« La Course au jouet » est le meilleur film de Noël de tous les temps

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Culture

« La Course au jouet » est le meilleur film de Noël de tous les temps

Attention, cet article contient des divulgâcheurs.

C’est le temps des Fêtes, ce qui rime avec rester en pyjama les cheveux sales, remplacer les repas par du chocolat chaud et réécouter tous les mêmes vieux films scraps à TVA et à Ciné-Cadeau. À mon sens, il s’agit de la meilleure période de l’année.

Plutôt que de perdre votre temps à visionner les universellement appréciés Miracle sur la 34e rue ou L’Étrange Noël de monsieur Jack, VICE vous propose de revoir un des classiques les plus sous-estimés de la période des Fêtes et de le regarder pour ce qu’il est vraiment : un chef d’œuvre.

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Je parle ici de La Course au jouet, mettant en vedette Arnold Schwarzenegger dans le rôle d’un père prêt à tout pour trouver un jouet stupide pour son fils. Le film récolte une gênante note de 16 % sur Rotten Tomatoes, ce qui est totalement injustifié quand on analyse le sens profond du film, en faisant fi de la bouffonnerie et des effets spéciaux ratés typiques des années 90.

La Course au jouet se veut le pastiche d’une époque où les gens s’arrachaient les horribles poupées Bout’chou et les figurines des Power Rangers dans l’espoir de les fourrer à temps sous le sapin et ainsi prouver qu’ils sont des parents dignes.

Cette satire de la commercialisation de Noël a été plus ou moins bien reçue; si certains ont aimé la prémisse, ils n’ont pas apprécié le rendu à l’écran.

Mais il faut passer outre l’humour grotesque du film pour voir qu’au-delà de Noël, le film va beaucoup plus loin dans sa critique sociale. Si on dépouille le film de son slapstick qui tombe à plat et de la piètre performance de Schwarzenegger – qui était plus qualifié pour être gouverneur qu’acteur de comédie –, on découvre une représentation à la fois lucide et cynique d’une classe moyenne déchirée par le sentiment d’inadéquation face aux attentes démesurées de son époque.

On voit une famille minée par le travail, les dettes et le stress de performance inhérent au monde moderne. Et ça, aucun autre film jouant chaque année quelque part en après-midi à la fin de décembre ne le rend aussi bien.

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Travailleurs du monde entier, unissez-vous

Howard Langston (Schwarzenegger) est un père absent. On le devine croulant sous les dettes; c’est pour cette raison qu’il n’a d’autre choix que d’accumuler les heures supplémentaires à son poste de représentant des ventes dans une entreprise de matelas.

Il est surmené. Année après année, il n’a pas le temps d’assister au défilé de Noël que son fils Jamie adore. Il rate aussi sa remise de ceinture de karaté au début du film. La figure paternelle qu’est Howard se résume en une série de déceptions.

Jamie boude son père absent. Capture d'écran. Crédit : 20th Century Fox

Jamie a donc le cœur brisé par l’absence de son père. Et Howard a le cœur brisé de n’être pas un parent adéquat pour son fils. Il compte se rattraper en lui offrant le jouet qu’il désire et que tout le monde s’arrache : Turbo Man.

Turbo Man est le superhéros le plus merdique ever : son superpouvoir consiste à voler avec un jet pack intégré dans un suit générique en plastique, à lancer des disques inutiles avec son avant-bras et à des fois sortir son boomerang. Quand ton superhéros est plus plate que Hawkeye de Marvel, on part de loin.

Reste que c’est ce que Jamie veut, et c’est ce que Jamie aura. Aveuglé par les idéaux de la société de consommation, Howard voit dans le jouet cheap probablement fabriqué en Chine l’unique manière de reconstruire son unité familiale.

Seul problème : c’est la veille de Noël, et les stocks sont épuisés, partout.

