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Sexe

À la gloire des machofuckers

Barebacks entre thugs et unité – le studio porno gay hardcore Machofucker fête son dixième anniversaire.

Pas d'intrigue, pas d'intro. Une scène Machofucker commence toujours avec la bite de l'actif super dure et la bouche du passif déjà dessus. On sait que ce dernier va passer une demi-heure qui défie l'endurance : deep throat extrême, étouffements puis pénétration sans ménagement avec des plans fixes qui n'en finissent pas. De temps en temps, on entend le réalisateur qui approuve : « Yeah, man ! » en direction d'un fucker originaire de la Jamaïque. Tous les mecs sont beaux, énormes, naturels. Aucun hipster en vue.

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De tous les studios pornos gays apparus depuis le début des années 2000, Machofucker est le seul à avoir renouvelé le genre. Même si ses films incluent tous des scènes de bareback, le style des productions est très éloigné des studios hardcore de contamination – ou breeding – de type KnightBreedersouDudesRaw. Spécialisé dans les meilleurs acteurs actifs d'aujourd'hui, ce studio rassemble des hommes de toutes les couleurs qui baissent comme si le sida n'était pas passé par là.

Depuis quelques mois, les films Machofucker se terminent sur une étrange techno préfabriquée à la chaîne, ou carrément un passage de musique classique avec un fondu enchaîné du logo du studio avec cette phrase : « 10 years - The Award-winning N° 1 website for amateur interracial bareback porn ». Une phrase bourrée de termes sujets à polémiques. L'annonce grandiloquente de l'anniversaire est un procédé pourtant rare chez Machofucker, spécialisé dans le no bullshit promotionnel et le sexe frontal, sans décors ni intrigue. Une chose est sûre : Machofucker a révolutionné le porno gay.

C'est le royaume des Noirs immenses, des Latinos agressifs et des Blancs les plus déchaînés. Jamais d'intro. L'action est directe, impitoyable. Machofucker a été lancé le 13 mai 2005 comme une petite succursale des studios Treasure Island Media. Une grande majorité des scènes est produite par un américain qui filme à Barcelone, ce qui positionne le studio à un confluent télégraphique entre la côte ouest des États-Unis et l'Espagne, le nouvel eldorado du porno européen – notamment via Jalif Studio.

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Ce qui différencie Machofucker des autres studios, c'est d'abord la lumière. Les scènes sont toujours tournées à l'intérieur, de jour, avec la chaleur de Barcelone qui envahit l'atmosphère. Souvent, les fenêtres ouvertes sur la rue mettent en valeurs les bruits de la ville, les sirènes de police, les gens qui parlent en bas, sur les trottoirs. Cette luminosité estivale exacerbe la chaleur du sexe. Il n'y a pas de projecteur autour des acteurs mais la photographie est assez claire et détaillée pour que l'on ne rate rien de ce qui se passe. C'est le concept de less is more, mais dans en porno.

Il y a encore dix ans, le marché du porno gay était encore dominé par les grands studios qui lançaient les tendances et les acteurs. Raging Stallion, Hot House et Titan ont longtemps eu le monopole du leadership alors que le porno européen grignotait de plus en plus une manière de faire, à l'américaine, toujours trop produite. La scène berlinoise s'est développée (Cazzo), anglaise (Triga, HardBritLads), française (Citébeur). Mais l'arrivée de Machofucker a imposé une vision plus proche du cinéma amateur, au moment où celui-ci était déjà en train de révolutionner le genre porno en général. Une multitude de petits studios sont apparus avec la même idée : pour que les films restent excitants sur un format court – à destination des smartphones –, il fallait que tout le superflu du décor soit enlevé.

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Et Machofucker, c'est ça. Une chambre et deux ou trois mecs – c'est tout. On pénètre dans un porno où tout ce qui compte, c'est l'action. Droit devant, sans répit, culte de la performance. Ici, pas question de se presser pour jouir, les plans-séquences sont si longs que l'on s'évade complètement. L'éditing est minimal, l'action est filmée telle qu'elle se produit.

