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Music

Qui es-tu, Dany Synthé ?

De MHD à Maître Gims en passant par Louane et Florent Pagny, Dany Synthé est aujourd'hui le beatmaker que tout le monde s'arrache. Nous sommes allés passer un moment avec lui pour tenter de découvrir l'âme derrière la machine à tubes.
Photo - La fille du 12eme photography

Il est assez rare qu'on parle de « beatmaker star » en France, dans la mesure où les beatmakers qui sévissent sur l'hexagone ne bénéficient pas exactement de la même exposition que leurs collègues nord-américains. Mais Dany Synthé est l'exception en la matière. Du haut de ses 25 ans, il a tout bonnement signé ou co-signé la quasi intégralité des tubes afro-trap de ces dernières années - MHD et Maître Gims en tête. Celui qui a débuté dans un style de rap très classique est devenu en quelques temps la coqueluche des dancefloors, des rappeurs à la recherche du tube perdu et même de certaines têtes de gondole de la variété française - à tel point qu'il intégrera le jury de La Nouvelle Star à la rentrée prochaine. Mais comment cette transformation, qui lui vaut aujourd'hui d'être adulé par les amateurs de sons dansants et détesté par les nostalgiques du rap pur et dur, s'est-elle opérée ? A-t-il sacrifié des animaux, vendu son âme ou simplement fait son job ? Trahit-il l'esprit hip-hop avec ses mélanges contre-nature ? C'est ce que nous avons tenté de savoir en lui rendant visite au beau milieu d'une semaine très chargée (promo pour son single avec Shay et Davido, compositions pour Gims et finalisation de l'album de Florent Pagny) pour une discussion 100 % détente, bonne humeur et lucidité.

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Noisey : Les gens ne le savent pas forcément, mais vant de connaître le succès et de tomber dans la spirale infernale de la variété, tu étais un simple beatmaker innocent. Peux-tu revenir sur cette période ?
Danny Synthé : Par où commencer ? C'est vrai que j'ai commencé à bosser avec Nessbeal très tôt, j'avais 16 ans. C'était sur le morceau « Ma Solitude » avec Isleym. C'est ce qui m'a mis le pied à l'étrier puis après j'ai eu l'occasion de travailler avec Brasco, Mister You, Orelsan, Les Psy4 de la rime, c'est vrai que c'était très hip-hop cette période. Non seulement y'avait pas d'afro mais en plus c'était même pas du tout des singles. C'était dans la colonne vertébrale des albums, la structure était très différente d'aujourd'hui, où effectivement je fais beaucoup moins de morceaux de ce style, même si ça peut m'arriver : j'en ai fait un pour Lefa dernièrement, et un autre pour le prochain Booba.

Tu est totalement autodidacte ?
Ça a été un mix : j'ai fait le Conservatoire plus jeune - piano, clavier, tout ça. Et après j'ai continué tout seul avec un synthé qui avait une fonction beatmaking. Je faisais mes sons avec ça, sans ordinateur, sans rien. Puis après j'ai eu les premiers logiciels, Logic, Q-Base, etc. J'avais déjà des bases, puis des gens m'ont donner quelques tricks, astuces, des VST - ça a été de l'enseignement virtuel, on va dire.

Ok, parlons des racines du mal, maintenant. Quelles sont tes influences ?
Mes influences sont très larges, mais dans le hip-hop c'était Dre, Timbo, Scott Stroch, Just Blaze, 9th Wonder, après ça allait plus loin que ça. Dans la pop, Stevie Wonder, Sam Cooke, même de la folk. Seigneur.
Je me suis jamais pris la tête, j'ai toujours vraiment écouté beaucoup de choses, sans réfléchir à quel style ça correspondait, si c'était cohérent ou pas. J'écoute de la musique et j'absorbe tout ce que je peux aimer et qui peut me servir à moi aussi.

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A quel moment tu décides de basculer totalement du côté obscur et te consacrer à des tubes afro-trap ?
[Rires] Avec « Sapés Comme Jamais ». La bascule se fait assez naturellement avec artiste comme Gims, qui peut aussi bien aller vers le reggaeton que vers la trap ou l'afro. Je lui ai fait écouter des instrus afro, j'en avais déjà pas mal en réserve dont je ne savais pas quoi en faire. En 24 heures avant de remettre les bandes du titre, on décide de prendre cette direction-là. On s'est dit que ce serait un petit titre à part, un truc pour se faire plaisir, comme un bonus dans l'album. On savait qu'il était bien mais pas une seconde on n'aurait imaginé qu'il rencontrerait un tel succès. Et à partir de là, tout le monde s'est mis à me demander de l'afro, tout le temps. C'est comme ça que j'ai basculé dans ce registre qui est devenu un peu la marque de fabrique qu'on m'attribue, même si pour moi ce n'est pas ma marque de fabrique.

