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Music

Le duo serbe Sixth June essaie d'oublier la guerre en jouant de la synth-pop à Berlin

Laslo Antal nous parle du nouveau EP du groupe, de la situation en Serbie et de sa relation particulière avec le chiffre 6.

Photo : Christoph Voy

Quand je suis allé à mon premier concert de Sixth June, un pote m'a immédiatement lancé : « tu es venue parce que tu kiffes le chanteur, hein ? » Je tiens à dire que je suis déjà allé à des concerts pour des motifs bien plus vils que celui-ci. Mais là, en l’occurrence, j’étais venue pour la musique. Sixth June sont originaires de Belgrade, existent depuis 2007 et vivent à Berlin depuis deux ans, comme tout le monde. Ils font ce qu’on pourrait appeler de la dark synth-pop. Et bien qu’ils soient clairement influencés par les années 80 (sans blague), leur style frappe juste et fort, sur disque comme dans leur univers visuel.

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Pleasure

, leur nouveau EP, sortira lundi sur Mannequin Records. J'en ai profité pour discuter avec

Laslo Antal

, l’homme derrière Sixth June.

Noisey :

J’ai regardé ce qui s’était passé dans l’Histoire, un 6 juin. C’est la date de lancement de Tetris en 1984. C’est aussi le jour où Kennedy a été tué.

Laslo Antal :

Ah oui ? Sérieux ? En tout cas je suis content que tu ne m’ais pas parlé du D-Day et de tous ces trucs.

Oui, j’ai évité tout ce qui tournait autour de la guerre parce que ça me fait peur. Tu es obsédé par les chiffres donc ?

Non, pas du tout. Si tu veux savoir, c’est par pure coïncidence que cette interview a été calée à 6 heures. J’aime le chiffre 6 mais il ne régit pas ma vie non plus, il n'y a rien d’obsessionnel là dedans.

J'ai l'impression que vos clips, comme vos morceaux, suivent une esthétique bien précise. Sachant que tu es

aussi réalisateur à côté, je me demandais si c'était voulu ou pas ?

Il n’y a aucun plan précis derrière tout ça, en fait. Je crois que ça vient de ma façon de travailler, qui reste la même, que ce soit en musique, en vidéo, ou en illustration. Je ne reste jamais assis à me creuser la tête pour savoir ce qui collerait le mieux à notre musique. C'est parfois du pur hasard, des choses qui arrivent au moment de filmer. Lidija est actrice, elle joue dans des films et des pièces de théâtre, et c'est quelque chose qu'elle met pas mal en avant dans le groupe. Nos concerts et nos clips sont basés sur son personnage, sa manière de jouer.

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Vos vidéos sont plutôt simples, mais elles dégagent une atmosphère très spéciale. Comme votre clip avec les pastèques, ça vous est venu comment ?

Ça date d’il y a deux ans, pour notre dernier EP. On l’a filmé ici, à Berlin, en plein été, même si on dirait qu’il pleut et qu’il fait sombre, mais bon, l'été est parfois comme ça à Berlin. En fait, on voulait tourner un clip en plein soleil, pour contraster avec nos autres vidéos, mais le ciel n’était pas d’accord. On le fera sans doutre une autre fois.

Qu’est ce qui a changé entre votre album et ce nouveau EP ?

Beaucoup de choses. Sur l'album on a essayé de mettre tout ce qu'on avait, toutes les influences qu'on a pu emmagasiner en vingt et quelques années, même si on n'a finalement mis que deux mois à l’enregistrer. J’étais vraiment content que cet album sorte. Maintenant, c’est un peu différent. On essaie de passer à autre chose, même si c’est qu’on se dit à chaque fois qu’on enregistre un nouveau truc, et c’est sans doute ce qu’on se dira encore dans le futur, j'imagine.

Je repense à cette vidéo où l’on voit votre grand-mère plumer un poulet. Vous venez d’un environnement complètement différent de celui où vous évoluez aujourd’hui.

Ça va peut-être sembler une nouvelle fois très cliché de dire ça, mais tout a l’air bien plus libre ici. Les gens s’en tapent de ce que tu aimes ou de ce que tu n’aimes pas. En Serbie, peu importe si tu es dans une grande ville ou pas, il y a toujours cette mentalité de village. Ici, tu peux faire ce que tu veux.

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Ah ouais ?

Bon, peut-être pas tout. Ce que je veux dire, c'est que là-bas, les choix sont tellement peu nombreux que ça revient à n’avoir aucun choix du tout. Mais bon, j’ai quitté la Serbie depuis presque trois ans, donc les choses ont peut-être changé depuis. À Berlin, tu choisis dans quel endroit tu vas sortir, en Serbie tu dois d'abord

créer

un endroit où sortir. L’Art est une des dernières préoccupations des serbes, ça n’intéresse personne.

Justement, n'y-a-t-il pas quelque chose à tirer de cette situation ?

Tu sais, ma génération et ceux qui sont un peu plus vieux que moi pensaient que ça irait mieux. Surtout en 2000, quand les changements et la démocratie sont arrivés. Avant ça, on a eu dix ans de guerre. Tout le monde luttait contre le système, mais au moins on luttait

ensemble

. Maintenant, les gens ne savent même plus contre quoi se battre. Ils sont juste fatigués. Tu ne peux pas passer ta vie à attendre quelque chose qui n’arrive jamais.

J’ai entendu dire que beaucoup de serbes de ton âge souffraient de terribles dépressions, parce qu’ils ont participé à cette révolution et que ça n’a finalement servi à rien.

Oui, mais ils croyaient en leur combat. Et quand ça s’est terminé, il y a 5 ou 6 ans, beaucoup d’entre eux ont abandonné. C’était un truc très organisé à l’époque. Des gens aux opinions complètement divergentes avaient joint leurs forces pour affirmer d’une seule voix : « Nous ne voulons pas de ça, pas comme ça ». C’est peut-être pour ça que ça n’a pas fonctionné. Il ne suffit pas de se débarrasser d’un obstacle, il faut aussi savoir quoi faire après. Je n’ai jamais été très intéressé par la politique, mais quand tu es là-bas, tu es vite au courant de ces choses.

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Quel est ton morceau préféré sur votre nouvel EP ?

« Pleasure ». C’est celui qui ressemble le moins à ce qu’on a pu faire avant. Et c’est typiquement le genre de morceau que j’ai envie d’écouter. On essaie vraiment de se renouveler, c’est pour ça qu’on prend autant de temps entre chaque disque. On aurait simplement pu appliquer la recette d’il y a deux ans, ça marchait, les gens aimaient ça, mais on voulait franchir ce palier.

Ton travail de portraitiste est assez impressionnant. Ce sont des personnages réels ou imaginaires ?

Les deux. Pour certains, je me suis basé sur des modèles, d’autres ont été crées de toute pièce. J’ai toujours été attiré par les visages. C’est d’ailleurs pour ça que je les utilise aussi pour les affiches du groupe. Un visage n'est jamais ennuyeux. Il est différent à chaque regard.

Pleasure

, le nouveau EP de Sixth June sortira le 9 décembre - soit un 6 à l’envers, notez bien- chez Mannequin.