FYI.

This story is over 5 years old.

Music

Une conversation sans langue de bois avec Rufus Wainwright

Le songwriter pop nous parle de son passé de junkie, des avantages à être gay, et de sa famille bordélique, dans une ambiance 100 % détente.

Photo: Sean James

Pour quelqu’un qui a passé son existence entière dans le showbiz, Rufus Wainwright est plutôt bien conservé. À 40 ans, le fils des chanteurs folk Kate McGarrigle et Loudon Wainwright III, est définitivement entré dans l'âge adulte, après une série de périodes troubles, durant laquelle il sortait beaucoup trop et se défonçait à la meth. Après dix albums solo, il s'est lancé dans l'écriture d'un opéra et vient de sortir une compilation,

Publicité

Vibrate: The Best of Rufus Wainwright

. Je l’ai appelé en Lituanie où il est en promo actuellement, et on a parlé, dans une ambiance 100 % détente et dépourvue de toute langue de bois, de sujets aussi divers que l’homosexualité, la méthadone,

Breaking Bad

, Burt Bacharach, et la carrière de Madonna au cinéma.

Qu’est ce que tu fabriques en Lituanie ?

Je suis en tournée et en promotion pour mon best-of

Vibrate

, et je présente aussi mon futur opéra,

Prima Donna

, que j’espère bientôt sortir grâce aux fonds récoltés sur

Pledge Music

. Et il y a aussi mon DVD

Live From the Artists Den DVD

qui va arriver.

Où en est l’opéra ?

Il est terminé. J’attends juste de réunir l’argent nécessaire pour le sortir. Je travaille en même temps sur un autre opéra sur les premiers jours du règne de l’empereur Hadrien à Rome. Celui-là ne verra pas le jour avant 2018, alors j’ai un peu de temps pour balancer une dizaine de hits pop d’ici là.

Tu as appris quoi en travaillant sur cet opéra ? En quoi ça diffère d’un album ou d’une tournée traditionnelle ?

J’ai appris deux choses : une positive, une négative. Commençons par la négative. Je n’avais jamais travaillé dans le monde de l’opéra avant ça, donc j’avais beaucoup de notions préconçues. Je pensais que c'était un univers très avenant et chaleureux. Évidemment, j’ai réalisé, une fois dedans, à quel point il était rigide, discipliné et mesquin ! Le projet final est fantastique mais le réveil a été rude. Et il m’a fait encore plus apprécier la pop. Un milieu plus jeune, qui va toujours de l’avant. Ceci dit, le fait d’écrire pour un orchestre et des chanteurs d’opéra, de créer un système narratif autour de ça, est vraiment passionnant. Ça va bien au-delà de la composition d’un album traditionnel. Tu peux t’exprimer sur plein de niveaux.

Publicité

Ta famille voyage avec toi en Lituanie ?

Ma sœur Lucy, oui. C’est ma demi-sœur en fait, et elle chante aussi. Je fais d’ailleurs la promotion d’un album familial aussi, avec ma sœur Martha :

Sing Me The Songs: Celebrating the Works of Kate McGarrigle

, où je reprends des chansons de ma mère avec d’autres artistes comme Norah Jones et Emmylou Harris. C’est un projet qui me tient vraiment à cœur. Il y a toujours une nébuleuse familiale autour de moi.

Tu vas encourager ta fille à se mettre à la musique ?

C'est normal que les gens aient envie de rejoindre le monde de la musique, parce que si tu réussis à en vivre, il n’y a rien de mieux. Peu de gens réussissent à supporter le stress et la pression mais si tu y parviens, c’est génial. Je comprendrais parfaitement qu’elle soit attirée par la musique, mais je ne lui forcerai pas la main. En toute franchise, la famille aurait plutôt besoin d’un ou deux avocats, et d’un docteur !

Est-ce que Leonard Cohen a eu une influence sur la dynamique de ta famille

?

[Leonard Cohen est le grand-père de la fille de Rufus]

Leonard est une légende vivante et il a vraiment travaillé dur pour développer son propre univers, son écriture et sa garde-robe. C’est un homme très solitaire. Il est merveilleux et c’est toujours un plaisir de le voir. Mais on ne traîne pas beaucoup ensemble. Mon père est, comme lui, un WASP cul-serré. On a un peu les mêmes rapports. Les hommes, quoi.

Publicité

Le temps semble toujours moins tendre avec les femmes, a fortiori dans l’industrie musicale. Tu es d'accord avec ça ou bien tu penses que c'est pareil pour les hommes ?

Bizarrement, je n’ai pas à souffrir de tout ça parce que je suis gay. Tout ce que je peux te dire, c'est que pour les types qui ont dans les quarante, cinquante, soixante ans, et qui ont réussi dans le business de la musique, c’est très dur de conserver une relation durable. Il y a un tas de poulettes qui kiffent les vieux musiciens. Ça peut paraître amusant, excitant, mais ça finira surtout par te bouffer tout ton temps et détruire ta vie de famille. C’est un peu tortueux. Pour moi, c’est différent, parce que les gays s’en tapent que tu sois musicien ou autre, vraiment, donc je suis un peu à l’écart du débat. En tant qu’homme, vu de l’extérieur, on pourrait effectivement penser que c’est plus facile, mais si tu te donnes trop, tu t’éteins à petit feu, quoiqu'il arrive.