Je vois, tu es dans le déni. Quelle serait ta marque de fabrique selon toi ?
Justement pour moi j'en ai pas ! Mon style, c'est un mélange de beaucoup de choses. Quand je peux bosser avec des artistes comme Florent Pagny ou Louane, je fais complètement autre chose… Je ne suis pas dans un registre précis. Vraiment pas.

Vient ensuite l'engrenage fatal : la rencontre avec MHD. Là c'est l'escalade.
C'est son producteur qui me contacte, qui me connaissait déjà, parce qu'il était éditeur chez Warner, où j'étais signé. Il vient me voir en me disant que ça va être cohérent. Au début j'ai une crainte, comme un rejet : j'ai pas envie d'être catalogué, je sais pas si c'est une bonne idée.

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Il te restait encore une part d'humanité.
Puis je me suis dit : reste fidèle à tes principes, c'est que de la musique. Après tout, si on te colle une étiquette, c'est à toi de montrer que tu peux faire autre chose. Du coup il me présente MHD, le courant passe super bien, j'étais chaud pour faire un ou deux morceaux, mais pas tout un projet. Sauf qu'on part sur « Afro-Trap 4 » et le courant est tellement bien passé qu'on a pratiquement enchaîné tout l'album sans s'en rendre compte en fait ! MHD est quand même très facile à bosser, agréable. L'album a été vite, 2-3 mois maximum. Et on a continué de bosser ensemble jusqu'à aujourd'hui.

Sachant que MHD est maintenant sur une tournée US, est-ce que par ricochet tu as tissé des liens là-bas avec des rappeurs ou beatmakers ?
Je suis allé sur place et c'est vrai que MHD est très apprécié. Il y a eu par exemple Hit-Boy qui a demandé à bosser avec moi. Travis Scott avait kiffé « Sapés comme jamais » et voulait qu'on bosse ensemble également. Ça ne s'est pas fait parce que tu connais, les cainris même quand ils te demandent, c'est tout un travail de les capter après [Sourire]. C'est une première pierre à l'édifice, maintenant il faut aller là-bas, rester un peu sur place et voir ce que ça peut donner.

Tu es actuellement arrivé au point de non-retour : des collaborations avec Florent Pagny et Louane. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Pour Pagny c'est parce qu'il aimait beaucoup ce que Gims faisait. Sauf qu'il a bien précisé qu'il voulait bosser avec Gims ET les équipes de Gims, le package si tu veux. Du coup on s'est mis à travailler ensemble et j'ai continué à bosser l'album avec Florent directement. Pour Louane, ça s'est fait via notre maison de disque commune, Mercury. Ils se sont dits que ce serait bien de faire collaborer deux artistes de chez eux et je me suis retrouvé à bosser quelques titres, dont le dernier single qui vient de sortir, là.

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Et t'as pas honte ?
[Rires] Non, c'est des nouvelles expériences.

J'imagine que tu as fait l'escroc sur le mode « j'adore ce que vous faites, je connais très bien votre carrière », etc ?
En vrai, j'ai même pas eu à faire ça, parce que je connaissais vraiment ce qu'ils faisaient.

Attends, même Louane ?
Ouais ! Sur sa tournée, dans ses musiciens, y'avait des potes à moi dedans en fait. Donc je peux pas dire que j'aimais tous les morceaux mais y'en a que j'avais vraiment aimés. Pagny, lui, je connaissais les classiques déjà : « Savoir aimer », « Châtelet-les-halles », plus récemment « Les Murs Porteurs »… C'était vraiment des titres que j'avais appréciés, donc je connaissais déjà le personnage. Ce qui était cool, c'est que malgré tout, j'avais même pas à faire l'escroc ou faire semblant pour la bonne raison que c'est eux qui venaient me chercher pour que je leur apporte ma touche ! On me demandait pas de me travestir pour eux, mais d'imaginer comment les accompagner à ma façon. C'est beaucoup plus facile de bosser avec un Florent Pagny qu'avec beaucoup de rappeurs. Comme je te disais, ça rejoint aussi un peu la diversité de mes influences : j'écoutais de la folk mais aussi de la variété française. Tout ça m'a nourri à tel point que je suis pas dépaysé quand je bosse avec ces artistes là… Honnêtement je bosse exactement de la même manière que dans l'urbain. Ça ne change strictement rien. J'utilise les mêmes procédés, les mêmes kicks [Rires]

