« On a des vêtements de rechange ici, et c'est super drôle de mettre des vêtements de filles aux mecs et vice versa. Quand ils se réveillent, ils pensent que c'était leur propre choix. »
Sara constate qu'il y a toujours plus de problèmes avec les Belges qu'avec les Néerlandais : « Au Bungalup, où il n'y a presque uniquement que des Néerlandais, les personnes souffrant d'intoxications partent souvent après une heure. Ils gèrent plus efficacement l’alcool et les drogues et osent avouer plus honnêtement ce qu’ils ont pris, pour qu'on puisse les traiter plus facilement. Les Belges, en revanche, prennent n'importe quoi et boivent beaucoup. En plus, ils ont peur qu'on transmette leur consommation de drogue à la police, ce qui les rend beaucoup plus fermés. Trop peu d’informations, c'est la source principale des scénarios catastrophes. Par exemple, si quelqu'un sous MD va mal et que ses amis préfèrent lui faire boire deux litres d'eau plutôt que de l'emmener au poste de secours, ça peut lui être fatal. »Ce qui arrive souvent, ce sont les gens qui veulent entrer au camping sans payer et donc escaladent la clôture: « Ils sont ivres ou drogués, et ils ne réalisent pas qu'il y a des épingles rouillées. Leurs mains et leurs pieds sont parfois complètement déchirés. Je me souviens d'un truc qui est arrivé à un père et à son fils : Papa s'était cassé le bras et son fils avait des trous profonds dans les mains et les pieds. Ils ont traversé le camping comme si de rien n'était pour profiter du festival gratuitement. Le terrain de camping est tellement sale, vous ne pouvez même pas imaginer le nombre de pieds que nous devons recoudre parce que les gens marchent sur des boîtes de conserve. »« Si quelqu'un sous MD va mal et que ses amis préfèrent lui faire boire deux litres d'eau plutôt que de l'emmener au poste de secours, ça peut lui être fatal. »
Quand je parle à Sara de sa pire expérience, elle me dit: « Ce qui me rend vraiment vénère et triste, ce sont les jeunes ados qui vont à un festival pour la première fois, qui sont complètement déchirés et qui sont maltraités par leurs soi-disant amis. Par exemple, ils essaient de déshabiller quelqu'un qui est inconscient pour rire. Ou pire, à chaque festival où je suis allée, j'ai vu tous les jours - tous les jours! - une fille inconsciente à qui on enlève son soutien-gorge parce que sa situation désastreuse est vue comme une invitation à jouer avec ses seins. C'est une agression sexuelle, donc je vais leur gueuler dessus. »En dehors de ces cas limites, Sara souligne à quel point il est formidable de travailler sur les festivals. « Pendant quelque chose d'aussi éphémère qu'un festival, le contact que vous avez avec les gens est incroyablement personnel. Un garçon, par exemple, revenait tous les jours pour faire soigner une blessure qu'il avait au visage et chaque jour, il me demandait si je pouvais faire un autre motif avec son sparadrap. Les gens semblent vraiment heureux de recevoir de l’aide, du coup c’est un job super gratifiant. »« Ce qui me rend vraiment triste et vénère, ce sont les jeunes ados qui vont à un festival pour la première fois, qui sont complètement déchirés et qui sont maltraités par leurs soi-disant amis. »
La chose la plus choquante selon Dirk, c'est qu'à chaque édition de Werchter, des ivrognes tombent dans des feux de camp et en sortent brûlés au deuxième et troisième degré: « Les premiers jours, les gens jettent leurs déchets partout sur le sol, des assiettes en carton et des fourchettes en plastique. Les festivaliers en ramassent de gros tas et en font un feu. Il y a toujours des gens bourrés qui marchent en plein sur les flammes, qui essayent de sauter par-dessus ou qui plaisantent avec un autre festivalier. Pire encore, il est arrivé que des personnes inconscientes allongées sur le sol soient jetées dans le feu. Mais toutes sortes de gadgets en plastique sont également jetés dans les flammes. Imaginez un peu, 250 000 billes de plastique en fusion ? Le plastique brûle encore, une fois sur la peau. Parfois, les blessures sont si graves que nous ne pouvons pas les soigner sur place et les festivaliers doivent être conduits à l'hôpital. »« Il y a toujours des gens bourrés qui essayent de traverser le feu en sautant par-dessus, ou qui plaisantent en poussant un autre festivalier. Pire, il est arrivé que des personnes inconscientes soient carrément jetées dans les flammes. »