Je te posais la question parce que tu as plutôt bien vieilli. Ça te surprend ?

Ouais, un peu, parce que j’ai eu une période vraiment décadente pendant mon adolescence. Je me suis beaucoup amusé, et ça valait bien toutes les cicatrices que j'ai ramassé, mais à un moment, j'ai senti qu’il fallait que je remette de l’ordre dans ma vie et que je me concentre sur la préservation de ma voix et de ma raison, et jusqu’à un certain point, de mon physique. Quand t’es chanteur, c’est vraiment nécessaire de faire gaffe à ta voix. Tu dois en prendre soin – tout particulièrement avec la musique je chante. Si j’étais un brailleur, j’aurais une esthétique différente à maintenir. Avec ce que je fais, j’ai vraiment besoin d’atteindre certaines notes et à être juste, donc je dois prendre soin de moi.

Publicité

À une époque, tu essayais de décrocher de la meth.

Ouais, c’était durant cette période. J’avais vraiment une prédisposition à devenir accro à la meth, j'aurais tout à fait pu sombrer, si je n'avais pas arrêté à temps. Dès que j’ai été en contact avec cette drogue, j’ai su que mes jours étaient comptés si je faisais le mauvais choix. Soit je décrochais, soit je finissais dans le caniveau. Certaines personnes peuvent en prendre pendant des années, perdre leurs dents, leurs yeux… Je suis heureux de ne pas avoir été là-dedans suffisamment longtemps pour ça.

D'autant plus que tu en as consommé à une période où c'était une drogue peu connue, on n'en parlait pas autant qu'aujourd'hui.

C’était déjà un fléau dans le milieu gay, mais peu de gens acceptaient d'en parler. J’ai senti qu’il était vraiment nécessaire de tirer la sonnette d'alarme. Je n'ai absolument rien déclenché, mais je fais partie des gens qui ont essayé d'ouvrir les yeux à la communauté gay sur ce danger – ça me semblait important, surtout quand tu sais tout ce par quoi les gays ont dû passer durant les dernières décennies. On était sur le fil du rasoir. Maintenant, c’est

Breaking Bad

.

T’as déjà regardé la série ? T’en penses quoi ?

Non, pas vraiment. Une partie de moi est encore sensible sur le sujet et pour être honnête, une autre partie de moi est plutôt branchée par les infos sur MSNBC, malheureusement. Je suis devenu accroc à Rachel Maddow, donc ma came c’est plutôt

Publicité

Breaking Maddow

.

Tu as collaboré avec des artistes géniaux depuis tes débuts. Quel est ton meilleur souvenir ?

Travailler avec ma sœur Martha est toujours un plaisir parce qu’on a grandi ensemble et qu'on a chanté pendant des années. C’est toujours une expérience dingue. Sinon, je dirais Burt Bacharach. Il m’a accompagné au piano pour quelques concerts et on a fait quelques télés ensemble et c’était vraiment fou parce que j’adore son boulot. L’idée de Bacharach jouant du piano derrière moi – je ne m’en suis toujours pas remis.

On t’a proposé de nouveaux rôles au cinéma ?

Ce n’est pas une chose après laquelle je cours mais je n’y suis pas opposé non plus. Être acteur est un truc très difficle. Regardez combien de fois Madonna a tenté de le faire. Je trouve ça débile. Donc ça me fatigue un peu d’avance mais je ne refuserais pas si ça se représentait. C’est assez proche de ma nature. J'ai une nature

filmique

.

Tu as eu du mal à choisir ce que tu allais mettre sur ton best-of,

Vibrate

?

Mon ami Neil Tennant des Pet Shop Boys m’a beaucoup aidé là-dessus. Ils a dressé une première liste sur laquelle je suis repassé pour arriver au tracklisting final. Ce n’était pas si dur, en fait. On s’est focalisé sur ce que le public voulait entendre et sur ce qu’une personne qui ne connaissait rien de moi pourrait aimer. Il y a tout un autre pan de Wainwright plutôt inhabituel, mystérieux, ésotérique qu’il serait amusant de sortir un jour. Mais pour celui-ci, nous voulions les hits.

Tu avais imaginé que tu sortirais un best-of un jour ?

Ouais, je savais que je serais là-dedans pour un bail. Mon père a sorti un best of et ma mère est malheureusement morte trop jeune pour faire pareil. Mais j’ai toujours su que je traverserai différentes périodes, que je serais toujours là, et que ces périodes incluraient forcément un best of.

Un best-of est peut-être inclus dans une des périodes de la vie de Marissa. Elle est sur Twitter - @marissagmuller.