FYI.

This story is over 5 years old.

Musique

J’ai attendu French Montana dans un strip club

French Montana est un rappeur du Bronx d'origine marocaine. C’est le type le plus gentil au monde, même s’il a tendance à parler dans sa barbe.

French Montana est un rappeur du Bronx d'origine marocaine. C’est le type le plus gentil au monde, même s’il a tendance à parler dans sa barbe. Vous pourriez à tort penser qu’il est timide ou un peu attardé : détrompez-vous. French Montana a lancé une série de DVD nommée Cocaine City quand il avait 18 ans, et a continué son petit bonhomme de chemin jusqu’à – excusez du peu – devenir le meilleur pote de Rick Ross et porter des chaînes en or à 150 000 dollars. Il sort des mixtapes depuis 2007, mais a récemment obtenu un succès plus mainstream, notamment grâce à une poignée de singles et un alignement favorables des planètes de la galaxie Universal Music, qui a décidé que son prochain album, Excuse My French, serait la grosse tuerie de cette année en matière de rap de rue. Ainsi soit-il. Son dernier single en date s’intitule « Pop That ». On pourrait débattre des jours entiers de la qualité des lyrics et des choix en terme de production, mais ça ne mènerait absolument nulle part, parce que la vidéo du morceau a déjà été vue plus de dix millions de fois sur YouTube et qu’elle donne envie de danser et/ou de grinder des gonzesses aux postérieurs imposants – c’est ce que French Montana fait de mieux. Ce n’est pas le rappeur aux lyrics les plus profonds, mais grâce à Max B, son mentor, il a développé un sens de la mélodie très personnel qui fait que des lyrics comme « Tellement de billets de 100 qu’il faut les balayer/Comme Barack Obama, j'ai des vitres teintées » deviennent des trucs infiniment beaux. Ce qui fait que personne ne lui reproche de n’utiliser qu’une infime partie de son talent (à part peut-être mes potes nerds du rap, Dieu les bénisse). Imaginez un peu : vous êtes tranquille à glander au bureau un jeudi après-midi, vous profitez pleinement de cette ambiance entre chien et loup, entre l'atmosphère studieuse du début de semaine, et le week-end qui approche à grands pas, quand soudain, vous recevez une invitation pour « Une soirée exclusive en compagnie de French Montana et de ses amis ». Magnifique : mercredi prochain, vous pourrez passer une soirée entière à observer French Montana faire remuer des culs bombés sur la chanson de l’année. C’est dans un club de striptease. On vous promet que la vodka coulera à flots. Les dieux d’Universal Music vous ont à la bonne. Mercredi arrive enfin, et vous vous rendez compte que vous ressentez comme un vide au plus profond de votre âme, que seuls des culs bien dodus pourront combler. L’endroit était bizarre : le club s'appelait le Sin City, et était basé en plein West Hollywood – l’endroit le plus gay-friendly de l’Amérique gay-friendly. C’est limite si les passages cloutés ne sont pas en forme d’arc-en-ciel. West Hollywood est donc le dernier endroit sur Terre où l’on s’attendrait à trouver un club de strip-tease. C’est un peu comme organiser un concours de drag-queens en plein milieu d’une foire agricole alsacienne. Le commissariat de Beverly Hills se trouve à moins de cent mètres, ce qui explique pourquoi j’ai croisé une dizaine de flics devant l’entrée du club. Quelqu’un a un jour eu l’idée de lancer un club de strip-tease dans le quartier le plus blanc, gay et surveillé de la ville, et c’est là que French Montana a décidé d’organiser sa release party et de faire pleuvoir des milliers de dollars sur des stripteaseuses. L’open-bar vodka était terminé quand je suis arrivé. Il finissait à onze heures. Sérieux, qui se pointe dans un club de strip à 10 heures du soir ? J’aimerais profiter de l’opportunité qu’il m’est donnée pour m’exprimer sur les open-bars en général. C’est la tactique marketing la plus pourrie qui soit. La seule fois que vous verrez un vrai open bar, c’est soit au Hellfest, soit à Calvi, deux endroits où il est préférable pour votre santé mentale d’être bourré toute la journée. À 23h30 French n’était toujours pas là, ce qui est compréhensible. Les rappeurs vivent dans leur propre espace temps; ils disposent d’une inertie bien à eux que la plupart des mortels ne peuvent comprendre. En revanche, il y avait déjà des stripteaseuses. Le DJ passait « Drippin’ » de Kid Ink, ce qui m’a permis de découvrir de nouvelles connotations à ce morceau. Quelques heures plus tard, la soirée commençait à se tasser. Il n’y avait rien d’autre à faire que de se payer des verres à 10 dollars, ou de filer un ou deux billets aux danseuses. J’aurais aimé vous interpeller sur le traitement dégradant pour la femme qu’offrent les stripteaseuses, mais manque de bol, ce n'est pas le cas. Je n’ai rien à dire sur les stripteaseuses. Je ne fais pas partie de leur population cible et je ne suis pas leur mère non plus. En revanche, je ne savais pas qu’elles avaient autant de cellulite. J’ai enfin compris pourquoi ce genre d’endroit est toujours plongé dans la pénombre la plus complète. Pour ceux qui se demandent où va tout l’argent que les danseuses se font quand elles dansent, sachez que les videurs passaient toutes les cinq minutes récupérer leur pourboire (un string ficelle ne pouvant contenir qu’une quantité très limitée de billets de banque, même si pour certaines de ces filles, le terme « string ficelle » était bien exagéré). Puis soudain, un ouragan est arrivé : French Montana s’est pointé dans la boîte, accompagné d'un sac poubelle contenant six kilos de billets d'un dollar. Il s’est mis à pleuvoir ; des centaines de feuilles de papier volaient ça et là, dans tous les coins, en même temps. Les danseuses sont devenues folles. Les filles dansaient dans des positions qui me paraissaient jusque-là anatomiquement impossible. Nous sommes rapidement passés de 2 à 15 danseuses en moins d’une minute. Des jets de confettis ont envahi la salle. J’avais l’impression de jouir soudainement après deux heures à travailler bobonne ; imaginez 15 minutes de feux d’artifices qui partent en 15 secondes ; les gens étaient là pour ça, et putain, ça valait le coup. J’aimerais féliciter les stripteaseuses pour leurs tricks inimaginables : elles connaissaient leur boulot. Ça se voyait. Ces filles arrivaient à se propulser sur scène en utilisant simplement la force de leur boule. Elle se balançaient sur les barres de striptease, deux à la fois : une mise à l'amende intégrale de ces hippies crades du Cirque du Soleil. Bien qu’elles fussent serrées comme des sardines, on remarquait qu’elles avaient une sorte de conscience collective qui les empêchaient de se rentrer dedans (aucune blessure dues aux talons n'a été à déplorer ce soir-là). Les danseuses arrivaient à retomber en grand écart sur le sol, en rythme avec « Pop That ». Je ne sais pas si c’est la prestation standard dans un club de striptease ou si French Montana avait mis le paquet sur les danseuses de haut niveau, mais merde, c'était un spectacle ultime de peau et de chair. Dix minutes plus tard, c’était déjà fini. J’ai battu en retraite vers le bar, épuisé par tant de fun. Le plan marketing avait marché. Ma curiosité était satisfaite. Si vous vous demandez ce que ça fait de voir French Montana faire pleuvoir des biffetons sur des stripteaseuses, vous n’avez qu’à écouter ses chansons. Ses lyrics – destinés à tous les mecs bourrés de la terre – vous feront facilement revivre ce que j’ai vécu. Le rap n’a jamais eu besoin d’être bon pour être bien.