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Ah ouais tu les arnaques jusqu'au bout, respect.
[Rires] Non du tout ! Mais vraiment tu peux retrouver les kicks de l'album de MHD dans celui de Pagny, même si ce sont des styles différents. Tout dépend de comment tu les joues, comment tu les places, comment tu les mixes, c'est ça qui change la musique.

Quand tu vois less conditions de travail dans la variété, avec des gens qui arrivent à l'heure, etc, tu ne te dis pas que ce serait plus simple d'abandonner totalement le rap ?
Non, y'a du bordel partout, c'est jusqu'il est différent. Pour certains, ça va être du retard, pour d'autres, des complications différentes.

Est-ce que le rap te manquerait si tu te mettais à 100 % à la variété ?
Je pense ouais. J'ai besoin de faire un peu de tout. Sinon je m'ennuie. La redondance c'est chiant. Tu t'enfermes dans un truc. C'est comme si tu faisais de la boxe et que tu travaillais que tes bras et jamais tes jambes. C'est cool, t'auras des bras super musclés, mais les jambes c'est comment ? [Rires]

Tu es Congolais, tu as composé « Sapé comme jamais » mais tu es toi-même assez sobre niveau fringues.
Nan c'est vrai, je suis pas à mort sur la sape, j'aime bien être bien habillé mais je suis pas un vrai sapeur, c'est plus mon grand-père qui est comme ça.

Tu es un beatmaker mis en avant, ce qui est très rare en France, faut faire péter le Philippe Plein et les diamants là.
À la base c'était rare, mais c'est en train de changer. On commence à être appelés, reconnus… On a la chance d'avoir des papiers dans des médias importants, qui ne se seraient peut-être pas intéressés à nous il y a quelques années. J'ai la chance d'être juré à la Nouvelle Star, émission très populaire, et j'y suis en tant que beatmaker issu de l'urbain. Y'a une évolution, les mentalités changent, on commence à comprendre l'importance et l'apport du beatmaker/compositeur.

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Parlons de tes ennemis héréditaires, les puristes. T'ont-ils reproché de trahir le grand esprit hip-hop ?
Non ! Tu sais quoi ? Je m'attendais à ça mais curieusement j'ai plutôt eu des remarques qui me disaient que c'était positif d'amener l'esprit hip-hop dans des coins ultra-populaires. Pour l'instant c'est positif. Mais je m'attends à ces critiques, parce que c'est vrai qu'on pourrait me dire « ouais, tu pervertis le rap ». Je pense que ces gens-là devaient le penser dès que j'ai ramené le côté afro. Sauf que je me pose pas de questions à ce niveau là : c'est pas un problème d'être festif, c'est pas un problème de mélanger les styles, moi je fais de la musique. Si moi ça me parle tant mieux, c'est pas fait pour parler à tout le monde, je comprends que certains détestent, c'est un avis que je respecte aussi.

Est-ce qu'au fond de toi sommeille le beatmaker que tu étais à 16 ans qui en a marre des tubes et qui veut juste refaire des instrus sombres ?
[Rires] C'est vrai qu'on pourrait croire mais ça me manque pas, parce que je glisse cette partie par endroits. Comme t'as dit au début, à la base j'étais pas du tout un mec qui faisait danser les gens, c'était dark, émotions fortes, noirceur… Et maintenant j'ai toujours l'occasion de le faire de temps en temps, sur un Booba, un Niska, etc. Je continuerai de l'apporter. Si j'ai la chance de rester à la mode [Sourire], j'aimerais bien avoir cet aspect double, ce paradoxe. C'est ce qui m'apporte le plus d'émotions. Comme dans « Papaoutai » de Stromae : tu as le côté hyper-dansant et le côté dark, avec ce piano triste qui est là pour te dire que ce n'est pas si cool, qu'on te parle de choses sérieuses. C'est le genre de choses vers lesquelles j'aimerais bien me diriger.

