millions de dollars et les années de prison en moins. Sans lui, peut-être que rien de tout ça n'aurait été possible, ou du moins, tout aurait été beaucoup plus compliqué. Après plus d'une décennie à s'occuper exclusivement de gestion, il met la patte dans l'artistique en co-composant l'album instrumental de La Bande des Quatre, Hors de Contrôle, en 2003. Depuis, il continue de balancer quelques sets en tant que DJ, mais tout le monde se rappelle de lui comme de l'homme qui a fait Assassin.

SOLO ET JOEYSTARR ONT FAILLI MONTER UN GROUPE ENSEMBLE

En 1993, NTM et Assassin sont les deux gros noms du paysage rapologique français, aux côtés d'IAM et MC Solaar. Kool Shen et Joeystarr s'apprêtent d'ailleurs à remplir l'Olympia, une première pour un groupe de rap français. Quelques semaines avant le concert, une date dans la même salle est proposée à… Assassin, la veille du concert de NTM. Squat, Solo et Cie imaginent déjà une double-date de feu, 48 heures durant lesquelles l'Olympia deviendrait un véritable temple du hip-hop, et où les deux groupes partageraient la scène à tour de rôle. Paix, amour, unité & amusement ! Ouais, ok, sauf qu'il y a un blème. NTM n'a pas été consulté et apprend la nouvelle par contact interposé. Le temps que Solo essaye d'arranger les choses, le mal est déjà fait : Joey, pourtant réputé pour son calme, sa politesse et sa tenue, inonde le répondeur de Rockin Squat d'insultes et de menaces. Et la date ne se fera pas, question d'honneur. Solo et Joey restent pourtant potos et deux ans plus tard, ils parlent même de monter un groupe ensemble. L'affaire n'aboutit pas, ce qui, avec le recul, est un peu dommage. Bon, il faut aussi se dire que Kool Shen et Rockin Squat auraient pu également s'associer de leur côté, dans quel cas on aurait eu un petit aperçu de ce que peut être l'enfer.

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ROCKIN SQUAT ET LES COLLABS IMPROBABLES

En 2004, 1260 jours, le deuxième album solo d'Alibi Montana débarque dans les Fnac. Comme son nom l'indique, cet album est basé quasi-uniquement sur les années de prison du rappeur. Adepte d'un discours racailleux, la tête dans le ter-ter, pas spécialement concerné par l'écologie et la lutte des classes, Alibi n'est pas le partenaire de feat idéal pour Rockin Squat. Et pourtant, le lien entre Squat et Alibi saute aux yeux : l'amour de l'indépendance. Précurseur, Assassin est le premier groupe de rap français à avoir refusé les majors et fait sciemment le choix du circuit parallèle. Une décennie plus tard, Menace Records fera de l'indépendance sa marque de fabrique, et tentera de fédérer l'autoprod française autour d'un ennemi commun : les radios. Au final, « 1260 jours », titre éponyme, est le meilleur morceau de l'album, en grande partie grâce au refrain très porteur de Rockin Squat. À noter l'une des premières apparitions de Seth Gueko dans un clip de rap, à quelques secondes de la fin de la vidéo (à gauche, derrière Alibi). Collector. Squat et Alibi se retrouveront par la suite à de nombreuses reprises dont un trio inédit avec LIM sur « Rue 2 ». D'autres featurings innatendus de Rockin Squat ? Mac Tyer, Grodash, Oxmo Puccino, Calbo et encore ce diable de Seth Gueko.

Assassin dans Rapline

LES DJ's D'ASSASSIN

Quand on pense à Assassin, on pense en premier lieu à Rockin Squat, puis à Solo, et à quelques rappeurs qui ont gravité autour du groupe -Lyricson et Profecy notamment- mais on oublie presque immanquablement les DJ qui s'y sont succédés. Le premier de la liste, DJ Clyde, est repéré par Joeystarr en 1989, pendant une battle. Il est mis en contact avec Rockin Squat et Solo, qui, à l'époque, habitent encore à New York. Puis pose ses premiers scratchs sur « La Formule Secrète », et réalise tant bien que mal les premiers morceaux du groupe. Quand les choses deviennent sérieuses, et malgré son talent indéniable, Clyde n'a pas l'expérience et la technique nécessaire pour travailler sur des samplers et du matériel de studio. Solo, depuis New York, débauche alors Doctor L, un franco-irlandais sosie d'Aphex Twin jadis batteur pour Taxi Girl ou les Rita Mitsouko. Doctor L et DJ Clyde collaborent pendant 4 ans, avant que ce dernier ne décide de poursuivre sa route seul, en allant notamment travailler avec le Suprême NTM sur l'album Paris sous les bombes, tiens tiens. En 1996, c'est au tour de Doctor L de quitter le navire, et Rockin Squat se retrouve seul à bord. Il décide alors de varier ses collaborations, travaille avec DJ Mehdi ou Sulee B.Wax, mais aucun beatmaker réellement affilié à Assassin. Il faut attendre 1998 pour que DJ Duke, déjà plus ou moins présent dans l'entourage du groupe depuis Note mon nom sur ta liste, ne devienne enfin le DJ officiel d'Assassin. Depuis, l'idylle semble parfaite. Avant que Squat annonce le retour de DJ Clyde à la réalisation du prochain album d'Assassin.