Evidemment, nombreux sont ceux qui viennent vers lui couverts de merde. « Parfois, on trouve sur le site une personne inconsciente, recouverte par les excréments de quelqu'un d'autre. Parfois aussi des types qui restent dans le coma pendant une heure, enfermés dans une Cathy Cabine. Ou encore, les petits comiques qui secouent les cabines pendant que quelqu'un est dedans. Je me souviens d'un groupe de très jeunes filles qui transportaient une de leurs amies au poste de secours. Je les ai vues arriver de loin. C'était plutôt épique : certaines filles portaient ses bras et les autres ses jambes. Elles étaient toutes complètement torchées. La fille qui était portée était recouverte de merde. Un groupe de garçons avait renversé sa cabine, puis s'étaient enfuis. À cause d'accidents comme ça, de nombreuses personnes ont souffert d'un traumatisme de la colonne vertébrale et ont dû aller à l'hôpital. »« Un groupe de garçons avait renversé sa Cathy Cabine, puis s'étaient enfuis. À cause d'incidents comme ça, de nombreuses personnes ont souffert d'un traumatisme de la colonne vertébrale et ont du aller à l'hôpital. »
« S'il y a bien quelque chose qui m'étonne à chaque fois, c'est bien l'inventivité des festivaliers en matière de contrebande de drogues », dit-il. « Sur les images de la caméra, j'ai un jour vu un groupe de personnes autour d'un type qui avait un cygne gonflable autour de la taille. Ce cygne était complètement rempli de protoxyde d'azote, et tout le monde venait en aspirer une gorgée. Aussi, on trouve souvent du GHB dans des flacons de pulvérisation nasale ou des petits flacons de sirop. »« Il avait un cygne gonflable autour de la taille, complètement rempli de protoxyde d'azote, et tout le monde venait en aspirer une gorgée. »
« Nous faisons également très attention au proxénétisme d'adolescentes. Ces types qui recrutent des filles naïves ou qui les rejoignent à un festival, les charment avec beaucoup d'attention et de petits cadeaux, puis les forcent à se prostituer », poursuit-il. « Par exemple, il y a eu cette jeune fille accompagnée à notre poste par un mec plus âgé, car elle n'était pas bien à cause du GHB qu'elle avait pris. Le type ne voulait pas qu'on appelle ses parents. Il voulait l'emmener avec lui et la ramener là-bas. Ce qui était vraiment bizarre c'est qu'il ne pouvait pas nous dire son âge ou l'endroit où elle vivait. Ce sont des situations suspectes, donc dans ces cas-là, on appelle d'office les parents. »Jasper souligne également l'inventivité dont ils doivent faire preuve lorsqu'ils bossent sur des sites festivaliers : « On utilise très souvent du ruban adhésif pour réparer des choses comme des pantalons déchirés, des semelles de chaussures arrachées et des plâtres brisés. Ou si quelqu'un, par exemple, se retrouve sans fringue mais qu'aucune de nos sapes ne sont à sa taille, on doit lui fabriquer une sorte de toge à partir de couvertures de survie. Dans tous les cas, on essaye toujours que les gens puissent continuer à faire la fête ou au moins rentrer dignement chez eux. »* Certains noms ont été modifiés, car le secouriste en question voulait rester anonyme. Les véritables noms sont connus de la rédaction.Ne ratez plus jamais rien : inscrivez-vous à notre newsletter hebdomadaire et suivez VICE Belgique sur Instagram.« Nous nous méfions aussi des proxénètes qui traquent les adolescentes : des types qui recrutent des filles naïves ou qui les rejoignent sur un festival. »