Le casting aussi, est différent : il ne présente que des hommes qu'on n'avait jamais vus avant. Des Brésiliens bien sûr, mais aussi des Américains, des Allemands, des Français, qui deviennent à chaque fois les meilleurs de la génération d'après. Certaines carrières se sont développées lorsque des acteurs se sont fait connaître au bout de plusieurs scènes devenues depuis des classiques. D'ailleurs, tous les grands du porno gay mondial actuel sont passés par la case Machofucker, comme Troy, CutlerX, MrMarky, Antonio Biaggi, Red, PetoCoast ou Robby Mendez. Tous les acteurs de Machofucker sont des bad boys, des thugs, certains ont spécifiquement demandé à jouer pour le studio, dont quelques power bottoms si connus qu'ils ont droit à une catégorie rien que pour eux sur le site. Les bites sont systématiquement énormes et toujours dures.

Aussi, Machofucker se différencie de la plupart des autres studios bareback du milieu des années 2000. On est loin de l'abattage du breeding en partouze, des coins dégueulasses des clubs SM, de la pénombre, de la farouche envie de contaminer ou d'être contaminé comme chez TIM – de loin le studio leader dans ce délire-là. C'est une autre culture. Au lieu de montrer des acteurs qui baisent en dépit du débat sur le bareback, Machofucker montre des acteurs qui baisent comme avant le sida. Mais avec la performance d'aujourd'hui. C'est moins aliénant, mieux filmé, plus international si l'on veut.

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L'influence de Machofucker a été décisive dans l'émergence d'autres studios qui ont repris à leur compte l'énergie du créneau sexe sans capote entre Noirs ou Latinos. RawStrokes, BreedItRaw, BiLatinMen.com, TimFuck donnent parfois dans la surenchère, avec encore plus de cailleras recouvertes de tatouages et dotées de pénis encore plus impressionnants. On est dans la représentation du sexe ethnique urbain : bijoux et coupes de cheveux étonnantes. Le porno donne le reflet de la société des quartiers populaires américains, de la même manière que le studio Citebeur est la révélation en pleine lumière des fantasmes gay en banlieue. Actuellement, par exemple, on voit l'énorme succès des films d'étudiants comme SketchySex, très partagés sur les sites de téléchargement, qui montrent de nombreuses scènes de bukkake.

La vie sexuelle de 2015 montrée dans les grands studios pornos n'est plus crédible. Aujourd'hui, ce sont les films amateurs qui retranscrivent le mieux cette réalité. C'est la réponse du porno moderne à ce que dit Julianne Moore à Joseph Gordon-Lewitt dans Don Jon, quand elle croit que les acteurs pornos « font semblant ». Oui, c'est vrai dans une grande partie des cas – mais plus dans le porno amateur. Les plans-séquences ne sont plus coupés, il n'y a pas de direction d'acteurs. Les mecs font ce qu'ils veulent.

L'héritage de Machofucker est donc indéniable. Le studio a exposé une manière de baiser unique dans le hard « interracial » (il y a par ailleurs une polémique sur ce terme, qui n'est pas apprécié de tous), avec pour la première fois une surreprésentation d'acteurs sud-américains (Brésiliens, Argentins, Haïtiens, Cubains, Dominicains) mais aussi d'arrivants africains en Espagne.

De nos jours, la production du studio est devenue un peu inégale, avec quelques scènes mineures volées à des studios brésiliens encore plus underground. Mais le site de Machofucker demeure une mine de scènes désormais cultes qui ne vieillissent pas. Ce qui prouve d'ailleurs à quel point l'érotisme des acteurs résiste à l'usure du temps et du gel. Les DVDs sortis depuis 10 ans sont aussi tous indémodables. Machofucker est une sorte de Pléiade du porno intemporel.

Après avoir fondé et dirigé Magazine et Têtu, Didier a été le rédacteur en chef du site Minorités.org. Il est sur Twitter.