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Quant à Solo, après ses diverses expériences en tant que directeur artistique, producteur, acteur, ou encore compositeur, le « B-Boy madness au plus haut degré » se lance dans la musique électronique. D'abord animateur et organisateur des fameuses soirées TOXIC (avec Uncle O) sous le nom incroyablement original de DJ Solo, il fonde quelques années plus tard son propre label, Black Frog Entertainment. Depuis 2007, il produit des projets hybrides mêlant rap et electro, et concrétise l'aventure avec la sortie de l'album 36/15 du groupe MonomaniaX. Si vous cherchez Solo aujourd'hui, il est toujours en train de mixer, même s'il semble parfois regretter de ne pas s'être lancé dans une carrière de rappeur, la faute à « un manque de confiance en soi ».

ROCKIN SQUAT, « IDIOT UTILE DES THÈSES COMPLOTISTES » ?

Je ne suis pas certain que L'Express soit une pierre angulaire de l'investigation française, mais il faut reconnaître que leur « galaxie complotiste », légèrement paresseuse, soit, a quand même de la gueule. Faire cohabiter sur une même ligne Jean-Marie Le Pen, Charlelie Couture, l'Iran, Keny Arkana et Jean-Marie Bigard, personne ne m'empêchera d'y reconnaître un cretain génie à-la-française. « Les rappeurs Rockin Squat » ont donc également leur place au milieu de tout ce beau monde, et bon, il l'a quand même un peu cherché. Petit florilège de ses meilleures fulgurances complotistes :

« Rothschild est-elle la famille qui a financé la nazisme ?
Qui a créé le communisme et qui gère le capitalisme
Rothschild est-elle derrière toutes les révolutions modernes ?
De la Française à la Commune
De la Bolchevique à tes lourdes cernes ? » (« Le Pouvoir Secret »)

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« Renseigne-toi sur Aleister Crowley, Churchill, Roosevelt, le Duc de Kent,
David Rockefeller ou sur Gorbatchev
Ils sont tous impliqués dans ces sociétés secrètes
John Kerry, Georges Bush, Tony Blair, Elisabeth, Grande Patronne du trafic d'opium » (« Illuminazi 666 »)

Les Rothschild qui financent Hitler ou Gorbatchev, chef des francs-maçons, je veux bien faire un effort, mais alors Elisabeth en train de bicrave de l'opium… Même son apparition dans Ali G est plus crédible.

ROCKIN SQUAT BANNI DES PLATEAUX TELE À TOUT JAMAIS

En 2008, Rockin Squat se livre pour la première fois sur sa famille, son enfance, et le métier de son père, Jean-Pierre Cassel, avec le titre autobiographique Enfant de la balle. Venant d'un mec qui a passé la moitié de sa vie caché sous une capuche, et qui n'a jamais voulu afficher ses origines sociales, c'est un petit événement, et le personnage commence à intriguer les médias branchés. Invité sur le plateau du Grand Journal, il se retrouve pour la première fois à la télévision avec son grand frère, Vincent Cassel (la deuxième, en fait), alors en pleine promo pour le film Mesrine. Censé interpréter en live ce fameux titre familial, il trompe tout le monde et débarque avec « France à Fric », dans lequel il dénonce l'exploitation du continent africain par la France, en tirant à boulet rouge sur des noms bien connus (le groupe Bolloré, le groupe Elf, les Mitterand, la BNP, la Société Générale, le Crédit Lyonnais, Charles Pasqua, le groupe Rougier…).

Dès les premières notes de l'instru, Vincent Cassel comprend ce qui est en train de se passer, et son regard -qui reflète à cet instant autant de fierté que de « t'es dans la merde, petit frère » -est assez magique. Denisot, lui, comprend qu'il s'est fait baiser, mais continue de faire bonne figure –de toute façon, il est trop tard. Un léger malaise plane pendant les quelques minutes d'interview qui suivent, d'ailleurs personne n'ose vraiment poser de questions sur le titre joué (on apprendra plus tard que ces questions ont tout simplement été coupées) jusqu'à ce que Vincent Cassel décide d'en rajouter une petite couche, en expliquant, sans que personne ne lui demande, que « France à Fric » a été bannie de YouTube et Dailymotion sans aucune raison. Au final, Squat gagne une annulation de son passage sur Taratata, et probablement une interdiction de télévision en direct à tout jamais. Genono dit les choses qui dérangent sur Twitter.