À la recherche du jouet, Howard commence à perdre ses moyens. Capture d'écran. Crédit : 20th Century Fox

Clairement, c’est absurde. Ce n’est pas un jouet qui rétablira les années d’absence d’un père. On peut très bien imaginer la scène du matin de Noël dix ans plus tard, où Jamie, distant, reçoit un nouveau iPod acheté à crédit, hausse les épaules et étire la commissure de ses lèvres pour former un sourire le temps de murmurer un faible « merci, p’pa »… pour ensuite retourner s’enfermer dans sa chambre où, quelque part derrière sa série de trophées de baseball et de ceintures de karaté, il cache un baggie de weed, qu’il fume de temps en temps dans une pipe volée à son ami Pat.

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Howard est hanté par son sentiment d’inadéquation. S’il avait été un bon père et un mari à l’écoute, il aurait su qu’il devait acheter le Turbo Man deux semaines auparavant, lorsque sa femme le lui a demandé. Or, en tout prolétaire débordé qu’il est, il n’a aucun souvenir de cette conversation.

Il se trouve en outre constamment diminué par la perfection de son voisin Ted, l’eligible bachelor qui représente les idéaux de la société qu’Howard est désespéré d’atteindre.

Howard, visiblement diminué par la perfection de son voisin Ted. Capture d'écran. Crédit : 20th Century Fox

Ted est présent au karaté de son fils, à la parade de Noël, il a acheté le Turbo Man à l’avance et il a même installé les lumières de Noël d’Howard, qui n’a jamais eu le temps de le faire lui-même. Aussi, Ted est bien nanti : il possède une caméra et a même déniché un vrai renne pour égayer le Noël de son fils. À côté de lui, Howard, le pauvre endetté surmené, n’est rien.

En ce 24 décembre, Howard est catastrophé de constater qu’il va à nouveau décevoir et son fils et sa femme.

Il s'ensuit une série de péripéties ridicules, où Arnold Schwarzenegger montre qu’il n’a aucun sens de la comédie. Il se lie d’amitié – puis de rivalité – avec un facteur désabusé qui lui aussi cherche un Turbo Man pour son fils, et à qui on doit le rant le plus woke sur la commercialisation de Noël et l’exploitation de la classe moyenne.

Puis, victime d’un imbroglio, Howard en vient à incarner le vrai Turbo Man lors de la parade de Noël. Il tient enfin dans ses mains un de ces fameux jouets, qu’il remet par favoritisme éhonté à son fils, sous les applaudissements nourris de la foule.

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Puis il terrasse le méchant (qui se retrouvait incarné par le facteur woke) qui s’attaque à son fils dans l’espoir de lui voler son jouet. Dans sa tentative de vol, le facteur tue presque Jamie en le faisant tomber du haut d’un immeuble, mais Turbo Man Schwarzenegger le rattrape en plein vol grâce à son jet pack.

Howard est un héros. Capture d'écran. Crédit : 20th Century Fox

C’est peut-être la pire scène du film. C’est un désastre de green screen cheap, c’est aussi complètement idiot, improbable et mal scénarisé.

Mais surtout, c’est la concrétisation du fantasme qui découle du complexe d’infériorité d’Howard. Il devient l’homme puissant et admiré qu’il n’a jamais su être. Vêtu de l’habit de superhéros, il peut donner à son fils l’attention et les biens matériels qu’il n’a jamais su lui donner.

C’est la matérialisation du miracle de Noël. La scène, quoique catastrophique, est essentielle.

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Comblé de découvrir que son père est le « vrai » Turbo Man, Jamie donne son jouet au facteur.

Quelle sera sa déception lorsqu’il découvrira que son père n’est rien d’autre qu’un travailleur de la classe moyenne vêtu de plastique. Qu’en fin de compte, le père Noël aura oublié de lui acheter tous les cadeaux qu’il voulait. Et que le père Noël n’existe même pas.

La Course au jouet est autant une fable des illusions d’une société de consommation axée sur la performance que celle de la désillusion des enfants.

La morale : Hawkeye suck. Pour vrai.

Justine de l'Église est sur Twitter.