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Lors de la session avec Stromae, tu t'es dit : « Attention, ce mec peut me voler mon travail » ?
Non, on bossait tous ensemble, c'était dans mon studio. Collaboration d'équipe, à 4 avec lui, MHD, DSK on the beat. Et puis Stromae est quelqu'un de tellement humble, tellement dans le partage, qu'il ne va jamais se la jouer « bon, moi, je suis Stromae, je vais prendre ta place, toi, petit, tu te pousses sur le côté ». Nan, jamais de la vie.

En parlant de DSK avec qui tu as signé beaucoup de beats, vous travaillez comment ensemble ?
MHD a présenté DSK au producteur et à partir de là, chacun ramène des sons, puis on fait le point. Dès qu'il y a un bon feeling, on développe et on envoie. Des fois c'est chacun ses sons, des fois c'est des sons faits à plusieurs, etc.

Donc tu n'as jamais essayé de l'éliminer physiquement pour devenir le roi des beatmakers afro-trap.
Non, parce que la musique c'est un partage et c'est dommage de vouloir être égoïste et de garder le truc pour soi. Et puis je suis qui pour lui dire : « Maintenant c'est fini, ce sera moi le king de l'afro-trap », tu vois ce que je veux dire ? [Rires] Je suis personne ! Ce serait malvenu. La table est assez grande, donc partageons.

En parlant de ça : c'est combien une prod de Dany Synthé ?
[Il éclate de rire] Eh bien, comme tu t'en doutes je ne vais pas te répondre. Ça dépend des artistes et des projets. Mais le côté purement business, financier, je laisse ça à la grande Anne Cibron qui gère ça de main de maître [Rires] C'est son domaine. Moi je peux pas donner de chiffres, mais disons, quelques milliers d'euros… Bien tassés, quoi [Sourire].

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Si tu t'arrêtais demain, pourrais tu vivre toute ta vie sur les droits de « Sapés comme jamais » ?
Oh, nooooon ! [Rires] Pas à ce point-là quand même. Après faut savoir que je n'ai même pas fini de toucher la SACEM de « Sapés comme jamais », parce que c'est un processus qui prend du temps. Faut savoir que de l'extérieur, tu te dis « ce single a tout pété en 2015, il a dû toucher du blé ». Oui j'ai touché du blé sur le moment, mais le vrai blé a commencé à tomber un an et demi après. Là on est 2 ans après, je suis en plein dedans. Tout ce qui est droits, etc, ça prend beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps. Attendons de voir à combien ça monte pour voir si je peux vivre jusqu'à la fin de mes jours, mais franchement ça n'arrivera pas, faut encore travailler !

As-tu en réserve des projets machiavéliques où en plus d'être beatmaker tu prendrais le micro ?
Non, parce que j'ai déjà plusieurs casquettes, je fais de la direction musicale sur MHD ou sur Gims, pour les tournées également. Avec Gims je suis aussi sur scène, au clavier. Je supervise des projets et des sons, je fais de la direction artistique. Les casquettes que j'ai me suffisent. Si j'arrêtais le beatmaking, j'aimerais signer des gens, construire quelque chose avec des nouveaux, histoire de faire avancer les choses et de garder un pied dedans. Mais moi devant un micro ça n'arrivera pas. Y'en a qui me disent « Si, essaie », mais non, laisse tomber. Jamais. Au max je fais du DJ Set, des showcases, où je dis « Bonjour, levez les mains » mais ça s'arrêtera là… Là je finis de produire l'album de Florent, je dois encore boucler quelques sons sur le Louane, le Niska et le Booba. J'ai du MHD en cours aussi et Gims on est toujours aux fourneaux, ça n'arrête pas. Et je teste de nouvelles expériences, avec de la BO. C'est un nouveau plaisir.

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As-tu pris ta revanche sur ceux qui te disaient que tu n'allais jamais réussir en leur jetant des billets au visage depuis un hélicoptère ?
En fait, il y a des gens qui m'ont dit : « Tes prods c'est sympa mais quand on te fait des éloges c'est pour t'endormir, des compositeurs y'en a des tonnes, t'en es qu'un parmi tant d'autres, arrête de rêver, y'a peu de chance que ça marche ». Pas par rapport au côté afro, mais en général. C'était du kérosène dans mon moteur, rien d'autre. Quand je les regarde aujourd'hui j'ai pas un côté hautain, je me dis juste « C'est cool, j'ai réussi » [Rires] Beaucoup d'appelés, peu d'élus, ça reste une vérité.

Prêtes-tu une oreille aux critiques qui se plaignent régulièrement du côté trop simple de tes instrus ?
Non, parce que je pense que c'est un débat sans fin. On peut appeler ça de la simplicité mais ce serait de la branlette artistique de ma part de chercher un truc compliqué juste pour impressionner les connaisseurs. Ça m'intéresse pas, seule la musique compte. Avec un accord de piano et une voix calée au bon moment avec la bonne intention et le bon texte, tu peux être transporté. Quand je vois certains morceaux aujourd'hui, la simplicité d'un piano-voix et ce que ça te procure, je suis bluffé. Moi, je m'adapte aux artistes. Si demain je suis en binôme avec un chanteur ou rappeur très spécifique dans ses demandes, là oui je vais te faire des renversements de 7e, de 9e, pas de problème. Mais pour l'instant je n'en ai pas la nécessité. C'est aussi simple que ça.

Concrètement, sur le papier, quand on lit « Pagny sur du Dany Synthé »…
Ah tu l'imagines pas sur de l'afro-trap, ça c'est clair [Rires] En effet, il n'y a pas d'afro-trap sur son album. C'est un peu un voyage, y'a de la pop, de la folk que j'aime beaucoup, et de la variété. Un condensé de ce qu'on peut aimer tous les deux. On a pioché dans nos goût musicaux respectifs, dans les choses sur lesquelles on se retrouvait.

Il t'a donné des astuces pour esquiver les impôts ?
[Il éclate de rire] Non, on n'a pas eu le temps, c'est pas un sujet qu'on a abordé. Par contre il m'a donné des conseils de professionnel, faut pas oublier qu'il a 30 ans de carrière et moi 25 ans d'existence. Il a un côté très bienveillant, protecteur, j'apprends beaucoup de ce genre de personne.

Comme tous les beatmakers français, as-tu eu des périodes où des rappeurs « oubliaient » de te payer ou y as-tu échappé grâce au succès ?
Si, on en a tous eu. Ou alors c'est que t'étais pas dans le hip-hop [Sourire]. Y'en a même où j'ai laissé tomber, j'ai arrêté de relancer, c'est bon. Si jamais on comptait tout ce qu'on a perdu comme ça… Ça fait quelques salaires hein, quelques Smics qui traînent par ci par là… C'est comme ça, malheureusement. Si jamais on faisait plus d'efforts là-dessus, l'économie serait plus fluide, les beatmakers plus motivés. On dit que l'argent fait pas le bonheur, je suis d'accord…

Il va y avoir un « mais » dans cette phrase.
[Sourire] …mais quand t'as un certain confort, ça te permet d'être plus serein dans ton boulot. Et tu vas avoir plus de chance de faire des trucs qui marchent, non pas parce que tes finances influent sur la qualité de ton travail mais parce que ce côté « lâcher prise », tu l'auras plus facilement si tu es serein. Tu feras juste de la musique. Il y aura moins de pression. Comme je disais, la SACEM, ça prend un an et demi à tomber. Alors si en plus tu mets déjà plus d'un an à récupérer l'argent qu'on te doit directement, t'es pas serein du tout.

Maintenant que tu es connu, parmi ceux qui te doivent de l'argent, certains sont revenus en mode « Salut, au fait, faudrait qu'on te paie, on avait oublié, et faudrait qu'on rebosse ensemble aussi » ? C'est ce que je ferais perso.
Ah ça c'est clair, mais je tafferai plus jamais avec eux. S'ils regrettent, ils me l'ont pas dit en tout cas… Quoique t'as raison, certains sont revenus en mode « hey au fait on te devait de l'argent, on peut se voir ? » Je crois que je leur ai même pas répondu, limite je les invite à garder cet argent. C'est même pas une revanche mais on va se faire perdre du temps mutuellement. Tu vas me payer ce que tu me dois, puis tu vas me demander de te bosser une prod, tu vas comprendre que je vais pas le faire et tu vas penser à ce que t'aurais pu t'acheter avec l'argent que tu m'a donné… Ça sert à rien, garde-le, fais-toi plaisir. Yérim Sar se fait plaisir sur Twitter.